Apatride des vies blessées jetées en rade
Je parcours dénudée déserts et mascarades
Mes autans essoufflés autour de moi s’affolent
Sur toile inachevée j’erre en vain sans boussole
Où est cette lumière promise par les dieux
Il semble que Saint-Pierre édicte couvre feu
Le pont-levis levé me proclame étrangère
Jamais l’on ne m’accorde le gîte et le couvert
Me voilà misérable à battre les campagnes
A vivre de rapine pour échapper au bagne
Demoiselle d’un jour de vils chevaliers noirs
Du donjon interdit j’ai plongé vers espoirs
La lettre écarlate ornant bure élimée
Je me dirige digne vers d’éternels bûchers
Dois-je fuir vers orients où vivent les sultans
Devenir courtisane pour oublier tourments
Ou bien m’enclore vierge en ultime couvent
Pour délivrer mon âme de ces égarements
Apatride des mots je parcours Babylone
Langues vives me portent au-delà de cyclones
Ce qui ne me tue pas ne me rend non plus forte
Il n’est de mal livide qui ne vous fasse cloporte
Je me vois libellule et me sens papillon
Peu m’importent les chaînes et semelles de plomb
Fille des libertés de mille républiques
Au ban des opprimés je hurle mes répliques
Ma Bastille prendrai en vrai feu d’artifice
Nul ne m’obligera à vivre sacrifice
Plutôt mourir debout que de vivre couchée
Du pont je sauterai si vous me condamnez.
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"Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue:
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler:
Je sentis tout mon corps et transir et brûler."
Racine, "Phèdre"...