KHALID, CET ÉLÈVE QUI VIENT DE LOIN !
Le collège «Souss Al Alima» est situé dans un quartier chic de la ville entouré d'immeubles, de résidences, d'hôtels et de superbes villas où résident les gens de la haute société... Il fait froid ce matin d'hiver. Il est huit heures moins quart. Des élèves descendent de voitures luxueuses, d'autres arrivent enfourchant leurs scooters à la mode. Ils sont élégamment et Chaudement vêtus. Après avoir pris leur déjeuner du matin bien garni, les voilà prêts à affronter une nouvelle journée d'étude bien studieuse...
Et voilà Khalid, élève en 7e A.E.F, qui s'amène, à peine habillé d'une simple chemise, d'un pantalon qui a oublié sa couleur initiale depuis belle lurette, et chaussé de sandales en plastique. Cet accoutrement de misère est impuissant devant les assauts du vent matinal. Khalid grelotte, son cartable sur le dos, pressant le pas, essoufflé et déjà épuisé.
Qui est ce garçon si différent de ses camarades cossus? De quelle planète mystérieuse est-il parachuté ? Et que diable fait-il ici? Il casse l'harmonie de ce magnifique tableau matinal: beaux élèves bien habillés, bien coiffés,bien parfumés, bien rassasiés, bien chaussés,bien aimés,... au portail du collège!
Khalid habite (si on peut appeler ça «habitation») un taudis misérable au bidonville «Karyane Al Ghazoua» oublié par les Gadiris au pied de la montagne «Agadir Ouffela», juste à côté du port, très loin des habitations convenables de la ville. Ce bidonville souffre de tous les maux imaginables et inimaginables : Absence de tout ce qui est indispensable à la vie : route carrossable, eau potable, électricité, dispensaire, collège, édifices publics, sécurité, etc… Plusieurs familles démunies y survivent affrontant leur situation inhumaine, souffrant de l’oubli et de l’indifférence des responsables de la ville.
Rêvant d’un lendemain meilleur et d'une vie digne et prospère, Khalid se réveille, chaque matin à six heures, mange quelque chose en guise de petit déjeuner, prend son cartable et sort à l'aventure quotidienne: Aller au collège ! Il emprunte, à pied, une longue route sur laquelle les véhicules passent à une vitesse folle, longe le cimetière d'Agadir, descend une pente, traverse l'oued, escalade un mont et atteint les premières villas de la ville. Encore un quartier chic et parfumé (où il se sent étranger et dépaysé) à traverser et le voilà enfin au collège!
Nous avons jugé bon de laisser Khalid s'exprimer, se défouler en parlant de ses malheurs d'écolier. Pour l'aider, nous lui avons posé les questions suivantes:
«- Al Bayane : Veux-tu te présenter aux lecteurs ?
- khalid : Je m’appelle Khalid El Brihi. Je suis né le 24/5/1985. J’habite au n°55, Karyane Al Ghazoua, Agadir.
- Al Bayane: Vous-êtes combien, à la maison?
- Khalid: Vous voulez dire à «la baraque», monsieur? (sourire). Nous sommes six: deux filles et quatre garçons.
- Al Bayane: Quel est le métier de ton père?
- Khalid: Mon père ne travaille pas, monsieur. Mon père est mort, à l'hôpital de Marrakech à cause d'une grave maladie qu'il a attrapée en prison!
- Al Bayane: Et qui s'occupe de vous?
- Khalid: Notre pauvre mère. Elle n'a aucun travail. Elle trime pour nous nourrir. Je dois vous avouer, monsieur, qu'elle fait l'aumône chaque vendredi au cimetière d'Agadir en compagnie de mon petit frère. Les autres jours, elle aide les voisines du bidonville aux travaux ménagers. Elles lui donnent à manger, des fois quelques pièces d'argent sachant que nous n'avons absolument rien. Que Dieu les récompense pour leur générosité et leur bonté! Comme vous voyez, monsieur, je suis orphelin et fils de mendiante.
- Al Bayane: Et comment peux-tu étudier dans ces conditions?
- Khalid: Cela relève du miracle, monsieur. Rien que le trajet entre le collège et le bidonville quatre fois par jour est un calvaire insupportable. La route est très dangereuse, surtout le soir. En hiver; il fait nuit, Nous rentrons chez nous à pied. Nous nous mettons en groupe pour nous encourager les uns les autres. L'endroit est sinistre et effrayant. Il y a toujours des clochards, des ivrognes, des «chamkara»(enfants de la rue). Ils sont souvent menaçants et violents. L'autre jour, mon ami Abdelhak a été agressé par un vagabond qui l'a frappé avec une pierre à la tête! Et c’est plus dangereux pour les filles. Les parents ont longtemps protesté et ce n'est qu'après deux mois d'étude au collège «Souss Al Alima» que les responsables leur ont accordé une bourse d’étude au collège «Lalla Meryem».
Maintenant, elles sont internes et n'ont plus ce problème. Nous, les garçons, nous n'avons rien! On nous a promis une bourse d'internat dans un collège à Aït Melloul. On attend toujours!
Le soir, je suis épuisé. Je ne peux pas réviser mes leçons ni faire mes exercices, surtout à cause de l'absence d'électricité. Tout cela m'empêche d'étudier convenablement, monsieur. C'est à cause de ces problèmes que j'ai redoublé la 7ème année, moi qui voudrais tellement étudier, monsieur! Je ne veux pas finir mendiant ou «chamkar»(enfant de la rue)! Mais que puis-je faire? Je peux vous dire, monsieur, que plusieurs garçons et filles ont été obligés d'abandonner leurs études et d'autres les suivront sûrement.
- Al Bayane: De quoi avez-vous besoin, d'urgence?
- Khalid: Nous demandons aux responsables du Conseil municipal de restaurer, au moins, la route qui mène à notre bidonville comme nous l'a promis le président. «Chose promise chose dûe», monsieur le président! Et s'il n'y a pas de bourse d'internat, qu'ils mettent à notre disposition un bus scolaire! Cela nous aidera énormément.
- Al Bayane: Un dernier mot, Khalid?
- Khalid : Oui, monsieur. Je voudrais remercier notre Roi SM Mohammed VI qui pense sérieusement aux pauvres et aux démunis comme nous et qui fait tout pour soulager leurs souffrances. Que Dieu, le garde et le protège!»
Que faire pour que le petit Khalid n'abandonne pas ses études et devienne «chamkar»(enfant de la rue)? Que faire pour qu'il vive avec dignité et puisse subvenir aux besoins de ses frères et sœurs? Que faire pour qu'il réussisse à soulager sa pauvre mère qui a tellement trimé et peiné et qui a besoin de repos? Que faire pour que des bidonvilles comme «Al Ghazoua» disparaissent à jamais de la carte géographique? Que faire?
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Albayane, Lundi 20 Décembre 1999
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!
