Alors que j'allais voir ma dulcinée
Je passais tout d'abord par un bosquet
Pour y trouver une fleur et sans la brusquer
Lui demander de bien vouloir m'accompagner
J'en croise plein sur le chemin
Des belles turquoises, des roses carmins
Qui me toisent toutes avec dédain
Quand j'en vois une, qui s'écrie soudain:
C'est toi que j'aime! Et si tu veux
Tu me cueille, tu m'effeuille, tu m’emmène
Jette moi même en pâture
A ces vases de porcelaine!
Mais je t'en prie, je t'en conjure,
Il faut à tout prix que tu m’emmène !
Ainsi parlait la jolie fleur, qui du bosquet
Avait la plus fine odeur, le plus doux musqué
Et chagrine elle semblait -c'est tout à fait censé-
De ses racines lui refusant d'avancer.
Je la recueillis donc entre mes doigts
Et me remis en route d'un pas d'oie.
Mais c'est au milieu de la traversée
Que la jolie chose eu cette pensée :
"Ou m’emmène-tu, mon bon promeneur,
Dans un jardin de vertu, aux milles senteurs?
J'aimerai mieux, si tu t'en sens le cœur
Que tu me place sur ta table de chevet,
Je serai face à toi ainsi, à ton lever
Chaque matin, et le soir , si tu es fâché,
Je te dirai des mots doux avant de te coucher"
-"Ma douceur florale" lui répondis-je
"Je t’emmène voir ma femme, c'est un vrai prodige!
D'une candeur fatale, le genre qui vous oblige
A vous planter sur place comme une tige...
Et si c'était une fleur
-Dieu merci, il n'a pas fait cette erreur-
Ses effluves auraient surement remplies
Bien des fleuves de diverses pluies,
Plus d'un ciel qui se meurt d'une étoile qui luit!
Ses pétales seraient doux, son pollen serait sucré,
Et je noierai ma peine dans son nectar sacré.
Puis je t'assure que chez elle,
Ta verdure n'en sera que plus belle."
Mais c'est alors, que ma verte compagne
Devint tout à coup rouge comme une pivoine.
-"Ce n'aurait pas du être pour m'offrir,
A la dernière qui su attendrir
Ce cœur déjà mou, qui chavire
Que tu aurais du me cueillir!
Et je suis très déçu de savoir,
Qu'Ã mon insu, tu compte te faire valoir..."
Mais alors qu'elle prononçait ces mots
Nous arrivions déjà dans le hameau
Qui à l'époque abritait la maison
De celle pour qui j'avais perdu la raison.
J'entends son petit pas sous le porche
Et mon cœur se serre à mesure qu'il s'approche,
Il s'écorche de mille mots doux, mille reproches,
Mon ciel vacille à la lueur de cette torche... Mais la porte s'entrouvre... Sur une vision qui découvre...
Comme un petit air louche et méprisant
Quand elle ouvre la bouche en disant:
"Mais qu'est-ce que vous m'apportez donc là ??
Qu'est-ce que cette chose sans éclat?
Sans couleur ni parfum, sans charme?
Est-ce là tout ce que vous évoque ma belle âme??
Mais sans aucune équivoque, cette fleur se fane
Et c'est pour ça qu'on se pavane, comme un coq?
Mais mon ami vous n'êtes qu'un âne! Une loque !
Partez... Je vous en supplie... Et sans me faire de drame...
Et qu'on se le dise, si vous revenez
Je vous claquerai d'avance la porte au nez !"
FNI
