Plume de satin Inscrit le: 22/3/2020 De: Envois: 21 |
La Tarasque
Il était gigantesque, implacable et vorace. Cet assemblage de monstres de toutes races, Œuvre, sans en douter, de la main du malin, Aux oreilles pointues, attribut chevalin, Avait la face d’un très pugnace vieil homme Sur la tête d’un lion, un des gros lions de Rome. Ses six pattes trapues de grand ours au poil brun Et son poitrail de bœuf au muscle peu commun Supportaient une énorme et dure carapace Aux piques acérées en serres de rapace. Sa violente queue se finissait en un dard Qui pouvait sans souci transpercer un rempart. Il guettait tous ceux qui traversaient la rivière Et sans les laisser prononcer une prière, Il bondissait de l’eau, sanguinaire et ardent, Pour les manger tous crus en un seul coup de dents.
Sainte Marthe, un matin, pour montrer la puissance Que la foi lui donnait au peuple de Provence, S’avança vers le Rhône avec nulle frayeur En invoquant le nom du Tout-Puissant Seigneur, Puis ordonna à cette épouvantable bête De sortir de ses eaux, et en baissant la tête. Lors la bête sortit, sans plus être un danger, Et laissa Marthe la ligoter sans bouger.
Le monstre n’allait plus infliger de souffrance, Mais les hommes refusèrent sa repentance Et se sentant de force, odieux sentiment, Allèrent déverser tout leur ressentiment Armés de pieux aigus, de haches ou de piques, En tuant ce dragon qui mourut sans réplique, Sans jamais essayer de leur rendre le mal.
Le malin, que Marthe chassa de l’animal Qui pouvait d’un plongeon provoquer un déluge, Trouva dans ces cœurs-là un solide refuge.
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