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     L'enfer et le paradis
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Expéditeur Conversation
LdeVinci
Envoyé le :  26/11/2009 20:11
Plume de satin
Inscrit le: 19/3/2008
De:
Envois: 43
L'enfer et le paradis
L'enfer et le paradis.



Je traversais la rue Gît-le cœur, accourant vers ma bien aimée qui m'attendait sur le trottoir d'en face, lorsque je ressentis un choc aussi violent qu'inattendu, et que je me retrouvais illico devant Saint Pierre.

Ses saintes fesses reposaient sur un siège de marbre blanc, mais nettement plus confortable que le Carrare terrestre car il était mou comme du caramel, bien qu'heureusement moins collant.
Saint Pierre était seul. Pas le moindre ange gardien auprès de lui, et sur sa tête pas la moindre auréole. Moi à sa place, j'aurais eu à cœur d'avoir une auréole large comme un sombrero mexicain, avec une tripotée d'anges à voleter autour de moi. Mais bon, à chacun son truc.

— Approche Louis, me dit-il.
Puis il prit mon dossier qui était le premier de la pile, et je compris qu'il allait découvrir mon âme, qui se serait bien passée de cette indiscrète intrusion. C'était un volumineux bouquin relié en plumes de crocodile.
Il l'ouvrit et commença à lire le livre dont l'épaisseur ne me laissait présager rien de bon pour la suite de mon jugement, qui était hélas le dernier. Soucieux de ne pas l'importuner durant sa lecture, je regardais discrètement autour de moi.
Pas l'ombre d'un séraphin ou d'un ange, pas même un angelot. C'est en vain que je cherchais un nuage, comme ces attendrissants cumulus qui égayent les dessins de Siné quand il veut évoquer le paradis, ce qui arrive rarement il est vrai.
Je tendis l'oreille à l'écoute de la moindre note de cette musique céleste à laquelle j'étais en droit de m'attendre. Je n'entendis que le silence. Sépulcral comme il se doit, et qu'un gardien du Père Lachaise eut apprécié.

Saint Pierre lisait l'histoire de ma vie. Sa chevelure était blanche, et une longue toge, blanche elle aussi, drapait son corps. Il hochait la tête, avec au front des rides de réprobation qui s'accentuaient au fur et à mesure de la lecture de mon passé sur la terre. Si bien que le contenu de ces feuilles de papyrus me sembla être plus proche de l'acte d'accusation que du couronnement de lauriers.
Je me sentis glacé jusqu'à la moelle des os, ce qui était d'ailleurs tout ce qui me restait hélas de mon ancien corps, de mes mains sublimes et de mon joli ventre plat.

Sa lecture terminée il referma le volume, puis tendit le cou vers moi, et prenant une voix d'outre-tombe pour me mettre dans l'ambiance, il me livra l'analyse de sa lecture.
« Les avis de mes confrères les saints sont partagés à ton sujet. Je dois te dire que deux d'entre eux te sont assez hostiles. Il s'agit de St Frusquin et de St Glinglin. Je ne te parle même pas de sainte Nitouche. Sans porter de jugement sur leur valeur spirituelle, Dieu me le pardonne, ajouta-t-il en se signant pieusement, je reconnais que ce sont là des saints de deuxième catégorie. Mais je ne peux évidemment pas passer outre l'opinion de mes confrères.»



Cela commençait mal. Qu'il prenne en considération l'opinion de ces trois minables me parut du plus mauvais augure pour mon avenir éternel.

— En revanche, certains saints émettent à ton sujet un avis favorable. Il y a St Louis évidemment, mais on ne saurait demander à un ancien roi d'être impartial, et je me passerai donc de son opinion.
C'était bien mal parti avec un juge pareil, et je me voyais déjà griller en enfer pour l'éternité.
— Pour être honnête, ajouta-t-il, j'en vois deux autres qui te couvrent d'éloges. D'abord, il y a St Valentin qui passe pour être le saint des amoureux. Il est intarissable à ton sujet, il prétend que tu étais un amant merveilleux, tendre... et cetera, ajouta-t-il pour me montrer qu'il savait parler latin. Mais je ne peux pas tout te dire, car tu comprends bien que je suis tenu au secret professionnel.
Il marqua un temps d'arrêt, arrangea les plis de sa sa toge, se caressa l'aile du nez et haussa les épaules.
— Mais je connais bien St Valentin, il ne s'intéresse qu'aux choses de l'amour, qui sont bien loin de nos préoccupations célestes. Son avis est donc nul et non avenu, comme tu l'imagines.
Non je n'imaginais pas. En revanche j'imaginais l'enfer si proche que je sentais déjà l'odeur du brûlé.
— L'autre, c'est une consœur, Sainte Céline. La vierge, précisa-t-il tout en modifiant à nouveau les plis de sa toge, se frottant le nez, et gigotant convulsivement des épaules, si bien que je me demandais à voir tous ces tics s'il était vraiment digne de sa fonction. Il parcourut à nouveau mon dossier, fronça le sourcil, puis exhala un long soupir, dont le souffle fit frissonner les plumes de crocodile.
— Sacrée Céline ! s'exclama-t-il.
Pour une sainte, ce n'était pas surprenant, surtout si elle était vierge comme il le prétendait. Enfin celle-là du moins, car apparemment il y avait deux saintes homonymes * .Il crut bon d'ajouter :
— Elle est comme St Louis, à la fois juge et partie. En plus, toute sainte qu'elle soit, ce n'est qu'une femme tu en conviendras, et bien que le sexe des anges soit encore en discussion, celui des saintes ne l'est pas.
Le sexe de ma Céline terrestre ne souffrait pas non plus la discussion, car pour m'y être maintes fois attardé, je pouvais attester de sa merveilleuse féminité. Mais comme il n'avait pas l'air d'être porté sur la chose, je jugeais préférable de m'abstenir de mettre le sujet sur le tapis.
Le saint macho ajouta à contrecœur :
« Je vois que durant ton séjour terrestre, tu es tombé dans le piège de l'amour. Aussi à titre exceptionnel et par compassion pure, je veux bien atténuer la noirceur de ton âme.
C'est de Céline dont je veux te parler, comme tu le devines. Pas des deux saintes évidemment, mais de ta Céline humaine. Je vais m'en occuper personnellement afin que tous les vœux que tu as formulés pour elle soient exaucés ».
Au moins quelqu'un que j'aurais réussi à pistonner.

* Il y a effectivement deux Sainte Céline.


Il marqua un temps d'arrêt. Le moment du verdict était arrivé.
— Tu iras au Paradis. Pour que s'ouvrent ses portes, tu devras donner ton code d'entrée personnel. Ce sera le 5649aD85y75p1025. Tu as intérêt à t'en souvenir car je ne le répèterai pas. Inutile de te préciser qu'à la moindre erreur de syntaxe, tu irais en enfer direct.
C'était bien ma veine.
Il crut bon d'ajouter rapidement, afin de m'empêcher de mémoriser le diabolique sésame :
— Cependant, avant ton séjour paradisiaque, tu devras expérimenter un passage temporaire au purgatoire, car je devine que tu ne pourrais connaitre la félicité éternelle que si elle était près de toi. Qu'irais-tu donc faire au paradis sans elle ? .
Je pourrais toujours trouver à m'occuper, mais manifestement il s'en fichait comme de sa première toge.
— Quand elle en aura terminé avec son séjour terrestre, vous serez alors ensemble pour l'éternité.
Il dit, puis saisit un marteau à la tête d'ivoire australien, et en frappa un coup sec sur une pierre de Saturne, avec le geste auguste d'un commissaire priseur de chez Christie's.
— Jugé, condamné, énonça-t-il.

N'attendant que ce verdict, apparut Lucifer.
Il ressemblait si étrangement à Jack Nicholson avec ses sourcils à la Méphistophélès, que ce sentiment de déjà-vu avait quelque chose de relativement rassurant pour le séjour infernal auquel j'étais destiné. Son corps était moulé dans un collant rouge Ferrari, d'où émergeaient deux pieds fourchus qui devaient lui être bien utiles pour tenir la route. En revanche, il ne sentait pas le soufre, et n'avait pas la queue à laquelle je m'attendais. Sans doute ne la mettait-il que pour les grandes occasions, qu'un menu fretin comme moi ne semblait pas justifier.
— Suis-moi, ordonna-t-il. Je fis de mon mieux car il avait une accélération de tous les diables. Je t'emmène au Purgatoire, ajouta-t-il. Heureusement pour toi, il ne s'agit pas d'un séjour éternel, et tu en sortiras un jour. Hélas pour toi, les tourments y sont identiques à ceux de l'enfer, ajouta-t-il avec un rire sardonique.
Je ne m'attendais pas à cette diabolique précision, et à ces mots, mes ossements commencèrent à jouer des castagnettes, à en faire pâlir de jalousie une danseuse de flamenco.
Je réussis néanmoins à poser la question qui me tenait à cœur, en dépit de la frousse que m'inspirait ce Nicholson nouvelle manière.
— Mais quand sortirais-je du purgatoire pour rejoindre le paradis ?
— Dès l'arrivée de Céline. Mais cela ne dépend que de toi, tu n'as qu'à me la demander, je mets fin à sa vie, et je t'envoie ta Céline illico presto.
— Jamais de la vie, je préfèrerais mourir, répondis-je avec courage.
— C'est un peu tard mon pote, répondit-il amicalement.
Une trappe s'ouvrit alors sous mes pieds, et je tombais dans la fournaise.

Aussitôt parurent deux diablotins qui étaient mignons comme tout, et dont la queue fourchue se balançait sans arrêt de gauche à droite, faisant penser à l'hésitation d'un partisan du Modem dans l'isoloir. Ils me ligotèrent à un totem de style Louis IV Le Cruel, pendant qu'un autre petit diable s'appliqua à allumer une lampe à souder.



J'étais plein d'admiration pour le savoir-faire de ce professionnel, qui dans une vie antérieure avait dû faire merveille chez SOS Plomberie.
A mon avis il avait la ferme intention de me griller vif, et j'étais curieux de savoir comment il allait s'y prendre, vu que je n'avais même plus de peau sur les os, qui résumaient hélas tout ce qui avait survécu à mon ancien corps.

Cette égoïste préoccupation me fit soudain prendre conscience que je n'avais plus rien autour de mon squelette, et en particulier pas de sexe, et c'est ce qui m'inquiétait le plus. Mais alors, Céline ? Elle aussi ne serait-elle qu'un tas d'ossements ?

J'aurais donc tout perdu ?
Sa bouche, dont les baisers profonds, si purs et si tendres fondaient nos cœurs ensemble.
Ses seins fermes et élastiques, dont la forme était si merveilleusement adaptée à ma main, et dont la rose aréole était si douce sous mes lèvres.
Et ce fougueux élan qu'elle mettait dans les ébats intimes. L'offrande de son sexe ourlé de deux pétales de fleur, divin prélude à son puits de délices qui m'emmenait au septième ciel, tellement plus excitant que celui où je me trouvais.
Sa peau tout contre la mienne, qui à l'heure du repos du guerrier se laissait aller dans le tendre abandon que l'amour offre au sommeil.
Le charme de ses paroles, la douceur de ses mots. Son esprit si parfaitement en accord avec le mien, car je dois bien reconnaître que son intelligence était presque égale à la mienne.
Je perdrai donc tout cela ?
Qu'étais-je donc allé faire dans cette galère ?

Je fus tiré de ces amoureuses réflexions par le sifflement de la lampe à souder qui lançait une flamme orange et violette du plus bel effet, mais dont les irisations me laissèrent froid. Pour l'instant en tout cas, car je devinais bien que je n'allais pas tardé à être grillé, vite fait bien fait.

Survint alors l'apparition.
— Je suis Sainte Céline, se présenta-t-elle. Pas la vierge, l'autre, car nous sommes deux saintes du même prénom.
Divine surprise dont je fus d'autant plus étonné, que l'aveu des rapports sexuels de la sainte étaient aussi inattendus que sa brusque survenue. Du coup le diablotin préposé à ma rôtisserie en éteignit à regret son matériel, et le posa à terre devant ses pieds fourchus. Cette dualité des Céline m'étonna moins, car ma Céline terrestre m'avait habitué à ces imprévisibles retournements de tendance, dont les traders de Wall Street sont coutumiers.
Sainte Céline était belle, divine pour tout dire. Une vraie vision de paradis, encore plus sublime que ce que les pauvres mortels comme moi imaginaient sur la terre.

Elle n'était vêtue que de sa nudité. Au dessus de sa tête flottait une auréole transparente, qui évoquait un disque vide comme un CD de Carla. Du coup je compris que ce n'était pas à la Céline vierge à qui j'avais affaire, mais à celle qui s'était livrée au stupre et à la fornication.




Bien que mon crâne fut vide de cerveau, mon séjour terrestre m'avait donné le goût de la curiosité, et je me demandais si les ébats érotiques de la sainte avaient eu lieu en d'autres temps sur la terre, ou s'ils faisaient aujourd'hui le bonheur des saints du Paradis.
Je n'eus pas le temps de m'interroger plus longtemps.
— Viens, me dit-elle, je vais te sortir de là, et te renvoyer sur la terre.
Sa voix était douce, tendre et musicale, avec ces sensuelles inflexions dans le grave qui faisaient grimper aux rideaux les mâles terrestres. Je marchais à côté d'elle, m'efforçant de ne pas trop regarder ses seins qui se balançaient au rythme de sa marche.

Nous arrivâmes devant Saint Pierre.
« Pierre, tu as enfreins les règles. Dans les opinions favorables, tu n'as considéré que la voix de ma consœur la vierge, et pas la mienne ».
Il baissa la tête, évitant de regarder la sublime déesse nue.

— Regarde-moi, ordonna-t-elle. Pudique il détourna le regard, mais pas moi, et l'air de rien j'en profitais pour me rincer l'orbite. Elle ajouta :
« Tu as ignoré mon opinion, et ce vice de procédure t'oblige à renvoyer mon protégé sur la terre »
Que le Paradis fut le temple du vice et des seins nus me convenait à merveille, et je regrettais presque de devoir quitter ce haut-lieu d'une débauche inattendue.
— Bien. Qu'il en soit fait alors selon les règles, accepta-t-il à regret.

A ces mots je sentis mes os se recouvrir progressivement de mon ancien corps, et je me retrouvais avec mon anatomie terrestre au complet.
Je recherchais des yeux ma belle salvatrice.
Plus personne. Pas plus de sainte nue que de saint en toge.
J'étais à nouveau sur la terre, qui est si belle quand on est aimé.

Je suis rue Gît-le-cœur,
Il pleut et il fait froid
Mais le soleil est en mon cœur
Car Céline est à mon bras.

« Chéri, la prochaine fois, promets moi de faire attention avant de traverser la rue», me dit-elle.
Duchesse
Envoyé le :  30/11/2009 1:05
Plume d'or
Inscrit le: 11/2/2009
De:
Envois: 846
Re: L'enfer et le paradis


C'est d'un humour décapant ! Bravo, j'ai adoré cette lecture originale et amusante.

Honore
Envoyé le :  30/11/2009 17:44
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: L'enfer et le paradis
Ton histoire est captivante et drôle et j'ai beaucoup apprécié.
HONORE
Facillire
Envoyé le :  16/2/2010 12:53
Plume de platine
Inscrit le: 30/1/2010
De:
Envois: 2762
Re: L'enfer et le paradis
Encore,encore.... C'est drôle et très bien écris!

Vive le paradis et vive l'humour céleste.

Merci LdeVinci pour cet écrit,je vais aller au boulot

avec un grand sourire. Si mes collègues me demandent

le pourquoi,j'essaierai de raconter cette histoire.

Mais surtout je leur dirai d'aller te lire sur le forum.

Vivement une autre histoire...



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