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Coco le joueur de chistéra
Très jeune, comme beaucoup d'enfants de son âge, mon grand-père jouait à la «chistéra», sorte de panier d'osier tressé qui servait autrefois à la cueillette du raisin, sur lequel on avait ajouté en prolongement un gant de cuir. Le jeu consistait à lancer contre un mur une pelote dure comme une pierre. Mon grand-père, que l'on surnommait "Coco", était ouvrier charpentier. Pour arrondir ses fins de mois, il jouait dans les hameaux environnants.
Chaque village possédait son fronton ; bien souvent, après la grande messe du dimanche, les amateurs de petit gant, grand gant où tout autre jeu de paume venaient des quatre coins de la province pour disputer des matches amicaux.
A la sortie de l'office, enfants, dames endimanchées, messieurs, bérets "vissés" sur le crâne s'installaient autour du fronton sur des gradins de pierre. Près du mur se tenait "le chanteur". Chaque point gagné par l'une ou l'autre des équipes faisaient l'objet d'une sorte d'incantation.
Les tenues, qui sont encore à l'honneur aujourd'hui, se composaient d'un pantalon, d'une chemise de toile blanche, d'une ceinture de fin lainage qui mesurait bien 1 à 3 mètres de long. Ils tournaient sur eux-mêmes comme une toupie afin que cette bande de drap soit le mieux ajustée possible. Cet ornement qu'ils ôtaient avant la partie et remettaient dès la fin de celle-ci a disparu de nos jours. Pour compléter la tenue, la fameuse espadrille, sandale faite de toile et de corde, entourée d'un ruban de couleur que l'on croisait sur la cheville en remontant jusqu'aux genoux telle une spartiate romaine.
Ces sandales s’usaient très vite. La semelle s'effilochait avec une telle rapidité que mon grand- père avait trouvé une astuce: par souci d’économie, il suspendait ses "chaussures" autour de son cou durant le trajet, marchait pieds-nus pour éviter l'usure fatale faisant ainsi plusieurs kilomètres. C'était ce qu'il nommait: "l'échauffement naturel du sportif".
Atatxi, (grand-père en basque), fut le partenaire d'un joueur de renommée internationale "Chiquito de Cambo", qui fit la gloire de ce petit village charmant du Pays Basque. Grand- père, lui, ne fut jamais célèbre, excepté dans ses vieilles années où il devint l'incontournable amuseur des touristes qui venaient le regarder pêcher. Installé sur un muret, face au port de Saint Jean de Luz, tournant le dos à la maison de l'Infante, on entendait souvent les "Parigots" lui crier :
- « Bonjour Coco! Comment ça va Coco ? La pêche est bonne ?
Et lui, le béret, rejeté en arrière d'où s'échappait des mèches blanches, sa bouille ronde de bon vivant riait en s'écriant: « ça mord, ça mord ... »
Coco se prénommait Gabriel.
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Quand le poème a des beautés, quelques taches ne me choquent pas