Autant en apportent les ans...
Le temps viendra bientôt de sasser le passé
Pour revoir ce pays d’où le sort m’a chassé.
Le soleil très ardent y dorait le raisin
Quand l’oranger fleuri s’en disait le voisin.
La caille et le perdreau s’envolaient librement
Sans traque pour jouir d’un nocif sacrement.
Je naquis en juin dans un petit village
Qui portait en son sein un très doux voisinage.
Mon grand père caviste occupait mes journées
A le suivre souvent sur ses chaudes tournées.
Le grand bouquet des vins lui donnait ce sourire
Que d’un penser naïf je ne savais décrire.
Sans jamais défaillir je buvais tous ses gestes,
Accroché par plaisir aux longs pans de ses vestes.
Et quand en vrai conteur il m’endormait le soir
Au doux son de sa voix je tordais mon mouchoir.
Je vécus fort heureux au sillon de ses pas,
Et riais avec lui le long de nos repas.
Un jour, le mauvais temps d’une guerre civile
Apporta tout le lot d’une tension si vile
Que seul un bon exode apaisa promptement :
Je portai la valise en fuyant le tourment.
Ce voyage forcé nous unit plus encor
Dans un nouveau séjour qui changea le décor.
Maintenant que le temps a ridé mon visage
Je repense aux instants de mon apprentissage.
Aujourd’hui, sans rancune et surtout sans rancœur
Je revis l’infortune et apaise mon cœur.
Cette période ancienne est mon sort de jeunesse ;
Elle est là , toute mienne, et m’émeut en finesse.
A mon tour, l’imitant, je reproduis l’histoire
Et conte en militant comment faire sa gloire.
Je donne pour avis d’œuvrer sans rouspéter
D’agir sans préavis ou faire répéter.
C’est là que je repère en l’austère assistance
Le respect du grand père expliquant sa constance.