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Expéditeur Conversation
mgdc
Envoyé le :  4/10/2013 10:10
Plume de satin
Inscrit le: 5/9/2013
De: Suisse
Envois: 30
Edelweiss
C'était une belle journée d'avril, ou peut-être pleuvait-il... À vrai dire je n'en sais rien puisque dans les récits que ma mère me contait, les versions différaient d'un jour à l'autre. Mais bon, pour être honnête le temps qu'il faisait importe peu. C'est donc ce jour d'avril, le vingt-deux précisément, que moi, Michaël, vis le jour pour la première fois. Comme chaque individu avant moi cette arrivée se fit, comme un étrange avant-goût de ma future condition d'homme, dans la souffrance. La souffrance de la première respiration. C'est donc dans l'incompréhension totale du monde qui m'entourait qu'une vie s'offrit à moi, feuille encore vierge et imbibée d'une candeur futile et volage qu'un rien rompra très vite. Mais on y reviendra.


J'entrai donc dans cette grande aventure qu'on a pour coutume d'appeler « vie ». Mais une aventure ne peut avoir lieu que dans un endroit, une atmosphère ou un paysage spécial. C'est ainsi que la mienne se déroula dans une vallée surplombée de majestueuses montagnes, « le Vieux-Pays » comme certains l'appellent. Ce morceau de plaine, comme un immense canal creusé par des géants dans le cœur des Alpes. J'avais toujours aimé mon pays, pour la grandeur de ses panoramas, la chaleur de ses habitants même lors des grands froids. Mais si j'étais aussi attaché à ma terre, je le dois avant tout au premier acte de mon existence : l'enfance, comme une scène d'exposition paisible loin des premières grandes péripéties. J'adorais par dessus tout l'hiver et son vaste manteau neigeux reçu chaque année dans mon esprit comme une offrande de Dieu lui-même, j'imaginais volontiers ce dernier effriter des blocs de sagex1 depuis sa maison dans le ciel pour me récompenser d'avoir été sage, j'avais effectivement beaucoup d'imagination, mais passons. J'ai une grande famille : deux grands frères, une grande et une petite sœur auxquels s'ajoutent évidemment mes deux parents. Mais entre mes sœurs qui avaient toujours détesté la neige et mes deux frères soi-disant trop grands pour s'occuper de leur cadet, je passais le plus clair de mon temps avec mes deux copains, Cyril et Robin. Avec l'arrivée des premières grandes tombées, mes copains et moi gravissions à pied les coteaux immaculés, le plus haut et le plus loin possible en trainant nos luges derrière nous. L'ascension pouvait prendre plusieurs heures d'effort intense mais, à cet âge, notre énergie semblait disposer d'une jauge inépuisable. Tous les maux physiques, nous les supportions car nous trouvions au sommet du coteau « la » récompense : la descente évidemment. Une, deux, peut être trois heures d'ahan insoutenable pour dix minutes de dégringolade. Que dis-je? Dix minutes de bonheur à l'état pur! En y songeant, ce souvenir est peut-être l'un des plus heureux que j'ai accumulé jusqu'à aujourd'hui. Je peine vraiment à trouver dans ma vie pareille sensation. Il est difficile de mettre des mots sur cet instant magique où toute la pression s'évapore, une étrange alchimie du corps et du divin. Le bonheur aussi mystique qu'indicible, je ne pourrais le définir, je ne sais pas ce qu'il est mais je peux affirmer avec certitude que je l'ai vécu à cet instant dans un nuage de poudreuse ardente, entre deux éclats de rire. Je me sentais bien, libre même.


Quelle belle époque que l'enfance! Là où chaque seconde comptait encore et nourrissait mon esprit de découvertes, de sensations nouvelles. Mais bon, il faut bien grandir un jour. Les années passèrent, j'abordai ma douzième année pleine de changements. Je changeai d'école, de fréquentations, de style vestimentaire, de façon de parler même. J'appris bientôt les soucis, pardon, « le » souci: l'amour. Je sais que beaucoup d'adultes sous-estiment les « amourettes » d'adolescent, soi-disant encore innocentes, surmontables. Mais je ne suis pas d'accord avec cette analyse, je crois qu'un chagrin d'amour vécu à « l'âge bête » (même si je n'aime pas beaucoup cette expression) est d'autant plus douloureux à douze qu'à vingt ou quarante ans, puisque c'est un mal nouveau qui semble sur le moment irrémédiable et que nous n'avons pas encore l'expérience nécessaire pour le combattre. D'ailleurs, je me souviens très bien de ma première petite-amie, Shannon. J'avais craqué pour elle dès le premier jour de classe, elle était si belle avec ses tresses, sa dégaine et son sourire! Il m'avait fallu plus d'une année pour réussir à la séduire. Je m'entrainais tous les jours, j'allais courir pour paraître plus costaud et surtout dans l'optique de l'impressionner car notre maître d'éducation physique nous avait annoncé que nous suivrions des cours de natation en fin d'année. Et donc après plusieurs mois d'entrainement, je parvins enfin à lui avouer mes sentiments. Quelle aubaine pour moi quand elle succomba à mes avances. Malheureusement notre idylle ne dura que quelques semaines. Et c'est drôle mais jamais jusqu'à ce jour, je n'ai autant pleuré qu'à cet instant. C'est comme si le monde tout entier s'effondrait sous mes pieds. Ah, l'adolescence! Quelle époque sinistre! Je ne prenais plus le même plaisir à voir la neige tomber en horde de flocons, je crois qu'à cette époque, plus rien ne m'intéressait. Je ne regardais plus les beaux paysages qui m'émerveillaient plus jeune. Je restais cloîtré dans ma chambre à écouter des CD de Green Day. Leurs chansons étant écrites en anglais, je ne comprenais pas la moindre parole, mais les mélodies semblaient mélancoliques, du coup je restais seul, blasé et triste en même temps.


Je fréquentais toujours mes amis, mais au fond de moi je ne rêvais que d'une chose, partir. Je voulais voyager, le plus loin possible, voir de nouveaux paysages, faire de nouvelles rencontres. Je me sentais emprisonné dans ma vallée, entouré de montagnes qui me guettaient d'un air condescendant. Cette idée de voyage ne me quitta plus jusqu'à l'aube de ma dix-huitième année. J'étais alors en troisième année au Lycée-collège des Creusets de Sion, notre professeur d'espagnol nous avait offert la possibilité d'effectuer un échange linguistique avec l'école supérieure Uruguay de Colón en Argentine. Cette opportunité représentait pour moi la libération de plus de six années de mal-être. Trois semaines à passer loin de mes parents, loin de mon école, de mes amis. Je n'avais d'autre choix que d'accepter cette proposition. Ce voyage, je le voyais comme l'unique moyen de retrouver enfin ce bonheur dont j'étais depuis si longtemps en quête. Et ce fut le cas. Nous nous envolâmes donc pour Buenos Aires et ses treize heures d'avion insoutenables pour arriver là bas dans une ambiance encore plus chaleureuse que les 40 degrés du thermomètre local. Nos correspondants nous attendaient à la sortie avec d'immenses pancartes de bienvenue, ils nous accueillirent avec toute la gentillesse et l'amabilité qu'on puisse imaginer. Les quelques heures de bus jusqu'à Colón qui suivirent furent mystiques pour moi, quel bonheur de voir des palmiers fièrement dressés vers le ciel, des magasins avec des pancartes étrangères et des voitures inconnues -certaines étaient si vieilles qu'elles fonctionnaient à l'aide d'une manivelle devant le capot pour démarrer le moteur-. Rien ne me plaisait plus que cette sensation de dépaysement. Je me sentais bien à nouveau, apaisé. Pour couronner le tout, il y avait une fille -il y a toujours une fille-, Chloé. Elle faisait partie de ma classe et nous étions auparavant de très bons amis. Mais l'amour débarqua avec son lot de promesses et de grands projets. Pour la première fois depuis si longtemps je cru reconnaitre le bonheur, je me trouvais loin de tout, comme dans une grande aventure, avec une fille exempte de tout reproche qui semblait m'aimer. Quand nous rentrâmes pour la Suisse, Chloé et moi poursuivîmes notre relation de manière rationnelle. Notre histoire avait fait de moi un homme « libre » car le simple fait de passer du temps à ses côtés me rappelait l'Argentine et ses grands espaces, je me complaisais dans l'évasion intérieure que ce souvenir m'apportait. Nous passions le plus clair de notre temps ensemble, chez elle ou chez moi. Pendant près de deux ans, nous vécûmes côte à côte dans la plus grande satisfaction. Jusqu'à ce maudit jour d'été 2011 où à ma plus grande surprise, alors que tout se passait bien entre nous et pour des raisons qu'il importe peu de préciser ici, notre histoire prit fin. Du jour au lendemain je me sentis seul, abandonné, orphelin. Les idées les plus noires traversèrent mon esprit, mon chagrin pris le pas sur tout ce que je trouvais de beau en ce monde. En un clin d'œil, c'était comme si une bombe avait détruit l'Argentine qui régnait jusqu'alors fièrement dans mon regard. Je ne voyais plus personne, je ne parlais plus, je ne mangeais plus. Vivre était devenu trop lourd, comme si les étincelles de mes yeux s'étaient transformées en chaînes à mes pieds. Ma liberté, mon honneur avait été bafoué. Chaque acte banal devenait pour moi une montagne infranchissable, la volonté m'avait quitté, et avec elle, tous mes espoirs de félicité. Je voulais continuer à avancer, mais je ne savais plus à quoi m'accrocher, prisonnier, enchaîné à des souvenirs insaisissables.


Après plusieurs mois d'une grisaille inavouable, je décidai de partir, seul, par n'importe quel moyen, uniquement pour oublier cette douleur qui m'habitait. J'ai donc rempli mon sac à dos des premières nécessités, et m'en suis allé avec pour seul compagnon un petit ours en peluche que Chloé m'avait un jour offert. Mon voyage improvisé m'embarqua jusqu'au bord du Rhin, dans la région de Bâle. Je n'avais pas beaucoup d'argent, et donc nulle part où dormir. Je pris donc l'initiative de m'assoupir dehors, dans un parc public de la cité rhénane. Il pleuvait des cordes ce soir-là et comme le froid me pétrifiait, je ne pus fermer l'œil. J'errais loin de chez moi, je me sentais seul, j'avais peur. Je me mis à réfléchir : mes parents, mes frères et sœurs, mes amis me manquaient. Que faisais-je là? Je ne pouvais pas répondre à cette question, et par-dessus tout, c'est ma terre, ma maison, ma vallée qui me manquaient. J'aurais donné n'importe quoi pour rentrer chez moi.
J'avais gaspillé tellement de temps à espérer un monde meilleur, je rêvais d'Amérique, de terres inexplorées, que j'en avais oublié ce qui faisait mon bonheur lorsque j'étais enfant : les petits riens comme les tombées de neige, les blagues stupides qu'on se racontait avec les copains, les rires. Ô comme cela faisait longtemps que je n'avais plus ri! Et c'est là que j'ai compris, nous cherchons toujours le petit détail, la femme ou la belle voiture qui nous rendra heureux, qu'on en oublie souvent l'essentiel : la vie!


Durant l'hiver 2011, la tempête Joachim frappa de plein fouet ma vallée, des montagnes de neiges remplacèrent en quelques jours les montagnes de roche. Avec mes frères nous montâmes le plus haut possible pour profiter de ce véritable foisonnement d'or blanc. Je sautais dans la neige, nous entreprîmes une bataille de boules de neige, et je ne pus plus contrôler mes éclats de rire. J'étais un enfant à nouveau, je me sentais bien chez moi, auprès des miens. Je sais aujourd'hui que je ne changerais cela pour rien au monde. Ma famille, mon pays. Je me contente du peu que Dieu me donne, et ce petit peu, j'aime à croire qu'il est déjà beaucoup. J'ai également retrouvé l'amour, encore plus grand et plus épanouissant. Même si je sais que mon aventure me réservera sûrement encore un bon lot de problèmes et de désolation, je ne me laisserai plus abattre car je me sens bien chez moi. Ici, je suis libre. Je vis. Il n'y a rien de plus beau que la vie.
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Sujet :  Expéditeur Date
 » Edelweiss mgdc 4/10/2013 10:10

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