Plume de satin Inscrit le: 22/3/2020 De: Envois: 21 |
Beau parleur Chers lecteurs,
Je me permets de ne pas vous présenter le texte immédiatement au profit d'un avertissement qui me paraît nécessaire. Ce texte, en effet, n'est pas tout public, mais il me semble cependant intéressant à partager.
Il s'agit d'une interprétation personnelle du mythe de Don Juan, ce qui implique des références à un mode de vie misogyne et amoral.
Je précise enfin que le narrateur est un personnage fictif qui ne partage aucunement mes idées et encore moins ma vie.
Sur ce, si vous êtes néanmoins intéressé par le texte, je vous souhaite une bonne lecture.
Le puceau erre honteux, rêvant de coïter. Jusqu’au cou enlisé dans sa médiocrité, L’envie et la laideur suintent de son œil vide Et le moindre jupon le rend figé, livide, Mollusque répugnant se demandant pourquoi Il ne peut onc goûter à ce morceau de roi.
Il ne sait que sombrer, seul dans sa cache obscure, Dans le seul contrepoids que sa main lui procure, Cet ébat d’incapable ou plaisir de mauvais, Jusqu’à voir tout à coup qu’insipide navet, Il ne sera jamais qu’un étron lamentable, Un vil sous-être dont la vue est exécrable.
Le cocu vagabonde entre pleurs et alcools. Lui qui n’a su tenir sa poupée par le col, Il s’en va, chancelant, tout à fait pitoyable, Tas informe et croulant de matières friables Qui ne garde pas un débris de dignité Et se ment en niant sa culpabilité.
Son ultime recours est la fesse vénale De quelque pauvre fille offrant des bacchanales Au moindre bon à rien qui peut sortir un sou, Peu importe s’il est du dernier des dessous Car, pour les éhontés êtres de cette engeance, L’argent sait amoindrir les pires répugnances.
Moi je ne suis pas de ces bougres d’impotents, Moi, la femme, à mes pieds, en implorant, s’étend.
Moi je marche, superbe, en gonflant bien le buste, Aiguisant le regard, et d’un visage auguste, Je recherche mes proies, subtil et vigilant, Dans ce monde manquant d’authentiques galants.
Je croque la pucelle, Agathe, Blanche ou Laure, La fleur parfumée qui vient à peine d’éclore Et qui porte en son sein le goût tendre et vermeil De l’ingénue n’ayant vu que chaste sommeil. Je la pousse en une heure aux confins de son être Qu’elle n’aurait jamais pensé pouvoir connaître, Cette pure jouissance effaçant la vertu Que les contes de fées lui avaient toujours tu.
J’engouffre la servante et ses rêves de faste, La sotte prête à tout pour sortir de sa caste Et seoir à la tablée des puissants qu’elle sert Depuis qu’elle naquit de quelque rustre serf. Je lui fais miroiter la gloire et la richesse Sans même dépenser un denier en largesse, Il suffit de l’étendre en un lit de haut rang Et lui dire que nue, on la croirait des grands.
Je savoure la noble épouse d’un vicomte, Mieux, d’un comte ou d’un duc, et je garde les comptes Des dames au sang bleu dont, par un soir ardent, J’investis le divan, batailleur et dardant. Même les femmes de quelques grands de la guerre Ne connurent jamais une bataille guère Plus savamment menée que ce soir de transport, Où la jouissance aiguë triompha de leur corps.
Je mâche quelquefois une mal mariée Qui croise mon chemin, pauvre contrariée Par la mélancolie d’une vie sans passion Auprès d’un vieux bourgeois aux mille occupations. En ces jours de pitié, mon âme charitable Lui offre une heure ou deux où ma main secourable Dérouille avec talent les hanches et les seins Que, depuis des années, aucun bras n’avait ceints.
Je fais une bouchée de toute Pénélope Qui désavoue en vain ses désirs interlopes, La prétendument pure épouse de marin Qui croit pouvoir brider l’appétit utérin. Il suffit chaque fois de quelques mots habiles Pour dissoudre aussitôt les défenses futiles Et la voir nez à terre et la fureur au pouls, La croupe en oblation et les pieds sur l’époux.
Je grignote parfois quelque fille facile, Quelque frivole belle insouciante et docile Qui traîne dans les bals en cherchant un amant Avec qui se coucher plus tard, nonchalamment. Quoique ces proies-là ne soient guère gratifiantes, Il n’est déplaisant de transcender leurs attentes Et de les dérober aux sots bons qu’à rêver Afin de leur montrer combien ils sont mauvais.
Je mélange les goûts lorsque m’en vient l’envie, Lors je fais à la fois trois ou quatre ravies, Ou parfois davantage au gré de mon loisir, Mais il n’est jamais bon d’abuser des plaisirs. Et quel fin plaisir que ces femmes exaltées, Chacune voulant être en cette voie lactée L’astre le plus parfait, le plus chatoyant corps, En un mot : la meilleure, et davantage encor.
Nul n’a su résister à la sublime emprise Pas la moindre Vénus que mes mots n’hypnotisent.
Puis je pars sans retour, sans même un bref adieu ; Je laisse s’écouler les larmes de leurs yeux ; Je disparais bientôt, éclatant comme un ange, Les laissant seules face au constat si étrange Que s’achevait ici le plus cher de leurs jours, Celui où, cherchant ce qu’elles nomment amour, Cet espoir d’une vie d’auguste servitude, Elles trouvèrent la plus grande plénitude, Et qu’elles ne pourront jamais la ressaisir ; Elles trouvèrent Moi, leur plus ivre plaisir.
|