Tu me reprends ton amitié :
Je n'ai donc plus rien dans le monde,
Rien que ma tristesse profonde,
N'en souffris-tu que la moitié,
Toi, dans ta mobile amitié,
Va ! Je plaindrai ta vie amère,
Que Dieu, pour l'amour de sa mère
Ou pour moi, te prenne en pitié !
On ne commande pas l'amour !
Il n'obéit pas, il se donne ;
Voilà pourquoi je te pardonne :
Mais tu m'as tant aimée un jour
Que j'en demeurai tout amour.
Pour une autre as-tu fait de même ?
Aime donc longtemps, si l'on t'aime :
C'est mortel quand ce n'est qu'un jour.
Et ma part de bonheur promis,
Comme aux plus humbles de la terre,
Bonheur qu'avec un saint mystère
Entre tes mains j'avais remis,
Dans l'abandon d'un coeur soumis ;
Si j'en résigne le partage,
C'est pour t'en laisser davantage :
Rien pour moi, Rien !
Je l'ai promis...
Marceline DESBORDES-VALMORE (Elégies)
----------------
Ecrire, c'est arrêter des parcelles d'instants pour les donner.
Ecrire, c'est déjà un peu arrêter le temps.
Evelyne