Oasis des artistes: Poésie en ligne, Concours de poèmes en ligne - 6526 membres !
S'inscrire
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 


Mot de passe perdu ?
Inscrivez-vous !
Petites annonces
Qui est en ligne
118 utilisateur(s) en ligne (dont 77 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 3
Invité(s): 115

Sybilla, ISABELLE59, Ancolie, plus...
Choisissez
Photos-0005.jpg
HĂ©bergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright



Index des forums de Oasis des artistes: Le plus beau site de poésie du web / Poésie, littérature, créations artistiques...
   Contes et nouvelles (seuls les textes personnels sont admis)
     la cadence du silence
Enregistrez-vous pour poster

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant | Bas
Expéditeur Conversation
vent2sud
Envoyé le :  26/1/2009 21:38
Plume de soie
Inscrit le: 10/8/2007
De: marrakech
Envois: 93
la cadence du silence
Un ami m’a dit qu’un homme qui sait doit souffrir. La douleur est le prix à payer pour le savoir. Il disait cela avec un sourire triste en serrant ses lèvres pour ne pas montrer sa bouche édentée. Chômeur, il avait toujours rêvé d’un bureau, d’un ordinateur neuf et d’un salaire. Il m’avait promis que s’il serait embauché, il m’achèterait un complet de haute couture.
Il fumait trop. Du tabac noir. Du café noir. De l’humour noir. Son pessimisme était sa façon de se révolter et se venger du bonheur de ceux qui ont volé sa chance d’avoir un emploi décent et une vie normale. Ses yeux étaient cernés à force de lire pendant la nuit. Il m’a confié un jour qu’il craignait dormir la nuit parce qu’il avait la certitude qu’il se réveillerait fou. Il avait des idées étranges sur les gens, la vie et les choses pour laquelle les hommes s’entretuaient. Pour lui, sa tristesse était profonde et incurable. Un pauvre a son chagrin dans les poches. Un affamé l’a dans le ventre. Lui qui se sentait lésé, opprimé et défavorisé par la société, disait qu’il portait son chagrin dans l’âme comme un cancer mortel, si inguérissable qu’aucune amputation ou suicide ne pouvait le soulager.
A force de s’y habituer, sa peine était devenue son propre combat à travers lequel il s’identifiait. Au lieu de dire qu’il s’appelait tel, il disait tout simplement qu’il était triste.
Le jour où il avait extériorisé sa rage, les gens s’arrêtaient pour le voir comme un numéro désopilant d’un spectacle, un one-man-show. Une femme disait qu’il avait perdu la raison à cause des livres qu’il lisait tout le temps. Son ignorance ricanait. Elle croyait que son analphabétisme l’avait sauvée d’une épilepsie. Lui aussi il ricanait en écarquillant ses yeux épuisés. C’est l’une des rares moments où j’ai assisté à une entente entre l’ignorance et la culture. La femme ricanait encore en couvant sa bouche avec sa main. Mon ami déchirait l’air avec ses rires hystériques. Il laissait sa bouche édentée cracher sur tous les badauds qui s’attroupaient autour de lui.
La folie savait parfois comment concilier les extrêmes, beaucoup plus pertinemment que la raison. J’avais beau essayé de me frayer un chemin au milieu de la foule, mais la nuée des corps lourds d’oisiveté et de curiosité était trop dense pour être franchie. En plus, personne ne voulait céder sa place afin de se délecter jusqu’au bout du spectacle saisissant. Ses rires ont résonné dans le quartier.
Enfin, il s’est fait entendre. Ils s’accentuaient comme un nuage d’hiver qui grandissait à force que les tonnerres grondaient. Sa rage était un ouragan de colère. Ses nuages à lui ne produisaient pas de la pluie mais débagoulaient des postillons, des graillons et des foudres d’injures. Le son diminuait progressivement. Sa voix descendait tranquillement aux caves du silence. Une descente tout en douceur. Le son s’est éteint. Ce silence qui fait peur, qui rappelle la mort et la désolation. La foule se dissipa pour ne pas être ravagée par la malédiction car un misérable vint de rendre l’âme.
Le spectacle n’était plus marrant. La femme analphabète courait vers sa maison avant de s’évanouir au pied de sa porte. Elle était morte. Le médecin disait qu’il s’agissait d’un infarctus. Le spectre squelettique de mon ami a longtemps hanté le quartier. Je me rappelais encore de son sourire qui frisait le silence par sa discrétion. J’étais le seul à veiller le mort. Il avait un sourire tranquille de quelqu’un qui n’a jamais souffert. J’ai fermé ses yeux avec un geste qui effleurait la caresse et je me suis accroupi près du cadavre.
J’avais l’impression que le temps passait comme une bande vidéo au ralenti et les sons s’évanouissaient graduellement sans écho. C’est la cadence du silence. Un spectacle choquant est capable de nous montrer que les formules et les concepts demeurent ineptes face à la cruauté du destin, que l’ironie du sort n’a rien d’ironique.


----------------
le vent est l'expression sublime de la nature qui nous rappelle que le mot peut etre aussi transparent que volatile, libre et lancinant..à mon avis,un poème authentiquement écrit est une brise qui caresse les émotions tout en étant susceptible de s'exp...

Honore
Envoyé le :  29/1/2009 10:15
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39527
Re: la cadence du silence
J'ai beaucoup apprécié les hurlements silencieux qui se détachent de ton texte et rendent vivante l'expression de la mort.
HONORE
Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant |

Enregistrez-vous pour poster