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     La femme du dessus allongée
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Expéditeur Conversation
Berny
Envoyé le :  12/1/2020 20:24
Plume d'argent
Inscrit le: 11/8/2019
De:
Envois: 347
La femme du dessus allongée
La femme du dessus

Le principal défaut de ces immeubles des années soixante, c'était d'être mal insonorisés. Hugo le savait en achetant son appartement dans ce quartier de Boulogne-Billancourt ; le neuf était hors de ses moyens financiers. L'énorme avantage de ce quartier était d'avoir su conserver des commerces variés et de nombreux cafés aux terrasses ensoleillées qu'un retraité comme lui saurait mettre à profit ; regarder les gens passer était un de ses passe-temps favoris.
L'appartement du dessus venait de changer d'occupant. A six heure du matin Hugo fut réveillé par la chute d'un objet sur la dalle en béton (un réveil peut-être tombant de la table de nuit ?). Pas de chance, il avait tant espéré que le nouvel occupant aurait fait mettre de la moquette. Il entendit le bruit des pas qui se dirigent vers les toilettes, la chasse d'eau tirée, des bruits d'eau dans dans la salle de bain.. Quelle idée de se lever si tôt ! C'était peut-être exceptionnel, pour aller prendre un avion, du moins l'espérait-il.
En descendant pour aller acheter sa baguette de pain, Hugo jeta un œil sur la liste des boîtes aux lettres ; une étiquette portant le prénom de Natacha était l'indication écrite à l'encre pour la nouvelle du sixième ; curieux, se dit Hugo, pas de nom de famille ! Ce ne pouvait être un oubli, peut-être le désir de cacher un nom étranger, dans cette France xénophobe, à moins que, à moins que...Hugo eut honte d'y avoir pensé. Ce serait un comble, une pute dans ce quartier chic. Il serait bon d'en avoir le cœur net, le mieux était de trouver un prétexte pour la rencontrer. Il y avait bien le bruit, avec ses levers matinaux, ses talons qui menaient un bal incessant dans des allers-retours incompréhensibles. Mais Hugo s'était fait une règle de ne pas se plaindre de telles nuisances ; après tout, cela pouvait lui revenir en boomerang, il recevait souvent à dîner un groupe d'anciens combattants qui ne méprisaient pas l'alcool et savaient chanter à tue-têtes des chansons paillardes dont on pourrait aisément lui faire reproche. Il n'était donc pas question de monter à l'étage au-dessus et de sonner à sa porte.
Natacha était un prénom qui portait à rêver. Soviétique, probablement. Hugo avait lu dans sa jeunesse Guerre et paix, le célèbre roman de Tolstoï où une Natacha Rostof était le personnage principal. C'était tentant de le relire, mais il y renonça, trouvant trop long les romans russes. C'était plus simple de laisser aller son imagination. Il la voyait grande, blonde ou brune, il faudrait savoir, vive en tous cas, comme l'indiquait l'allure de ses pas. Quel métier exerçait-elle : secrétaire, mannequin, femme d'affaire ? Manifestement elle était célibataire, pas de voix d'homme perçue.
Le hasard faisant parfois bien les choses, en rentrant de sa promenade quotidienne au bois de Boulogne Hugo vit une femme inconnue qui attendait l'ascenseur, ce ne pouvait qu'être que Natacha. La conversation s'engagea :

—Vous descendez à quel étage ?
—Sixième
—Ah, j'habite au cinquième. C'est vous Natacha qui venez d'aménager ?
—Oui. J'espère que je ne fais pas trop de bruit, je me lève tôt.
—Pensez-vous ! J'ai un sommeil de plomb.
—Et qu'avec mes talons...
—Mais c'est normal, pour une femme, les talons.

L'ascenseur était arrivé au cinquième. Hugo dut à regret mettre fin à la conversation en lui souhaitant une bonne installation. Il avait apprécié la délicatesse de son parfum ; c'était toujours troublant de se trouver en compagnie d'une personne du sexe opposé dans l'espace réduit de cet ascenseur.
Donc elle était brune, il eut préféré blonde, mais il n'y pouvait rien. Elle avait aussi eu un petit air espiègle, comme si ce trajet en ascenseur aurait une suite. Hugo lui donnait bien la quarantaine, une femme d'expérience donc ; il n'avait que vingt ans de plus. Veuf depuis cinq ans, il ne restait pas insensible au charme féminin, et sa masturbation hebdomadaire était plus hygiénique que source du plaisir qu'un homme encore vert est en droit d'attendre.
Tous les matins, Hugo guettait les bruits du dessus. Certaines fois, il avait l'impression qu'ils s'adressaient à lui, qu'elle faisait exprès de laisser tomber un objet, que ses pas n'avaient plus le même rythme régulier, comme s'ils lui adressaient un message en mors. Allons, allons, se disait-il, je divague. Oui, je divague peut-être, mais pourquoi pas divaguer ? Parfois ses pas martelais tellement le plancher qu'il avait envie de crier assez, assez, qu'il lui prenait envie de monter à l'étage, sonner à sa porte, la voir ouvrir, elle serait en nuisette, ou en pyjama, il fallait qu'il sache.
Il commençait à rêver d'elle. Passer du rêve à la réalité peut être source de bien des déconvenues, comme la fois où Natacha prit avec lui l'ascenseur en compagnie d'un homme  qui lui tenait le bras : ah, Antoine, je te présente Hugo, mon voisin du dessous ; c'est un monsieur charmant.
Hugo les quitta au cinquième, un sourire forcé aux lèvres. Quelle déception ! Adieu, veau, vache, cochon, couvée ! Natacha avait donc un compagnon. Il aurait dû s'en douter, il ne faisait pas le poids devant cet Antoine qui quand même lui paru nettement plus jeune que Natacha. Encore un qui recherche la mère chez sa femme, pensait-il pour se venger.
Le surlendemain, Natacha prit l'ascenseur en compagnie d'un homme qui lui tenait le bras : ah, Sylvain, je te présente Hugo, mon voisin du dessous ; c'est un monsieur charmant.
Hugo les quitta au cinquième, un sourire narquois aux lèvres. A peine rentré dans son appartement, il se mit à entamer une danse de sioux en hurlant : je le savais, je le savais, c'est une pute, c'est une pute.Le fameux « C'est bientôt fini là-haut » eut tôt fait de mettre fin à sa prestation.
Par une curiosité bien légitime, il décida d'en savoir plus sur l'activité de Natacha. La terrasse du café ayant vue sur l'entrée de l'immeuble constituait un poste d'observation idéal. Après plusieurs après-midi de comptage des entrants et des sortants qui manifestement n'habitaient pas l'immeuble, il en conclut une durée de passe moyenne d'une demi heure. A raison de huit heures par jour, cela faisait seize passes dont il ignorait malheureusement le revenu moyen ; une activité sans doute bien profitable.
Restait à savoir pourquoi Natacha se levait si tôt le matin. La meilleure façon était de la suivre. Il découvrit aisément qu'elle se rendait au bois de Boulogne ; nombreux étaient ces messieurs qui partaient tôt le matin au bureau sous le prétexte d'éviter les embouteillages et y faisaient une halte propice à pallier le manque d'appétit de leurs épouses pour la chose.
Pour compléter son dossier, Hugo trouva dans son armoire, non sans peine, le règlement de copropriété. C'est bien ce qu'il pensait, l'exercice d'une profession libérale était interdit. Mais s'agissait-il d'une profession libérale ? Il décida d'en parler à ses amis qu'il recevait chaque premier jeudi du mois.
L'apéritif servi, Hugo rentra dans le vif du sujet. Il raconta ses rencontres avec la nouvelle occupante du sixième, les doutes qu'il avait tout de suite eu sur sa respectabilité, le résultat de ses enquêtes et son ami Germain l'avait interrompu :
— Dis-moi, Hugo, ça ne t'a pas donné envie d'aller voir les dessous de la femme du dessus ? Tu n'aurais qu'un étage à monter.

S'en était suivi un éclat de rire général. Hugo avait poursuivi, gêné :

— Au lieu de plaisanter, Germain, tu pourrais me dire si le métier qu'elle semble exercer peut s'assimiler à une profession libérale, auquel cas elle n'aurait pas le droit de l'exercer dans l'immeuble.
—Je sais qu'il y a des prostituées qui se déclarent en profession libérale, quoique cela ne soit pas toujours justifié, répondit Germain. Je te rappelle aussi que la prostitution n'est pas interdite en France.

Le repas se poursuivit par un échange coutumier de banalités ; personne n'eut l'indécence de faire remarquer les bruits animaliers provenant de l'étage supérieur.
La suggestion de Germain n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Après tout, si la prostitution n'était pas interdite, pourquoi ne pas l'essayer ? Profitant d'un instant calme Hugo alla sonner au sixième ; il n'eut pas à le regretter. Natacha avait une façon bien à elle de satisfaire ses clients : à chaque séance ils expérimentaient, après tirage au sort, une des cent positions du Kamasutra, une sorte d'éducation sexuelle en somme, à laquelle Hugo prit goût. Si la position se révélait trop acrobatique, elle savait rassurer son client par quelques gâteries dont elle avait le secret.
Comme tous les ans, Hugo partit en croisière. Une semaine à envier ces couples qui s'embrassaient sur le pont du navire à bouche que veux-tu ; seul le soir dans sa cabine avec supplément qui ne disposait que d'un misérable hublot, il cafardait. Natacha lui manquait.Il lui fallait retrouver le goût de vivre, redonner du sens à sa vie. Et par une illumination soudaine, il eut cette idée généreuse : lui proposer de venir habiter chez lui et cesser d 'exercer son métier , il avait largement de quoi la faire vivre. Il réalisait qu'il l'aimait, elle avait de l'affection pour lui, cela devrait suffire.
Hugo franchit la porte de son immeuble d'un pas assuré et s'arrêta interdit devant la liste des boîtes aux lettres : une certaine Angelita avait remplacé Natacha , une espagnole, peut-être ?
cyrael
Envoyé le :  16/1/2020 9:00
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83504
Re: La femme du dessus allongée


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Berny
Envoyé le :  16/1/2020 17:26
Plume d'argent
Inscrit le: 11/8/2019
De:
Envois: 347
Re: La femme du dessus allongée
Merci pour ces fleurs
Bonne soirée
BernyCitation :

cyrael a écrit :
Sybilla
Envoyé le :  31/1/2020 1:12
Modératrice
Inscrit le: 27/5/2014
De:
Envois: 95088
Re: La femme du dessus allongée

Bonsoir Berny,

Très beau !



Belle soirée !
Mes amitiés
Sybilla


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Presque toutes mes poésies ont été publiées en France et ailleurs avec les dates "réelles" de parution.


Le rêve est le poumon de ma vie (citation de Sybilla)

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