Deux ans déjà que Madina et moi nous étions dits au revoir à l'aéroport Aimé Césaire. Nous avions à peine 18 ans. Et je m'en souvenais encore, comme si c'était hier que cet événement s'était produit.

Après toutes les galères que nous avions dû traverser tous les deux, le Baccalauréat pointait enfin le bout de son nez pour clôturer l'ère lycéenne. Les parents de Madina avaient enfin accepté le fait que nous nous aimions réellement, ce qui nous avaient permis de profiter de chaque instant que nous passions ensemble, sans que nous ayons à nous cacher. Nous étions libres. Que pouvais-je demander de plus, mis à part l'obtention du précieux sésame? Je ne dealais plus, et j'avais une copine super qui m'aimait. J'avais une chance phénoménale, tout allait enfin pour le mieux.
Les épreuves du bac s'étaient déroulés dans le stress, mais nous avions confiance, la réussite serait forcément au bout du chemin me disais-je, après tout nous le méritions. Le 30 Juin 2005 je m'en rappelle encore, nous nous étions rendus au centre d'examen afin de voir les résultats, les fruits d'une année d'émotions et de dur labeur. Les filles n'étaient pas encore arrivés, alors avec mes potes, nous les avions attendues, avec un brin d'impatience, et de nervosité. Michaël et Jovany ne tenaient plus en place, tandis que Jordan et moi patientions tant bien que mal dans le calme et la serennité.
-Je paris que c'est Tamara qui est la cause de ce retard, cette fille ne sait jamais quoi se mettre sur le dos, c'est incroyable! Dit Jordan
-Je suis tellement impatient de voir les résultats, bon sang où sont-elles passées?? demanda Jovany
-Les garçons!!On est là!!! s'écria Naomie, suivie de Madina, Tamara, Enrique,et Elodie.
-Mais que faisiez vous? Demanda Mickael
-C'est Tamara, qui ne savait pas quoi mettre. Répondit Naomie
-Ben voyons! répliqua Jordan d'un ton ironique
-Tu connais ta copine par coeur à ce que je vois. Lui dis-je
-Bon on y va! Il est tant de savoir ce que nous avons récolté. Dit Jovany.
Nous nous étions séparés afin de consulter nos listes respectives. Le silence s'installa. Antony, Jordan et moi parcourûmes des yeux la liste. Nous vîmes chacun nos noms à tour de rôle. Le mot « admis » était inscrit juste à côté. Jordan et Antony avaient obtenu une mention « bien ». A ma grande surprise, j'avais eu une mention « bien » également. Mention, moi?! Le bon à rien qui dealait parce qu'il trouvait ça bien de gagner de l'argent aussi facilement. Moi qui était presqu'un cas désespéré. J'étais heureux. Les cris des filles nous avaient montré que la joie était de leur côté également. Nous l'avions eu. Enfin. Madina courut vers moi et se jeta dans mes bras. C'était grâce à elle que j'étais devenu un gars bien. Elle m'avait sauvé des bas fonds, et grâce à elle, je pouvais être là, à fêter notre réussite. Seulement...Ce jour là, j'aurais voulu être plus heureux...Complètement heureux. Elle était dans mes bras, et je ne voulais plus la lâcher. Lorsqu'elle me regarda dans les yeux, elle me sourit. Elle était folle de joie. Je lui caressai les cheveux avant de l'embrasser sur le front. Elle était si belle. Je lui soufflai à l'oreille: « Il faut qu'on se voit ce soir, vers 17h , c'est très important. ».Son sourire disparut. Je m'écartai d'elle, puis je m'en allai avec Jordan. Je voulais à tout prix éviter ce regard perplexe et interrogateur qu'elle me portait.

L'après midi fut longue. J'avais fait les cent pas dans ma chambre, cherchant les mots correctes pour lui annoncer sans lui faire de peine, que nous allions bientôt être séparés. Idiot. Quelque soit les mots, quelque soit la manière dont j'allais le lui annoncer, elle allait terriblement souffrir. L'attente était insupportable. Après tout ce que nous avions vécu tous les deux, je n'avais pas le doit de lui faire ça. Loin de moi l'idée de nous faire souffrir, seulement la vie peut être étrange. L'angoisse s'installa en moi...J'avais peur de la perdre. Madina avait été la seule fille qui m'avait réellement aimé pour ce que j'étais au fond de moi. La seule fille que j'ai jamais aimé de toute ma vie. Mon Dieu. Je n'en pouvais plus, alors je partis plus tôt. Je m'étais dirigé vers le quai, et j'avais attendu une heure. Je m'étais assis, puis j'avais regardé la mer. J'avais eu tout le temps de méditer et de trouver les bons mots pour la rassurer, et éviter les larmes. J'avais également eu le temps de me souvenir de la première fois que je lui avais adressée la parole. Un bon souvenir. Elle était si gentille, si pure. Si belle. Dès le premier regard, elle a eu confiance en moi, et malgré toutes les bêtises que j'ai pu faire, elle est restée avec moi. Comme ma tante. Comment allais-je faire pour vivre sans elle?

Elle avait cinq minutes de retard. Puis dix. Que faisait-elle?
-Eh ça va??entendis-je. Madina prit place à côté de moi , puis elle m'adressa un sourire resplendissant.
-Tu es venue.
-Bien sûr! Désolée pour le retard.
-C'est pas grave. Dis-je puis je l'embrassai langoureusement sur les lèvres, et je la pris dans mes bras
-Est-ce que ça va?
-Oui, oui! Ca va. Répondis-je
-T'en es sûr? Tu as l'air triste, je te rappelle qu'on a eu notre bac! Ce n'est pas rien...
-Je sais. Rétorquai-je. Je n'osais pas la regarder dans les yeux.
-Alors qu'est-ce qui ne va pas? Demanda t-elle en se tournant vers moi. Je fis de même, afin que nous soyons face à face.
-...Ma mère a décidé retourner vivre en Guadeloupe. Dis-je. L'expression de son visage changea.
-Oh...Je comprends mieux pourquoi tu fais cette tête, vous venez tout juste de vous retrouvez, et voilà qu'elle s'en va déjà. Tu commençais à peine à t'attacher à elle.
-Oui c'est vrai. C'est pour ça que je vais partir avec elle. Révélai-je. Madina ouvrit ses yeux avec surprise. Un silence glacial s'installa. Elle regarda l'horizon quelques instants. Je me sentis mal. Madina me prit la main, puis me sourit.
-Je suis contente pour toi! Me dit-elle
-Quoi? Demandai-je stupéfait. Elle me souriait, et ne semblait même pas affectée par la nouvelle.
-...Tu as toujours voulu connaître ta mère, et être avec elle, alors maintenant que ton voeu s'est exaucé, je me réjouis pour toi. Dit-elle. J'étais surpris par cette réaction inattendue.
-...
-Quand vas-tu partir? Demanda t-elle
-Le 16 Juillet.
-...On pourra...On pourra fêter ton anniversaire ensemble, c'est bien non? Me dit-elle, puis elle se leva, elle se mit à marcher d'un pas précipité. Je me levai et je la suivis.
-Mady...Attend. Dis-je, mais elle continua à marcher, alors je la retenus par le bras. On a pas fini notre discussion!
-C'est tout ce que tu avais à me dire non? Il faut que je rentre.
-Pourquoi tu ne me dis pas ce que tu ressens.
-Je te l'ai dit, je suis heureuse pour toi.
-Alors tu ne ressens que ça! De la joie. Pour moi.
-C'est assez difficile pour toi...Alors je préfère ne voir que les côtés positifs de ce départ. Dit-elle d'une voix tremblante. Ses yeux de chat se remplirent de larmes devant moi, et ça me fit mal.
-Ne pense pas à moi dans tout ça, c'est pas ça le plus important. Je veux pas que tu te retiennes, et que tu fasses semblant d'aller bien pour moi. Lui déclarai-je. Elle baissa la tête.
-Profitons de ces deux semaines qu'il nous reste d'accord? Profitons-en au maximum.
-Mady, tu parles comme si on ne se reverra plus après ça...
-...
-Je m'en veux.
-Tu ne dois pas Kévin. C'est la meilleure chose qui puisse t'arriver. Dit-elle en caressant ma joue. Les larmes ruisselaient sur ses joues, je les essuyais, mais je ne pouvais rien faire pour stopper ces larmes de tristesse.
-Mady, garde espoir pour moi, pour nous. On se reverra, ce n'est pas un adieu.
-Je ne peux pas espérer l'impossible Kévin. Je vais bientôt partir en France pour poursuivre les études.
-Ca ne te fera pas de mal d'espérer!
-...
-Je t'en supplie, ne dis pas ça...Mon Dieu, comment vais-je vivre sans toi? Dis-je en la serrant dans mes bras. Tu vas tellement me manquer.
Jamais je n'avais été aussi triste de toute ma vie. Ce jour là, nous avions pleuré ensemble.

Triste histoire d'une séparation qui , je l'éspère, aura une suite plus heureuse.
HONORE