Oasis des artistes: Poésie en ligne, Concours de poèmes en ligne - 6527 membres !
S'inscrire
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 


Mot de passe perdu ?
Inscrivez-vous !
Petites annonces
Qui est en ligne
58 utilisateur(s) en ligne (dont 46 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 2
Invité(s): 56

RomanNovel, ARobert13, plus...
Choisissez
Honoré
HĂ©bergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright



Index des forums de Oasis des artistes: Le plus beau site de poésie du web / Poésie, littérature, créations artistiques...
   Contes et nouvelles (seuls les textes personnels sont admis)
     Le Retour de Radia
Enregistrez-vous pour poster

A plat Sujet précédent | Sujet suivant
Expéditeur Conversation
Mostafa
Envoyé le :  9/10/2008 15:27
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 2/5/2008
De: AGADIR.MAROC
Envois: 14893
Le Retour de Radia
Je suis honoré de poster ,pour tous mes amis(es) de Oasis,ma nouvelle "Le Retour de Radia",inspirée d'une histoire vraie.J'espère qu'elle vous plaira (je ne crois pas que "plaire" soit le bon terme!). De toute façon,je vous souhaite une bonne lecture!

Le retour de Radia

La vie rétrécit ou grandit selon le courage que l’on a.
ANAĂŹS NIN

La sonnerie du téléphone fait sursauter la femme qui somnolait paisiblement dans la pénombre du salon … Cet appareil miraculeux, que le génie de l’homme a su inventer pour communiquer à distance, a toujours effrayé la femme qui somnolait paisiblement dans la pénombre du salon en cet après-midi caniculaire. Elle dit qu’il n’apporte que les mauvaises nouvelles et n’augure rien de bon… Elle se lève avec lassitude espérant que cette sonnerie assourdissante cessera pour rendre au salon son silence paisible. Voyant que le maudit retentissement s’entête à transpercer la quiétude des lieux et à la déranger dans sa sieste délicieuse, la femme se décide enfin à prendre le combiné : « Allô ! Qui est à l’appareil ? » Elle entend à peine la voix lointaine de sa fille qui lui annonce qu’elle rentre demain, par avion, et qu’il faudra l’attendre à l’aéroport à seize heures.
« - Qu’est ce qu’il y a, ma fille ? ça va ?
-Nous parlerons demain. Au revoir maman.
-Allô ! Allô ! Radia, tu m’entends ? Réponds ma fille, réponds ! Allô ! Allô ! … »

Rien. Plus un son ne sort du maudit appareil. Il est devenu aussi sourd qu’un trou sans fin. Un silence angoissant tombe sur la mère et lui fait atrocement mal. Son cœur se serre dans sa poitrine. Elle s’affale dans le fauteuil en soupirant. Ce retour impromptu de sa fille est aussi étrange qu’effrayant. Normalement, elle les informait bien à l’avance de son arrivée et toute la famille l’attendait avec impatience. Ses frères et sœurs ne parlaient que des belles choses qu’elle leur apporterait de Belgique et tout le monde voulait aller à sa rencontre à l’aéroport… Non, cette fois, c’est différent, c’est anomal. Cela fait maintenant dix ans qu’elle est à l’étranger et n’a jamais annoncé son retour de cette façon, jamais ! C’est sûr, il lui est arrivé quelque chose de grave… Des centaines de questions torturent la pauvre femme qui somnolait paisiblement dans la pénombre du salon. Des centaines de questions matraquent la tête de cette mère qui ne trouve aucune réponse convaincante et rassurante qui pourrait apaiser son inquiétude et effacer son angoisse.
Quelles vicissitudes lui cache demain ? Ne trouvant que les prières, la mère demande à Dieu, la voix étouffée par les pleurs, de protéger sa fille de tout malheur. Elle regarde l’horloge nonchalante du salon et se demande si elle aura la force et le courage d’attendre. Comme demain sera long à venir et comme la nuit sera éternelle ! … Elle prend sa tête dans ses mains et pleure…
Le père de Radia, gardien du parc municipal de la ville, ne différait en rien des petites gens de la plèbe : Il n’avait rien ! Sa profession était loin de surveiller le parc de la municipalité et faire fuir les voleurs. Au contraire, sa tâche était d’ouvrir le grand portail aux voleurs bien habillés, élégamment cravatés, impeccablement rasés, indiscrètement parfumés, conduisant de belles voitures en parlant constamment dans leurs portables en couleurs. S’ils volaient les biens des contribuables en plein jour, sans peur et sans remords, ce n’était nullement par gloutonnerie ou goinfrerie, non ! Ils voulaient tout simplement récupérer ce qu’ils avaient donné aux votants durant leur campagne électorale ! Le gardien du parc municipal était, chaque jour que dieu fait, témoin oculaire incapable de dénoncer les magouilles que les magouilleurs municipaux magouillaient en toute impudence : S’il avait ouvert le bec, il se serait retrouvé dans la rue avec une simple signature du président du conseil municipal qui n’était en réalité que le chef de la bande des magouilleurs. La devise du gardien du parc municipal était « Embrasse la main que tu ne peux mordre ! Ce souk est trop grand pour toi. Pense à tes enfants et entre au souk de ta tête ! »
Le père de Radia n’avait rien et pourtant il faisait un enfant à sa femme tous les ans. Elle était tout le temps enceinte. Quelle est cette raison énigmatique qui pousse les pauvres à procréer comme des lapins ?... Radia était la première à venir égayer la baraque de Si Ali. Ses frères et sœurs ne tardèrent pas à venir participer gaiement à la cacophonie du bidonville, la bouche grande ouverte, réclamant bruyamment leur pitance comme une nichée impossible à rassasier… Si Ali Appela sa fille « Radia » pour qu’elle accepte son sort avec résignation et soumission sans protestation aucune… Radia poussa tant bien que mal entre la baraque, l’école du Makhzen, la fontaine publique, le jardin municipal et le four traditionnel : Quand il pleut, elle aime attendre son pain dans la tiédeur bienfaisante du four public. Quand la première hirondelle fait le printemps, elle adore aller jouer avec les filles du quartier dans le jardin de la municipalité et mettre beaucoup de petites fleurs dans les cheveux. Le soir, elle rentre avec un bouquet de fleurs jaunes, mauve, rouges, et roses qu’elle met dans une bouteille en plastique pleine d’eau. Sa mère la taquine en riant : « - Qu’est ce qui te manque Ô toi qui es nu ? – Une bague, mon seigneur ! » Quand il faut aller à l’école, elle va à l’école. En classe, elle est polie, silencieuse, sérieuse et un peu timide. Elle travaille assez bien et rêve de devenir maîtresse comme sa maîtresse. Par contre, elle déteste aller à la fontaine publique ; La corvée de l’eau l’exaspère et les plaisanteries stupides, ridicules et mal placées des garçons du bidonville l’irritent et la mettent mal à l’aise. Ces apprentis dragueurs la suivent de la baraque à la fontaine et de la fontaine à la baraque en chantant : « Radia ya al Mardiya, Rdit bik, ma Rditi biya ! » (Radia la Bénie, je t’ai acceptée, tu n’as pas voulu de moi !)
Dès que Radia eut soufflé sa quinzième bougie, sans gâteau d’anniversaire et sans bougies, son père la fit travailler dans une boulangerie-pâtisserie. Même si elle n’avait jamais redoublé, elle fut obligée de quitter le collège pour aider son géniteur à nourrir sa nichée impossible à rassasier. Radia apprit très jeune le sens du nom commun féminin singulier « Responsabilité ». Elle trima sans se plaindre pour sa famille, fidèle à la signification de son prénom jusqu’au jour où la félicité lui sourit : Un marocain émigré en Belgique la vit à la pâtisserie de la "Ville Nouvelle". Son cœur battit comme un tambour ; ses mains tremblèrent, eurent la chair de poule et lâchèrent la tarte aux fraises ; ses jambes vacillèrent et risquèrent de laisser tomber le reste de sa personne ; ses yeux clignotèrent et sa bouche s’ouvrit béatement. Il n’osa se baisser pour reprendre sa tarte aux fraises. Il paya et sortit déboussolé. Il apprit par un va-de-la gueule que ces sensations inconnues s’appelaient « coup de foudre ». Il attendit la jeune serveuse devant la pâtisserie, la suivit sans lui adresser la parole jusqu’à sa masure. Le lendemain, il revint à la pâtisserie, demanda une tarte aux fraises en dévorant la belle serveuse brune des yeux et sortit en oubliant sa tarte aux fraises tellement les yeux noisette de la serveuse étaient ensorcelants et son sourire fascinant ! Le soir, il l’escorta jusqu’à sa porte sans mot lui dire… Après sept jours de filature, il frappa à la porte en ajustant sa cravate malgré la chaleur. La mère de Radia ouvrit. L’amoureux lui dit : « Bonsoir Lalla. J’ai vu ta fille à la pâtisserie. C’est une fille sérieuse : De la maison à la pâtisserie et de la pâtisserie à la maison. Elle est sage et bien éduquée. Elle me plaît. Je veux l’épouser et l’emmener vivre avec moi en Belgique. »
La femme poussa un youyou cérémonial qui fit surgir des fenêtres voisines, des têtes féminines très curieuses. La mère répondit au prétendant qui commençait à rougir et à transpirer soudainement : « Mon fils, nous les femmes, nous disons oui en poussant des youyous. Mais ces choses se décident entre hommes. Attends son père ! »
Si Ali fit planter une tente caïdale qu’il apporta du parc municipal, juste en face de sa baraque, dans la rue, au beau milieu de la route avec la bénédiction du caïd de l’arrondissement. Les pauvres mangèrent, burent, dansèrent et chantèrent toute la nuit à la santé du marié qu’ils devinaient riche comme Crésus. Le lendemain, Radia, épouse d’émigré, s’envola pour le pays de Brel (elle savait qu’il était belge grâce à son professeur de français qui lui avait fait aimer sa chanson "Ne me quitte pas". Elle avait toujours rêvé d’un homme qui l’aimerait de cette façon. Par contre, « Ces gens là » la rendait triste ; elle était persuadée que Brel parlait d’elle dans cette chanson.)
Sérieuse, travailleuse, tenace et ambitieuse, Radia ne tarda pas à trouver du travail et travailla dur, jour et nuit, afin de faire sortir sa famille de la misère. Elle trouva en son mari un cœur tendre et un esprit compréhensif. Elle lui fut reconnaissante de l’aider à subvenir aux besoins des siens. Elle apprit à l’aimer comme il l’aimait et à le respecter comme il la respectait. Aziz, amoureux, se pliait à toutes ses volontés et ne lui refusait rien… Et les mandats postaux envoyés par Radia commencèrent à pleuvoir sur Si Ali comme les pièces d’or jetés par Robin-des-Bois aux gueux et aux va-nu-pieds… Le rêve de Radia se réalisa enfin après de longues années de labeur acharné et d’économies draconiennes au pays des "Roumis" : Voir les siens habiter une vraie maison, digne de ce nom. Elle leur fit même installer le téléphone pour les appeler et entendre les mots tendres de sa mère qui la couvrait d’éloges : « Ô ma fille, prunelle de mes yeux ! Ô mon foie, ma chair et mon sang ! Radia Ô ma rose, sur toi tombe la rosée ! » Et elle poussait son youyou cérémonial qui assourdissait Radia au téléphone. Si Ali lui disait de sa voix émue du père reconnaissant : « Va, ma fille ! Que Dieu te bénisse et te protège du mauvais œil !Je te bénis dans la vie et dans l’au-delà ! »… Radia se sentait responsable de ses petits frères et sœurs. Elle les gâtait autant qu’elle pouvait à condition qu’ils terminent leurs études et deviennent instruits, civilisés et importants dans la société. Elle voulait les voir atteindre les sommets de la réussite et danser fièrement sur la cime. Ce rêve était indélébile dans son cœur. C’était une obsession, voire une psychose. Elle avait même choisi à chacun sa carrière professionnelle : « Toi, tu seras médecin, toi ingénieur et toi pilote de ligne. Toi, tu feras avocat. Quant à toi, tu seras informaticien… »
Radia ne vivait que pour ses frères et sœurs et se tuait à la besogne pour satisfaire tous leurs besoins, au détriment de sa santé. Son mari lui conseillait maintes fois de penser un peu à elle, de prendre un peu de repos, de passer des vacances, de se détendre. Radia souriait et répondait : « Les filles des baraques, les filles du zinc ne connaissent pas le repos. Elles auront toute l’éternité pour se reposer dans la tombe ! »
La femme qui somnolait paisiblement dans la pénombre du salon, regarde l’horloge nonchalante en psalmodiant des prières tout en essuyant ses larmes avec la manche de son caftan …Quand viendra demain si demain il y a ? Elle a senti dans la voix lointaine de sa fille un profond désarroi, une affliction déchirante. Le cœur d’une mère ne peut se tromper ; Il est arrivé un malheur à sa fille. Elle se ronge les ongles d’impatience et d’anxiété… Pourquoi ne lui a-t-elle rien dit ? Dieu, faites que demain vienne !

Radia entre dans la maison, le bras accroché à l’épaule de son mari qui la tient par la hanche de peur qu’elle ne tombe. Elle est à peine reconnaissable, un squelette vivant : Visage blafard, yeux hagards, cernes grisâtres, lèvres sèches et fissurée, joues creuses, tête entièrement recouverte d’un foulard. Maigre comme un lacet, elle halète à chaque pas, hors d’haleine, et transpire à grosses gouttes. La voyant dans cet état, sa mère pousse un long hurlement déchirant et s’évanouit. Ses sœurs se mettent à crier. Son petit frère s’accroche à sa taille en pleurant. Son père la regarde en retenant avec peine les larmes qui lui montent aux yeux… Le mari et le père font entrer la malade dans la chambre et la mettent au lit. Elle dit faiblement à son père de ne pas s’inquiéter pour elle et d’aller auprès de sa mère. Son mari la regarde avec apitoiement et dit à Si Ali : « Vous m’avez donné une fille débordante de vie et rayonnante de beauté et je vous ramène une moribonde ! » et succombe en pleurant. Ses yeux rouges deviennent une cascade de larmes. S’efforçant d’arborer une grimace ressemblant vaguement à un sourire, Radia lui murmure : « Voyons Aziz ! Tu ne vas pas recommencer ? Tu m’as promis : Pas de larmes ! » et se met à toussoter en crachant dans son mouchoir trempé de sueur.
Au début, cette tumeur maligne qui ronge le corps juvénile de Radia était tellement maligne que la malade ne s’était même pas doutée de la mort qui se propageait doucement, qui avançait en silence, qui infestait en s’infiltrant par traîtrise partout dans son corps, le détériorant de l’intérieur, le suçant, le tarissant, le dévorant, l’usant chaque jour un peu plus jusqu’à la phase extrême devant laquelle la médecine terrestre est impuissante. Après un long traitement aussi douloureux que vain, Radia a compris avec lucidité et résignation qu’elle était condamnée et entendait déjà sonner le glas. Croyante jusqu’à la moelle, elle a refusé de mourir sur une terre mécréante et a décidé de rendre l’âme chez elle, entourée des siens, et être enterrée dans sa terre musulmane. Elle voulait s’éteindre dans la maison qu’elle avait fait bâtir avec sa sueur et son sang…
Cette maison qui sentait le basilic, la joie de vivre et la bonhomie, la porte toujours ouverte, accueillante, hospitalière et chaleureuse ; cette maison où les voisines chantaient et dansaient pour dire merci à la vie ; cette maison où les petits enfants poussaient en toute quiétude comme l’olivier du patio ; cette maison d’où fusaient les rires, les exclamations, la joie, le bonheur ; cette maison qui vivait… Cette maison s’est subitement tue comme si elle pleurait la jeune femme qui agonise dans la chambre.. Les persiennes closes assombrissent les meubles et rétrécissent les pièces. La peinture fond et coule en larmes le long des murs. Les murs se lézardent et perdent leur peau. Le toit devient tellement bas qu’on a l’impression de le toucher rien qu’en levant la main. Les escaliers disparaissent. L’espace devient de plus en plus étroit. Les fleurs du salon se fanent. Les portraits et les tableaux deviennent flous. Les piliers fléchissent les genoux. La maison s’agenouille et prie… Le spectre de la mort plane désormais sur les êtres et les choses de cette demeure métamorphosée en sarcophage ; silence morbide, pleurs étouffés, portes et fenêtres fermées, poste de télé éteint, chaîne stéréo muette, téléphone muselé, déplacements et gestes discrets, veillées taciturnes, prières chuchotées.. Même les enfants ne rient plus ; les enfants ne jouent plus. La désolation la plus douloureuse s’abat impitoyablement sur la maison.
Tard dans la nuit, la femme qui somnolait paisiblement dans la pénombre du salon juste avant de recevoir cet appel téléphonique fatal, ouvre doucement la porte de la chambre et vient s’asseoir auprès du lit de la mourante. Sur la table de chevet, plusieurs boîtes sont entassées pêle-mêle. A quoi servent toutes ces gélules, toutes ces pilules, tous ces cachets, tous ces comprimés qui ne guérissent pas ? La mère maudit la science humaine qui n’a pas encore réussi à vaincre ce maudit cancer en dépit du progrès et se demande pourquoi la médecine demeure impuissante devant ce genre de maladies assassines. Elle ne comprend pas comment les médecins européens, malgré leur science, leur érudition, leurs machines sophistiquées, leur technologie, n’ont pas pu guérir sa fille. Elle veut comprendre et ne comprend pas. Puis elle se dit : « Et si notre médecine traditionnelle, nos plantes, nos amulettes, nos marabouts, nos saints pouvaient sauver ma petite Radia ? Pourquoi ne pas essayer ? » Elle regarde sa fille avec tendresse, le cœur saignant, et s’efforce de ne pas pleurer de peur de la réveiller.
Étendue sur le dos, Radia respire faiblement en transpirant et en poussant de temps en temps une toux à peine perceptible.
Pourquoi le sort s’est-il acharné sur cette femme à peine âgée de vingt-cinq ans, dans la fleur de l’âge ? Quel crime a-t-elle commis pour mériter cette sentence ? La mère prie : « Dieu, faites qu’elle vive ! Faites-la guérir ! Prenez-moi à sa place ! Mon Dieu, rendez-moi ma Radia, ma rose ! Dieu tout puissant, j’implore votre clémence et votre miséricorde ! » Et elle fond en larmes…
Le lendemain matin, Radia convoque ses parents et son mari à son chevet, relève la tête avec grande peine, s’assoit adossée à l’oreiller et dit faiblement à ces personnes qu’elle aime le plus au monde : « Père, tu m’as appelée Radia ; tel est mon destin, je l’accepte. Je n’ai rien à me reprocher. Je ne regrette rien. Je crois que j’ai fait de mon mieux. Ne soyez pas tristes, personne n’échappe à la volonté divine. Vivez pour moi et souvenez-vous de moi dans la joie ! Toi mon cher mari, tu m’as tout donné, je ne t’ai même pas donné un enfant. Marie-toi et aie de beaux enfants. Si Dieu te donne une fille, appelle-la Radia !... Je veux que ce soir, vous organisiez une grande fête. Non, ne dites rien ! C’est ma dernière volonté. Même les condamnés à mort, on leur accorde une ultime envie, un dernier plaisir avant l’exécution. Je veux mettre ma plus belle robe et voir mes proches, mes amis et mes voisins une dernière fois. Je veux que la soirée soit animée par les "Laâbates" ; ces chanteuses et danseuses de Taroudant que j’aime tant. Je veux que les gens que j’aime mangent, s’amusent, dansent, rient et chantent toute la nuit jusqu’au matin. Je veux partir avec leur rire dans le cœur, avec la musique dans la tête et le sourire sur les lèvres. Je veux partir joyeuse… Allez préparer ma dernière fête, mon ultime nuit ! »
La femme qui somnolait paisiblement dans la pénombre du salon en cet après-midi caniculaire où le téléphone a retenti bouleversant sa vie pour toujours, ne dort pas… A l’aube, Radia l’appelle. Elle accourt, Elle lui fait signe d’ouvrir les volets. Elle s’exécute. La lumière matinale envahit timidement la chambre donnant peu à peu forme aux meubles et aux objets. Un vent frisquet, inhabituel en cette saison de fournaise, entre silencieusement et balaie l’odeur forte des médicaments, de la transpiration et de la maladie, rendant la pièce propre, limpide, lumineuse… Un battement d’ailes.. Radia se retourne. Un petit oiseau vient se poser sur l’appui de la fenêtre. C’est un oiseau sacré que les gens du sud vénèrent et appellent « Tébèbte » … Radia le regarde longuement et un sourire de petite fille se dessine sur ses lèvres. Ce sourire rayonnant illumine et égaie son visage. Ses yeux scintillent tout à coup d’un éclat inhabituel.
« Bonjour Tébèbte, je suis prête ! » … L’oiseau se met à chanter. Sa langoureuse mélodie fait frissonner la mère.. Doucement, sagement, comme si elle s’endormait, Radia ferme les yeux et s’éteint paisiblement, sans souffrir… Son sourire radieux n’a pas quitté ses lèvres … Sa mère la regarde stupéfaite, pousse un hurlement déchirant et se jette sur le corps inerte : « Radia, prunelle de mes yeux ! Mon foie, ma chair et mon sang ! Radia ma rose ! Radia ! … »

La femme qui somnolait paisiblement dans la pénombre du salon en cet après-midi d’été où un coup de téléphone l’a tuée comme un coup de feu, ne parle plus, ne sourit plus, ne mange plus, ne vit plus. Elle n’est plus qu’un corps inerte, vidé, sans âme, sans aucune volonté de vivre. Elle est déjà morte avec sa fille…
L’oiseau n’a pas bougé de sa place et n’a plus émis le moindre son. Le matin du troisième jour après le départ de Radia, on l’a trouvé raide mort sur l’appui de la fenêtre. Le petit frère de Radia le prend dans ses bras, l’emport sous l’olivier du patio, creuse une toute petite tombe et l’enterre en silence… Le petit enfant arrose la petite tombe et sort jouer dans la rue avec les enfants du quartier.
Chaque fois depuis, un petit oiseau comme celui qui est venu emporter Radia, que les gens du sud vénèrent et appellent "Tébèbte", vient se poser sur une branche de l’olivier et se met à chanter… Et si on prête bien l’oreille, si on ferme les yeux, si on écoute attentivement, sagement, innocemment, comme les enfants, on entend :« Radia ! Radia ! Radia ! … »




Agadir, le 11/08/2005


----------------
Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
...............................................................................................
Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rĂŞvant de sa mie!!!

A plat Sujet précédent | Sujet suivant

Sujet :  Expéditeur Date
 » Le Retour de Radia Mostafa 9/10/2008 15:27
     Re: Le Retour de Radia aleau 9/10/2008 15:58
     Re: Le Retour de Radia scarlett 9/10/2008 17:14
     Re: Le Retour de Radia Foretvert 10/10/2008 12:35
     Re: Le Retour de Radia Honore 11/10/2008 17:35
       Re: Le Retour de Radia Clair Obscur 8/12/2008 22:34
         Re: Le Retour de Radia Mostafa 8/12/2008 22:37
     Re: Le Retour de Radia Mostafa 12/10/2008 18:15
       Re: Le Retour de Radia nordsud 22/10/2008 23:55
         Re: Le Retour de Radia Mostafa 25/10/2008 20:35
     Re: Le Retour de Radia lolie 12/10/2008 22:59
     Re: Le Retour de Radia nighttalker 14/10/2008 20:47
       Re: Le Retour de Radia amanzouy 15/10/2008 14:20
     Re: Le Retour de Radia Mostafa 17/10/2008 2:28
       Re: Le Retour de Radia crisroche 17/10/2008 17:26
     Re: Le Retour de Radia INRI 18/10/2008 11:09
     Re: Le Retour de Radia Mostafa 18/10/2008 18:28
     Re: Le Retour de Radia tatsy 26/10/2008 18:14
       Re: Le Retour de Radia Mostafa 26/10/2008 20:21
     Re: Le Retour de Radia Escandihado 1/12/2008 13:51
     Re: Le Retour de Radia Mostafa 1/12/2008 18:40
       Re: Le Retour de Radia nad34 4/12/2008 10:46
         Re: Le Retour de Radia Mostafa 4/12/2008 16:11
           Re: Le Retour de Radia nad34 4/12/2008 18:45
             Re: Le Retour de Radia Mostafa 5/12/2008 13:20
               Re: Le Retour de Radia nad34 6/12/2008 19:30

Enregistrez-vous pour poster