Fébrile et impatiente, elle se précipite sur les touches de son clavier, ouvre sa boite aux messages, à la recherche de l’objet tant désiré :
- Enfin, mon adoré ! Tu te décides à m’écrire !
Elle ouvre le message, prĂŞte Ă savourer la tendresse qui lui provenait de loin, via le net.
- Bonjour madame, J’ai le grand regret de vous annoncer le décès du docteur Rachid M., survenu à la suite d’une attaque cardiaque, le 17 /04/2007 à 14heures. Je suis
son fils Nabil M..Juste avant de s’éteindre mon défunt père m’a glissé entre les doigts une carte contenant ses adresses E-mail et ses mots de passe. Il m’a attiré près de lui pour prononcer ces derniers mots « Préviens-la ».
Lorsque j’ai ouvert la boîte des messages de mon père j’ai découvert de quoi et de qui il voulait parler. Vos échanges m’ont tellement ému. Je ne savais pas que mon père était poète et qu’il vivait la passion de sa vie .Il était seul depuis très longtemps et il ne s’est jamais plaint. Certes, ces derniers temps, il était joyeux, élégant et attentionné.
Je vois dans vos messages que vous devriez vous rencontrer dans les jours qui suivent. Et je pleure avec vous ce bonheur inachevé. Son cœur fragile aurait-t-il succombé à cette passion trop forte pour lui ? En tout cas, madame, mon deuil est le vôtre et votre deuil est le mien.
O Folie, meurtrissure hallucination ou vérité ? Douleur de la déchirure, séisme des sens qui s’amoncellent en tas de larmes. Cauchemars du sort dont, elle but en pleines gorgées. Pourquoi ? Pourquoi, juste au moment où la vie allait lui sourire, où de bonheur son cœur allait s’épanouir et renier le passé avec l’amertume des défaites, le désespoir de la découverte ? Est-ce possible ? Est-ce vrai ?
La confirmation n’est que évidence et retour à la fatalité.
Et le temps passe ; la plaie se panse cédant sa place à la certitude des faits. Elle confie à la feuille blanche sa déchirure , sa blessure éternelle , feuille qui de deuil noircit.
Disparition de Rachid
Ö douleur de l’incertitude implacable qui se matérialise
Folie meurtrière du départ d’un homme que j’idéalise
La Parque maudite m’a précédée haletante à ta rencontre
Jalouse elle te voulait Ă elle me blessant pour me morfondre
Apocalypse abstraite terrible farce du destin assassin
Souffrance des vivants avant les mourants déjà sereins
Rupture inattendue arrêt imprévisible de notre cher rêve
Tout était parfait fallait-il que cette maudite perfide t’achève
La voyageuse de nuit est passée sans préavis en plein jour
Pour éteindre ta flamme naissante et la mienne sans détours
Tu dormais tranquillement confiant dans la sieste d’attente
De l’union tant désirée de notre complicité sincère patiente
Mais la faucheuse de sa voracité t’a foudroyé sans pudeur
Faisant fi du monde entier de ton espoir et de ma douleur
Indescriptibles déchirures le malheur s’impose insoluble
Le typhon cruel a lacéré mon cœur à vif de rides irascibles
Ta perte irrévocable devient mon histoire insolite ma tragédie
La fatalité a décidé de me transpercer de sa macabre comédie
Comment faire pour admettre ton absence définitivement réelle
Pleurer est insuffisant mon deuil immatérialisé restera éternel.
----------------
MB CANDIDE