L'enfant gigotant est né,
Fruit du rêve des parents emerveillés.
L'enfant aux grands yeux est né,
Porteur de milliers de rêves,
Aussi nombreux que des écailles sur les ailes de papillons.
L'enfant évolue tel un papillon qui vole d'une fleur à autre
L'adolescent succède la place à l'âge adulte.
Des rêves se retrouvent coincés derrière les carreaux.
Comme des bourdons coincés derrière la fenêtre,
Cognent et ricochent dans l'espoir d'atteindre le jardin.
Tombent l'une après l'autre sur le carrelage froid,
Bourdons épuisés, rêves qui s'éteignent sans soupir.
Le voici adulte, il ne porte plus que quelques dizaines de rêves.
Etre mi blasé, fatigué, mi joyeux et optimiste.
Comme un saule à qui l'on a tant taillé.
Le saule emet sans cesse de nouvelles pousses d'un beau vert tendre,
Parmi une de ses pousses, ses rêves, un rêve bleu.
Vient la rencontre, l'amour, avec une jolie demoiselle.
Sa compagne lui offre un rêve à elle, un rêve tout de rose.
Ces deux rêves fusionnent,
Et de la fusion, jaillit une nouvelle créature nimbée de violet.
Un bébé rempli à ras bords de rêves nouveaux.
Le père est comblé de voir la relève des rêves.
Puis vient une série de tristesses entrecoupés de joie et de paix :
Maladie, decès, chomage, et plein d'autres.
Emportant deux tiers de ce qui reste de ses rêves.
Devenu vieillard et veuf,
Il chemine clopin clopan avec le peu de rêve.
Passe le temps, coule l'eau sous le pont.
Sous l'eau, des rêves noyés.
Dessus l'onde, des rêves déchirés.
Le bonhomme continue malgré tout à tisser de nouveaux rêves.
Humain qui ne savait pas quoi faire,
Devenant au fil de la vie bricoleur patient et persévérant,
Créant de ses mains du coeur, de nouveaux rêves.
Assemblages de rêves dechiquettés par le destin.
Le cerf volant est fait de rêves de toutes couleurs.
Le vieillard meurt.
Il n'a plus rien qu'un seule et unique rêve.
Ce rêve là s'appelle...
S'appelle...
Nous ne le saurons pas.
Il est mort.
Son âme chevauche le Rêve,
Le plus puissant de tous, le plus secret de tous.
Rêve au coeur de milliers de rêves semblable à l'artichaut,
Que la Vie a effeuillé pour atteindre le coeur.
Coeur moelleux, merveilleux.
Reve unique, indestructible, inébranlable.
Son fils pleure sur le corps du père éteint.
Il ne sait pas que le Père n'est pas mort,
Le Rêve Unique portant son père scintille dans le ciel.