Les eaux mêlées, à KADER, mon ami.
Les eaux mêlées.
Je suis la petite comme l’eau
Camelote de mes joies vives
Je coule de source au gré des mots
Torrent vert pomme malhabile
Entendez-vous les clapotis
Tintant en cascades folles
De pierres en gué je vais ma vie
Eclaboussante je caracole
En alpages humant les edelweiss
Je vais vers plaines sages
Me jeter pure innocence
En rivière alanguie et lente
Je me sens comme Ophélie
Méandres vases calmes sombres
On sentirait presque l’oubli
On s’y attache en vagabonde
Au gré des joncs et des marais
Une île aux mille hérons abonde
Je suis bercée au Mascaret
Mais tiens l’océan gronde
Et me voilà fille des vents
Plongée en sels grisants
L’air est plus vif
Je suis esquif
Au delta des dangers
Je fonds en eau profonde
Gorgée de vies marines
Salée brassée océane
Je m’éternise rimbaldienne
Alliée au soleil et obsidienne
Quand soudain happée d’éther
Je m’élève dans mes grands airs
Cantatrice de doux nimbus
Aquarelle des ombrelles
Et je retombe évaporée
En fines perles irisées
Toute apaisée et ciselée
Ma vie devient comme dentelle
Des eaux mêlées courant maudit
J’ai fait opales ombelles
Les noires gangues enfin taries
Me laissent colombelle.
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"Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue:
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler:
Je sentis tout mon corps et transir et brûler."
Racine, "Phèdre"...