LA CLEF D’AILLEURS
Cette nouvelle est purement fictive. Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé serait fortuite.
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JOGGING
Les derniers jours d’avril, un samedi matin. Autour du lac de Carbonne plein à ras de Garonne, quelques relents de brume. Il est neuf heures, l’air à peine vif. Le soleil promet une belle journée. Ces lieux sont bucoliques, triomphe du printemps. Un sentier suit la rive, invite à la promenade et à la randonnée…
Mais, vu l’heure, c’est le domaine des joggeurs, des amateurs de marche, des coureurs de fond et autres friands de marathon. Ils vont en solitaire ou par petits groupes, équipés de la parfaite panoplie, comme il se doit : Chaussures retaillées, collants, shorts et tee-shirts flashies, casquettes à l’avenant. Des originaux optent pour le mouchoir noué aux quatre coins : ça fait plus vrai. Petits sac à dos avec de quoi se booster. Petites et longues foulées. Les dilettantes et les accros, décomposés par l’effort, visant le podium de la prochaine ronde du Quercy et rêvant de Paris et New-York... Ces dames ne sont pas en reste ; qu’on-t-elles donc à courir comme ça ? Qu’on-t-elles à se faire pardonner ? Qu’elles prennent un amant ! D’ailleurs les deux ne sont pas incompatibles : une saine fatigue s’ensuit…
Tiens, en ce moment, en voilà un pas trop technicolor, un dilettante, accompagné d’un clébard, qui goutte l’air du temps. Je le connais bien puisque c’est moi, celui qui raconte.
Parlons-en du toutou, sept kilos tout mouillé ; je l’ai récupéré au refuge de Saint-Julien il y a deux ans. C’est un bâtard de ratier, façon Milou, au poil blanc filasse. Je me suis fait un nœud au cerveau : il s’appelle Médor. On fait une sacrée équipe tous les deux. C’est le compagnon parfait pour un célibattant pas pressé de se caser. Non pas que je vive cloîtré ou que je manque de copines. Non, pour la bagatelle, c’est comme ça se présente, avec agrément mutuel, sans signature de bail. Peut-être un jour une étincelle brillera ?
En attendant, c’est Médor qui partage le petit pavillon que j’occupe à Carbonne, et nous refaisons le monde tous les matins. Quand je suis de sortie, il est parfait gardien. Sinon, il a ses aises et navigue indoor-outdoor selon ses envies. Il y a une grande chatière au garage. D’aucuns ont un chat de gouttière, moi j’ai un chien de chatière… Les matous ne l’ont pas belle avec lui !
C’est oncle Bertrand qui m’a laissé cette maison. Brave Tonton. Être proprio à trente balais c’est quand même super. Je n’ai plus mon père et Maman a refait sa vie, près de Liège. J’exerce l’activité de comptable free-lance au profit d’une clientèle de petites entreprises et d’artisans de la région. Beaucoup de travail par le web, et interventions sur place. Pas de quoi rouler en Mercédès mais un revenu honnête qui me va tout à fait.
Ça fait presque deux heures que nous trottinons. Médor fait le plein d’effluves délicats laissés par le bétail et ses congénères¸ je me suis shooté à l’odeur des fleurs de colza. Nous regagnons tranquillos le parking de la base nautique. J’y retrouve des copains qui soufflent après leurs exploits. On taille le bout de gras. Médor en profite pour fuguer. Pas de panique, il revient toujours. J’ouvre le hayon de mon Scénic pour qu’il se protège du savon qui l’attend et je reviens vers l’assemblée des sportifs.
Tiens, un fourgon de gendarmerie se pointe, suivi d’un camion de dépannage. Ils procèdent à l’enlèvement d’un élégant quatre-quatre. Il parait qu’il est là depuis bientôt quinze jours. On s’enquiert auprès des fonctionnaires en uniforme - Ici tout le monde connaît tout le monde – Ils nous laissent entendre que le proprio est identifié : il aurait disparu, option suicide, et les recherches vont s’intensifier ; on aurait vu quelque chose d’inhabituel ? Ben non, pas qu’on sache….
Bon, il est temps de rentrer, une bonne douche s’impose. Comme prévu, Médor s’est coulé dans le coffre, déguisé en carpette… J’aboie pour la forme, et retour à la maison.
Une nouvelle Ă Ă©pisodes
A suivre si vous le voulez bien
Parceval