Divagation d'un d'un misogyne en état d'ivresse,marié,trois enfants...
Divagation d’un misogyne en état d’ivresse,
marié, trois enfants…
Passe le temps béni de ma jeunesse,
Pour oublier je me verse du vin.
Il est amer ? C’est ainsi qu’il me plaît,
Cette amertume est le goût de ma vie.
Omar Khayyam
… Tu sais mon frère, d’habitude, je n’adresse pas la parole au premier venu. Je suis de nature très réservé et même taciturne… Tu me plais, toi… Tu veux une blonde ? Fume et bois, mon frère et advienne que pourra ! Connais –tu ce poète arabe qui a dit
Aujourd’hui du vin … la guerre, demain » ?...Chef, deux bières bien glacées ! Non, j’insiste ; ce soir tu boiras à ma santé mon frère, c’est moi qui paie, bois !... Elle n’est pas mal celle – là ? Je ne sais pas pourquoi on les appelle « filles de joie », elles ne sont même pas joyeuses. Regarde-les ! Elles ont l’apparence maussade et le regard cruel. Même si elles te sourient, tu sens le mensonge et l’hypocrisie. Moi, je les plains. Il faut bien qu’elles vivent aussi ! La vie est criminelle, mon frère. Mais elles exagèrent ! Moi, je les appelle "les sirènes", comme celles qui voulaient envoûter Ulysse. Ah ! Celui-là , c’était un homme ; il s’est bouché les oreilles !... Moi, je n’invite jamais une sirène à prendre une bière parce que, quand tu as envie d’être généreux et policé, elles te prennent pour un pigeon et ne pensent qu’à te déplumer … Moi, mon frère, je préfère inviter un homme. Les anciens n’ont-ils pas dit : « Les montagnes ne se rencontrent pas et les hommes se rencontrent ?» ...Allez, une autre, j’insiste ! Chef, veuillez avoir l’obligeance de bien vouloir nous servir deux bières bien fraîches, s’il vous plaît ! On a le gosier aussi tari que le sol caillouteux du Sahara… A ta santé, mon frère ! Tu sais, les anciens ont dit aussi : « Connaître les hommes est un trésor ».Moi, j’y crois à deux cents pour cent …Les anciens étaient sages et philosophes ; ils ont tout dit. Ils ne nous ont laissé que les miettes. On ne fait que ressasser leurs citations et leurs adages comme des aras ! Bois mon frère, bois et surtout ne pense pas ; ceux qui pensent souffrent…Tu veux que je te dise mon frère, ces sirènes sont terribles : Un soir, l’une d’elles est venue me demander une cigarette. Moi qui voulais plaisanter un peu, je lui ai dit en souriant : « Je n’ai que mon cœur à t’offrir, ma belle ! » Tu sais ce qu’elle m’a répondu ? Elle m’a crié au visage avec une vulgarité bien masculine : « Rien à foutre de ton cœur, petit con ! Ton cœur, tu peux l’offrir à ta femme ! » Je ne voulais pas être méchant… Dès que tu leur dis non, ces sirènes sortent leurs griffes et aiguisent leurs crocs. Les coups de la misère leur ont appris à devenir féroces. Tu sais, en parlant de nous, elles nous appellent « victimes ». Ce qui les intéresse c’est de te vider le portefeuille. Fais gaffe mon frère ! Fais gaffe !
Moi, je ne couche jamais avec une sirène : tu es fou… avec le sida qui se balade partout ! Je ne crains pas le sida, moi : Je ne me pique pas, je ne fais pas don de mon sang, je me rase et me coiffe chez moi et je couche avec ma femme, quand elle veut bien… Le sida peut toujours me tourner autour, il ne m’aura jamais ! Ton frère est une vraie armure ! Ce qui me terrorise, ce sont les autres saloperies qu’on peut contracter sans même s’en rendre compte comme le cancer ou l’Hépatite C. Elle me rend malade, l’Hépatite C ! Tu sais mon frère ; un jour je suis allé faire des analyses médicales. J’avais peur d’avoir le diabète car je pissais trop. La jeune hôtesse d’accueil m’a dit en souriant comme si elle me faisait un bonus : « Nous avons le plaisir de vous annoncer que nous vous ferons gratuitement l’analyse de l’Hépatite C. » Et moi, comme un con, je n’ai trouvé que ce mot stupide comme réponse en lui rendant son sourire : « Merci, mademoiselle ! »… Tu imagines mon frère, l’angoisse de l’attente ? Je n’ai pas fermé l’œil de toute la nuit. J’ai compté des moutons, des boucs, des brebis, des chèvres et même des vaches. J’ai fait du yoga et de la concentration. J’ai essayé en vain de faire le vide dans mon esprit. Un seul mot trottait dans ma tête et me rouait de coups de sabots « Hépatite C… Hépatite C… Hépatite C… » Et lorsque le sommeil est venu enfin, je me débattais dans mon lit comme un forcené : Un cauchemar horrible, mon frère : l’hépatite C me pourchassait, une faucille à la main ! C’était atroce. Je me suis réveillé trempé jusqu’aux os comme si j’avais passé la nuit dans la baignoire. Et je suis allé voir les résultats des analyses, déboussolé et complètement désorienté. Je suis entré en titubant, les yeux hagards et j’ai demandé mes résultats à la charmante créature d’une voix à peine audible. Elle cherchait mon dossier et moi je me décomposais. On aurait dit qu’elle trouvait un plaisir sadique à me faire languir. Elle a ouvert l’enveloppe, a jeté un coup d’œil sur la feuille où ma condamnation à mort était peut être écrite noir sur blanc, puis elle m’a annoncé en ébauchant un sourire de mannequin : « le taux de … dans votre sang est de … virgule … ! ». Moi qui ne comprenais que dalle à son glossaire médical, je lui ai demandé si j’avais le diabète ou non, un point c’est tout ! Elle a répondu en faisant la moue : « Non monsieur,vous n’êtes pas diabétique, rassurez-vous. » J’avais à peine la force de lui demander le résultat de la deuxième analyse. Pour réponse, je n’ai eu cette fois qu’un seul mot : Négatif ! Un seul mot peut vous tuer ou vous ressusciter ! Tu ne peux pas imaginer mon frère comme j’ai une peur bleue de l’Hépatite C… d’autant plus que mon pauvre père est mort d’un cancer au foie.
L’Hépatite C ne dévore- t- elle pas aussi le foie ? Cela pourrait être héréditaire…Et si le cancer et l’Hépatite C étaient des cousins germains ? Tu ne peux pas savoir mon frère ; j’ai les foies d’avoir une maladie du foie !... Mais je commence à faire des jeux de mots, moi ! Serais- je, ma foi, déjà saoul ? En toute bonne foi, dis-moi mon frère ; n’ai-je pas le droit d’avoir peur de choper une maladie incurable ? C’est pour cette unique raison que je ne touche jamais aux sirènes et me contente du corps dépoli de ma femme bien aimée !...Misogyne, moi ? Mais pas du tout. Au contraire, j’aime les femmes et je les admire et je les respecte toutes… Sauf ma femme !
Tu veux que je te fasse un aveu ? Mais bois ta bière ! Ton verre est encore plein ; est-il à moitié plein ou à moitié vide ? Moi, je suis plutôt d’un tempérament pessimiste et morose : Ma femme a tué toute lueur d’espoir dans mon cœur… Chef, deux bières comme d’habitude …A la tienne ! Ami, remplis mon verre, encore un et je vais, encore un et je … Buvons à la santé de ma femme qui me fait pleurer… Ma femme est cruelle, mon frère … cruelle, tyrannique, impitoyable, insensible, puissante et intransigeante. Avec moi, elle n’est jamais débonnaire. Elle ne s’intéresse ni à mes idées, ni à mes opinions, ni à mes principes, ni à mes goûts, ni à mes angoisses, ni à mes rêves. Pour elle, tout ce qui concerne ma personne est insignifiant et sans le moindre intérêt .Tu sais mon frère, je suis un mari fantôme ! Je me sens transparent et même invisible… Elle vaque à ses occupations quotidiennes sans même sentir ma présence à la maison. Même devant la télé, je dois voir ses feuilletons égyptiens débiles et attendre qu’elle aille dormir pour zaper à ma guise. Elle se comporte comme si elle n’était pas mariée. Elle prend des décisions concernant nos enfants sans me concerter. On dirait que mes trois enfants sont en conciliabule avec elle. Ils ne me demandent jamais mon avis et n’attendent jamais ma permission. Je te l’ai dit, mon frère ; pour eux, je n’existe pas… La seule chose qui compte aux yeux de ma femme c’est … mon salaire ! Je suis en quelque sorte une bête de somme que l’on fait trimer pour avoir du fric ! Et c’est elle qui gère l’économie familiale et tient la trésorerie du foyer. Elle dit que je gaspille de l’argent à tort et à travers, comme un enfant et que je ne connais pas la valeur du dirham… Tu vois mon frère, pour venir boire quelques bières, me défouler un peu et oublier mes misères comme le commun des mortels, je dois mentir : Je lui cache toute augmentation de mon salaire et je ne lui donne que la moitié de mes primes ; comme ça, je mets un peu d’argent de côté pour mes petits plaisirs. Tu vois mon frère, je dois cacher mon propre argent comme un voleur. La honte !... Chef, la même chose…
Elle me fera une scène ce soir. Je la vois d’ici braillant et gesticulant, me traitant d’ivrogne, me reprochant de jeter "l’argent de mes enfants" par la fenêtre. Et pour clore ces escarmouches et ses jérémiades, une fois de plus, elle me jettera à la figure ce mot fatal « divorce » ! Et pour bien savourer sa victoire, elle n’oubliera pas de préciser que la loi est de son côté ; elle aura la tutelle des enfants, gardera notre appartement et moi j’irai dormir à l’hôtel ! Tu trouves ça juste, mon frère ? Allez, encore une à la santé de ma femme… Deux bières, chef ! Et bien fraîches pour éteindre le feu qui me brûle…Oui mon frère, je ne peux que me résigner et accepter ma destinée. Avec ma femme, une seule solution : la supporter ! Ainsi, elle me laisse en paix et je peux respirer… Je me fais gentil, tout doux, docile. Règle primordiale : ne jamais la contrarier et se plier à toutes ses volontés. Par exemple, le samedi après-midi, comme c’est bon de faire une petite sieste avec sa femme légitime à ses côtés ! Les petits câlins ne seraient pas de refus… Tu rigoles, tu crois que ma femme soit lascive ? Tu te trompes, mon frère ; Il y a belle lurette qu’elle a mis ses plaisirs aux archives. On ne fait la chose que lorsque je commence à râler et à insulter mes enfants qui ne m’ont rien fait ou quand je boude comme un petit goret. Je préfère le deuxième stratagème ; cela éveille en elle un certain sentiment de compassion presque oublié… Et après la chose, elle a le toupet de me dire : « Ça y est, monsieur est satisfait ? Vous, les hommes, vous ne pensez qu’à ça ! On a trois enfants, tu veux encore m’engrosser d’un quatrième ? Tu sais bien que la pilule me rend malade et je ne supporte pas le stérilet. Alors, fous-moi la paix et arrête de m’enquiquiner ! » Moi, je ne dis rien de peur de vasouiller… Tu vois mon frère, même l’amour je dois le marchander avec mon épouse respectable ! C’est une vie, ça ?… Je te disais que, le samedi après-midi, j’aimerais bien, après la sieste, aller au café parler de la pluie et du beau temps avec les amis. Elle, ce qui la rend rayonnante de bonheur et d’extase, c’est d’aller au …souk ! Et je dois la suivre docilement en cachant ma rage, comme son chien !... Mais pas question de refuser, qu’est ce que tu crois ; elle me fera une de ses scènes : « Toi, tu ne m’aimes pas, tu préfères aller fumer au café et regarder le derrière des passantes au lieu de faire plaisir à ta femme ! Les maris de mes amies les accompagnent au souk… pourquoi pas toi ? Et bla bla bla… » J’ai horreur du souk… Qu’est ce que je fous là ? Ce qu’elle adore, c’est les ustensiles de cuisine comme si ceux que nous avons ne lui suffisaient pas. Notre cuisine est une grotte d’Ali Baba et elle n’en a pas assez ! Je ne sais pas pourquoi les femmes adorent toute cette féraille.
Rien que les théières, elle en a un vingt-trois, je les ai comptées. le comble, on ne les utilise même pas. Tout ce qui est beau, tout ce qui est cher, on le garde pour les invités ! Hospitalité marocaine oblige ! Et je ne te parle pas, mon frère, des vêtements pour dames du maquillage, des parfums et des bijoux ! Epouser une marocaine est ruineux et catastrophique : Elle n’en a jamais assez et en a toujours envie, et elle veut les deux : S’habiller à la traditionnelle et suivre la mode occidentale… Et c’est tout un programme, tu sais ; cela dépend des jours, des circonstances, du temps qu’il fait, des fêtes, des cérémonies… Je te jure mon frère, je regrette de m’être marié et je ne peux rien faire. Je suis pris au piège : trois enfants, les traites de l’appartement, une épouse autoritaire et bornée ; où aller ? Faire une fugue comme les adolescents mal aimés ? Me suicider ?...Chef, tu ne vois pas que nos verres sont vides ? Sers-moi, sers-moi, je veux boire jusqu’à la lie !...Oui mon frère, tu as raison ; le mariage est une cage… La mienne n’est même pas dorée ! Fais gaffe avec les femmes mon frère ; ne crois surtout pas qu’elles sont faibles…"le sexe faible" ! Foutaises ! C’est nous, les hommes, qui sommes faibles, bêtes, crédules et prétentieux. Les femmes sont plus intelligentes, plus malignes, plus rusées, plus calculatrices, plus patientes, plus réalistes. Elles atteignent toujours leur objectif ; rien ne les rebute, rien ne les désespère, rien ne les effraie… Ne t’avise jamais de battre ta femme, mon frère. Un jour, tu seras vieux et faible et elle sera là , patiente et sûre d’elle. Ce jour là , sa morsure sera mortelle !... Allez, une petite dernière : pour la route ? Chef, la même chose ! Et ne crois surtout pas ces imbéciles qui disent : « Quand tu rentres chez toi, bats ta femme ! Si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle connaît bien la raison pour laquelle tu l’as battue ! » Moi, je suis incapable de battre ma femme même si elle me pollue l’existence. Si je le faisais, je serais faible et impuissant…Il est tard mon frère, il faut que je rentre chez moi… Et toi, ta femme t’empoisonne la vie ? Tu n’es pas marié ?! Veinard !... Si, si, on prend une ; une dernière, à la santé des célibataires endurcis ! Ami, remplis mon verre, encore un et je vais, encore un et je… Et tant pis pour ma femme qui va rouspéter et jacasser comme une pie… Hahaha ! Ce soir, ça sera le séisme à la maison, le volcan, le tsunami, la troisième guerre mondiale, l’apocalypse ! Tant pis ! Au point où j’en suis… Tu sais, mon frère, ce que dit le proverbe arabe ?... : « Celui qui se noie, craint-il d’être mouillé ? » Hahaha …Moi, il y a belle lurette que je suis mouillé et je continue de couler et… tout va bien ! Ecoute-moi bien mon frère, je vais te dire une phrase pleine de bon sens et de profonde sagesse que me répète un ami chaque fois que je lui casse les oreilles avec mes plaintes et mes révoltes contre le despotisme de ma très chère épouse… Tu sais ce qu’il me dit ?... Voilà : « Dieu a créé la femme pour deux raisons : procréer et rendre la vie impossible à l’homme ! C’est comme ça, et c’est tout. »…Alors, puisque c’est comme ça, buvons, buvons rien que pour boire…Je serai bien dans une heure. Je serai sans espoir… Sacré Brel !...Tu sais qu’il a encore dit…Non ! Pas mon ami, Brel ! Brel a dit :
« Mais qu’on les chasse de notre vie
Ou qu’elles nous chassent parce qu’il est temps
Elles restent notre dernière ennemie
Les biches de trop longtemps. »
… Moi, si ma femme était une biche, j’accepterais volontiers qu’elle soit ma dernière ennemie ! Elle, elle est plutôt une… Non, je ne vais pas dire de mal de la mère de mes enfants ; je suis poli, moi !... Tu sais, mon frère, que Brel a dit aussi : « Laisse moi devenir l’ombre de ton chien. Ne me quitte pas. »… Franchement ; je ne comprends pas ce type … Chef encore une, à la santé de Brel… Non, pas à sa santé ; le pauvre est déjà parti rejoindre Fernand et Jojo ; Buvons à sa mémoire !... Quoi ? Tu ne connais pas Brel, mon frère ? Mais personne n’à si bien chanté l’étrange épopée de la guerre et de la paix éternelle entre ces deux êtres si différents et condamnés à vivre ensemble depuis que Eve avait fait manger la pomme interdite à notre pauvre grand-père confiant et candide…Personne n’a jamais chanté ce contraste incompréhensible comme Brel … Sacré Brel ! … Mais où tu vas, mon frère ? Où tu vas ? On est bien ici ; on est pénard… Pour l’instant. Pourquoi es-tu si pressé ? Personne ne t’attend chez toi, surtout pas ta femme ! Ecoute, tu veux qu’on aille chez moi ? Je te présenterai ma femme… Reviens, reviens mon frère ; nous allons boire et festoyer jusqu'à demain … Reviens !
Agadir, le 27/12/2004
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rĂŞvant de sa mie!!!