Lettre à un jeune voyageur, prose alexandrine...
Lettre à un jeune voyageur
Quitter Paris, me demandes-tu ?
Tu me dis la vitesse, et les gens, et le stress.
Tu m’écris que tu ne peux plus vivre « ici ».
Je ne sais que te dire, mon tendre et jeune ami. Si ce n’est d’écouter et ton cœur et ta vie. Parcourir ses voyages, oser prendre des trains, c’est aussi quelque part le pari d’un demain.
Il faudra découvrir, et oser, et plonger. Dans des villes inconnues, aux senteurs différentes, en des terres où les femmes seront moins insolentes.
Tu verrais à Bordeaux une ville océane, des embruns, des secrets, des voiliers immobiles. Et puis non loin de là ces vignobles aux tons roux, où l’automne vendange les soleils les plus fous.
A Toulouse les cambrures d’une Espagne affolée, tant de nuits où Garonne prend des airs d’Alhambra ; tu lirais notre histoire en mon beau Capitole, tu saurais qu’en l’Autan mes écrits caracolent…
Si tu vas à Marseille, ton passé sourira. Arme-toi de sourires plutôt que de courage, et sache qu’au-delà des rumeurs malveillantes, la blancheur algéroise est parfois bienveillante.
Lyon saurait t’accueillir en secrètes traboules, tu verrais des soieries, et quand tu serais ivre d’avoir bu tant de foules, tu irais vers les Alpes respirer en névés.
Mais peut-être veux-tu parcourir les silences, quitter ports et fracas, découvrir les absences ? La campagne saurait te donner abondance, quand les vents sont les seuls à parler au marcheur, quand les blés et les bois te seront un seul toit…
Rimbaud lui est parti, il allait vers l’Afrique, mais sa muse est restée, toute seule, en sa Meuse.
Garde, toi, tous tes mots, ils seront ton armure, ta potion, ton calice, quand des plaines du Nord aux soleils de Galice tu iras vers ta vie comme on aime une étoile.
Je t’attendrai toujours, pour te dire parfois, quand les nuits seront belles, les secrets des abeilles et des textes-soleils.
Sabine Aussenac.[img]
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Lou, aux nuits rossignol...