GOURMANDISE
En attendant le Paris - Brest, j’ai envie de céder à la gourmandise… comme les autres, dans le meilleur café restaurant. La gourmandise n’est plus un péché. D’ailleurs, je vois des religieuses, en terrasse, des religieuses oui… au café. Leurs cornettes volent au vent. Ici, ce n’est pourtant pas la place des Abbesses. Mais leurs Saints préférés sont à la carte…Saint Jacques…oui…pour commencer… Saint Jacques à la fondue de poireaux, et puis Saint Nectaire…le plus saint des fromages…et au dessert…Saint Honoré…le meilleur gâteau, de la rue la plus chic. A la table se joint Monseigneur Dupont, Dupont l’Evêque. Parmi les Saints, l’évêque ne sait qui choisir : Saint Julien ? Saint Pourçain ? Saint Emilion ? Saint Joseph ? Tous millésimés et bien alcoolisés! A une sœur, trop soupe au lait ,l’évêque déclare : « Consommé Célestine », c’est moi qui paie. Alors, elle hésite entre Consommé aux nids d’hirondelles et Consommé d’abattis de volailles.
La gourmandise n’est plus un délit. A la table d’à côté, les représentants de la police s’autorisent tout ce qui est la carte et ils passent commande : un poulet à la diable, un poulet en cocotte bonne femme, un poulet en gelée à l’estragon et un poulet sauté à la paysanne. Avec le gratin de la police, pas d’erreur ; il faut servir celui de pommes de terre au lait.
La gourmandise ne nuit pas à la santé. Un homme bedonnant, presque assoupi, le ventre posé sur le bord de la table, prendrait bien du gras double à la Lyonnaise…Il n’a pas encore de la goutte. Mais il a déjà un foie gras frais aux raisins. La maison lui propose des brocolis avec du potiron. Il n’en veut pas. Ah ! La maison fait aussi des boulettes…des boulettes à la sauce tomate.
La gourmandise peut-elle apporter le bonheur et la beauté ? Une femme en jupe courte a pris des cuisses de grenouilles à la poulette. Marié de fraîche date, le mari voudrait bien des dattes fraîches pour son dessert. Mais comme plat de résistance, sa femme a choisi pour lui une barbue à la Normande. Entre – eux deux, il y a déjà de la friture…de la friture de goujons. Lui a l’air d’un merlan en colère.
Un homme est toujours seul...devant son lapin…on lui a posé …dans un plat…Il ne l’a pas mangé. Etait-ce un lapin aux herbes, en gibelotte, aux pruneaux, en civet, à la moutarde ? Peu importe. Comme elle n’est pas venue, il n’en mangera pas.
Ainsi, la gourmandise n’est plus ni un péché ni un délit. Mais elle ne pallie pas la solitude et les malheurs vous coupent encore l’appétit.
Hervé GOSSE
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