Plume de platine Inscrit le: 11/4/2011 De: Envois: 3517 |
Madagascar 1954 - Escales et notes de voyage
ESCALES ET NOTES DE VOYAGE
Notre premier contact avec l’Afrique, ce fut Alexandrie, pour une courte escale à quai. La ville et le port, constructions blanches et ocre, pas vu les magnolias, seulement les palmiers et la foule cosmopolite, agitée, qui crie et s’interpelle dans une langue aux accents inconnus, premières images sonores d’orient. On distingue vite la hiérarchie sociale : Les « émirs » portent le fez, la veste sur la djellaba ou sont vêtus à l’occidentale, le vulgus pecum porte le burnous, de longs gilets brodés, la chéchia ou le keffieh, pantalons, courts simples braies pour les dockers et les petits marchands qui faisaient le siège du navire. J’assiste pour la première fois à la manœuvre des mâts de charge. Le temps d’embarquer quelques caisses de fret et nous reprenons la mer. Destination Port Saïd et le canal de Suez. Port-Saïd n’est pas une escale. Il fait nuit. Nous sommes au mouillage avec plein d’autres bateaux. Quand on a jeté l’ancre, on a bien entendu, et c’est un euphémisme : quel ramdam ! Comme pour Alexandrie, la consigne donnée : tenez les hublots fermés. Sur le matin, on comprend pourquoi. L’armada qui attend pour passer le canal est littéralement assaillie par une flottille de barques et felouques qui viennent proposer les produits de l’artisanat local : étoffes et tapis, vêtements divers richement décorés, sacs et poufs de cuir, tabourets-chameaux, bimbeloteries, cuivres et laitons martelés, poignards et cimeterres, narguilés, et j’en oublie…… Les transactions se font avec des couffins qui montent à bord avec les produits et redescendent avec la monnaie après d’âpres marchandages ponctués de prières et d’insultes (il parait que c’est la coutume) Finalement on a acheté deux poufs en patchwork de cuir à l’un des privilégiés qui a pu étaler ses articles sur le pont.
La traversée de l’isthme de Suez commence par l’embarquement du pilote. So british, il grimpe avec son assistant par une simple échelle de coupée. Il prend sa fonction à la passerelle et le navire se place dans le convoi qui se présente à l’entrée du canal. Passés la ville et les zones techniques, c’est à la queue-leu-leu que l’on s’enfonce dans le désert, car, à droite les palmeraies et champs maraîchers ont fait aussi place aux dunes. Je passe d’un bord à l’autre pour me remplir les yeux. Grosse chaleur sèche et petit zéphyr de sable. Soudain, je crois rêver ou voir un mirage : c’est tout à fait surréaliste ; je vois sur la gauche une cohorte de cargos et paquebots voguer dans le sable ! Illusion vite perdue : ils vont en sens inverse et les commentaires alentour me disent qu’il s’agit d’une zone de croisement, le canal est doublé sur quelques kilomètres ! Une route suit le bord puis se perd dans le désert. Les voitures soulèvent une tornade poussiéreuse ; quelques fellahs, des carrioles tirées par des ânes et des méharis, rares… On est entrés en début d’après-midi ; lorsque le soir tombe, vision édénique : le lac et l’oasis d’Ismaïlia. On jette l’ancre pour la nuit ; là aussi, organisation du trafic oblige. C’est que ça circule dru, il y a des bateaux partout. Ismaïlia est magnifique, belles villas, gazon anglais, palmeraies, verdure opulente ; la nuit tout est illuminé. C’est la résidence des « Gens du canal » Le lendemain, le convoi continue, plus de problème de croisement, nous sommes sur les lacs amers, et paradoxalement le désert ici est encore plus désert. On distingue à l’horizon gauche des montagnes (Le Sinaï). Bientôt Suez et la Mer Rouge .Le port fait surtout technique, ce qui me parait être des zones de radoub, bâtiments et parcs de stockage. Pas un arbre ! Les pilotes débarquent. Ma mer Rouge n’est pas rouge, mais c’est comme un miroir, pas un souffle de vent, on distingue les côtes jusqu’à la nuit. Jusqu’a Djibouti, on ne les verra quasiment plus, juste un parfum d’Arabie. Quelques petites vagues, des ailerons convaincants, on apprécie la piscine. De Djibouti, je ne garde que l’image d’un quai tout en longueur, car la ville est plus loin. Quelques cargos et bateaux de guerre, des militaires, des entrepôts. Quelques passagers débarquent, majoritairement des rationnaires en uniforme. Les dockers sont grands et filiformes, tout noirs et comme racornis par le soleil. Car ici c’est un vrai chaudron, l’air est brûlant, ça sent le mazout et ce qui domine, c’est la crasse, partout. J’observe, de mon recoin d’ombre, la course désespérée de poissons volants poursuivis par des espèces de barracudas… dans une eau moirée de pétrole. Nous avons passé la corne de l’Afrique sans voir ni Socotra, ni les Somalies. Après avoir fêté dignement le passage de la ligne, c’est Mombasa qui nous accueille .Le port est carrément dans les terres, nous remontons un bras de mer ou un estuaire, ce qui nous permet de constater sans équivoque que nous sommes en colonie anglaise : cottages cossus, green, jardins fleuris, allées sablées ; même les cocotiers et les grands arbres respirent la campagne britannique. Le port est très actif. On charge et on décharge. Deux jours d’escale ; des excursions sont proposées,( j’entends les mots safari et Mau-mau) et des visites en ville. Ca n’est pas pour nous….. On a vu les cotes de Zanzibar avant d’arriver à Dar-es-Salam. C’est un peu plus « populaire », grouillant, mais british aussi. Nous sommes à quelques jours de notre destination et ça nous travaille. Le bateau va par petite mer. Nous longeons l’archipel des Comores, dernière balise avant Madagascar. Anjouan, Mohéli, les deux autres, on ne les verra pas. La Grande Comore est une montagne impressionnante qui tombe à pic dans l’océan. Son volcan est en activité, pour preuve le panache de fumée paresseux au sommet….
Parceval
|