Mon dieu aidez-moi à oublier l’amour
Enfermez-moi dans un cercueil plombé
Brisez ces ailes d’ange inachevé
Et ôtez de moi toute envie de toujours
Déflorons enfin toutes ces marguerites
Piétinons en un mot cette fade guimauve
Transformez-moi en bête en monstre en fauve
Ou au contraire en pâle servante apathique
Oui mon Dieu j’ai grand besoin de votre aide
Cet amour insolent je m'en veux l'abjurer
Et mes pensées maudites à jamais conjurer
Chassez-moi de ce paradis déjà perdu
J’en chute à chaque instant au gré de mes ornières
Que je sois louve agnelle si blanche carnassière
Eve éternelle je veux vraiment me faire nonne
En quelque lamaserie ou dojo de l’Asie
Ces airains qui raisonnent
En Cantique des Cantiques
Ces serments en montagne bien trop inaccessible
Je n’en veux plus je n’y crois plus
Ils ne sont pas pour moi
Je m’en vais revêtir bure de glace antarctique
A jamais oublier mes amours pathétiques
Ces cœurs qui battent à vide
Ces unissons défaits
Ces moissons de malheurs
Et ces granges de larmes
Et puis les erratum
Les rendez-vous manqués
Et celui qui vient trop tard
Ou celui qui n’est plus
Les gays les maris les amants
Ceux qui n’ont pas le temps
Et ceux qui mentent aussi
Pour garder leurs enfants
Je veux y renoncer
Devenir la captive
D’un monde aseptisé de dur renoncement
Ne rien ressentir solitude votive
Juste reposer en glaçant propre sang
Bannir les émotions vivre en indifférence
Oublier séduction elle ne serait qu’offense
Pitié mon Dieu arrachez de mon cœur
Jusqu’au moindre tourment
Qu’il arrête de battre
En la femme d’albâtre
Que je ne sente rien
Et surtout pas la faim
De ces yeux si profonds que j’aime à m’y noyer
De ces mains de tendresse sans arrêt prodiguée
De ce souffle de vie deviné en secret
De cet homme qui m’est cher autant que mes enfants
Eteignez les lumières
Aidez-moi à partir
Guidez moi vers silences
Faites en moi une absence
Dites moi que jamais il ne me touchera
Mon Dieu mon Dieu mon Dieu
Je plaisante vous l’avez bien compris
Accordez-moi avant cet éternel repos
Petite cantate en fa mi do
Laissez le moi encore un peu
Mon amoureux
Une dernière valse
Même si je ne sais pas danser
Un seul baiser
Même si c’est le dernier
Je partirai ensuite sur la pointe des pieds
Me ferai funambule et m’effacerai
Garderai la mémoire de cette arche perdue
Où un trésor brilla envers toutes nuits noires
Mon Dieu pardonnez-moi donnez moi une chance
Allez dites oui faites qu’il m’aime un peu…
Après c’est promis : je me retire du jeu.
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"Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue:
Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue.
Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler:
Je sentis tout mon corps et transir et brûler."
Racine, "Phèdre"...
