"Une vie pour une vie", ces paroles tournent dans sa tête.
Son arrière grand-mère décède, juste avant une naissance... Un cercle qu'elle ne connait que trop bien,
puisqu'il a commencé l'année de sa naissance, avec le décès de sa petite cousine de deux ans à peine.
Le cercle a continué, depuis cette année... 1999, 2000, 2003, 2007 et maintenant 2009. A toutes ces
années correspondent un enterrement, puis une naissance. Comme si cette famille ne pouvait connaître
la joie de la venue d'un bébé sans avoir la douleur de perdre un être cher.
Un cercle vicieux qui l'empêche de se réjouir d'une naissance prochaine. Superstition ou mauvaise
coïncidence, pourrait-on dire. Mais des "coïncidences", cela n'arrive qu'une fois ou deux par vie,
pas à chaque décès.
Elle aurait aimé que son arrière grand-mère fasse cesser ce cercle pernicieux. Malheureusement,
sa grand-mère lui a téléphoné ce matin pour l'avertir. Elle est partie deux mois avant l'arrivée
de son deuxième arrière-arrière petit-fils.
Kitie se demande si elle est la seule à s'être rendue compte de ce phénomène morbide, ou si les
membres de sa famille évitent simplement d'en parler, comme si le fait d'évoquer ces faits "étranges"
pouvaient aviver une quelconque malédiction, ou invoquer le démon à l'origine de ce cercle.
C'est encore une part de son enfance qui s'en va. Bien sûr, la mamie n'était pas la plus gentille ou
la plus agréable, il n'était pas rare qu'on la compare à "Tatie Danielle", jamais contente et souvent
bougonne... Mais aujourd'hui, Kit se rappelle surtout les bons moments, les vacances
au moulin, les déjeuners dans le jardin et les siestes avec mamie Yvonne.
Elle a l'impression d'avoir déjà tant pleuré que ses yeux sont secs. Pourtant, pourtant... Dès la nouvelle
apprise, les larmes se sont accumulées, ont coulé, bien entendu...
Elle aimerait même devenir transparente, passer totalement inaperçue.
La transparence... Pouvoir marcher dans la rue sans se faire accoster. Ne plus avoir de questions, passer dans
la vie des gens sans qu'ils ne s'en aperçoivent, et sans qu'ILS ne l'aperçoivent. Être tel un courant d'air
et ne pas marquer les esprits.
C'est tout ce qu'elle voudrait, Kit. Être un courant d'air et ne plus avoir mal.
Elle n'est pas asociale, elle a juste trop souvent pleuré ses proches. Sa cousine, ses grands-parents,
son compagnon, aussi...
En un peu plus de 22ans d'existence, ça fait beaucoup...
Et aujourd'hui, mamie Yvonne...
Lui rendre un dernier hommage...
Ne pas pleurer tout de suite, se souvenir d'abord d'elle comme d'une femme entière, une femme dont
la vie a été remplie, pleine de joies et de quelques peines.
Alors pour ne pas pleurer, pas tout de suite tout au moins, se rappeler ses côtés horripilants, sa manière
éhontée de tricher aux cartes, de lui cacher son doudou, de lui apprendre des choses pas gégé, telles que
la broderie ou le tricot, de la poursuivre avec sa canne lorsqu'elle
la faisait trop enrager.
Se la rappeler riante et embêtante pour "digérer" son départ... Et pour Kit, rester transparente face à la
douleur et aux autres...
S'effacer des souvenirs des gens qu'elle rencontre comme s'effacent les souvenirs des disparus...
Que Kit, elle, n'oublie pas, mais qu'elle se doit de mettre de côté pour avancer. Elle garde une petite
nostalgie à certaines dates, des jours où portable et internet ne sont
pas allumés. Ces jours-là , Kit se rappelle, se souvient. A mal aussi parfois. Essuie une larme discrètement,
en passant à travers les souvenirs des gens. Elle passe et voudrait
ne pas s'imprimer dans la mémoire des passants. Elle pense et ces mots tournent dans sa tête... "Une vie pour une vie"...
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A la mémoire d'Yvonne, mon arrière grand-mère décédée ce matin, et tous mes disparus... Forever yours...
Katel
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tatsy
"D'une joie même, le souvenir a son amertume, et le rappel d'un plaisir n'est jamais sans douleur" Oscar Wilde
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