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     Les talons aiguille Berny
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Expéditeur Conversation
Berny
Envoyé le :  18/3/2020 15:57
Plume d'argent
Inscrit le: 11/8/2019
De:
Envois: 347
Les talons aiguille Berny
Les talons aiguille

Il vivait seul sous la pente d'un toit, où la seule eau courante était celle des pluies qui, par ces nuits d'orage faisant trembler les tuiles, s'en venaient s'étaler sur sa couche de paille.
Je veux parler d'Armand, dont la barbe hirsute était comme un rempart pour ce monde effrayant dans lequel il vivait depuis bientôt trente ans. Chaque jour descendant par l'escalier de service, il allait prendre place sur un bout de trottoir et regardait entrer dans la boulangerie les clients du matin qui allaient ressortir en tenant à la main, qui un croissant au beurre, qui baguette de pain.
Un simple gobelet en plastique avait la vocation de recueillir l'obole qu'une main généreuse allait laissé tomber, souvent de bien trop haut dans la peur de toucher. Au simple bruit de la pièce tombant au fond du gobelet, il avait appris à en reconnaître la valeur. Souvent la boulangère, toute de pitié éprise, envoyait la serveuse lui porter un bon sandwich jambon-beurre qui lui tiendrait lieu de déjeuner. A la fin de la journée, il avait bien de quoi se payer à trop boire et à manger, et s'en retournait dormir dans son grenier pour un sommeil bien lourd que les souris, dans leurs folles galopades, ne savaient troubler.
Il ne faudrait pas croire qu'Armand ne faisait rien de ses journées ; derrière ses sourcils broussailleux, il observait. Ce qu'il voyait était difficile à imaginer pour quelqu'un qui ne s'est jamais assis sur un trottoir.
Pensez déjà à la variété des chaussures, dont les talons et le bruit sur les pavés s'avéraient une indication du sexe imparable. Si les chaussures masculines, malgré leur variété, de ville ou de sport, n'étaient pas passionnantes à détailler, les talons des femmes faisaient son étonnement, voire son admiration. Cette mode réapparue des talons aiguilles lui faisait craindre une chute inévitable avec moult foulure ou cassure à la clef. Mais non, elles poursuivaient toujours leur bonhomme de chemin ralenti ou interrompu par les objets exposés en vitrine des magasins.
Un mollet, fin mais ferme attirait toujours son attention et faisait remonter inévitablement le regard sous la jupe vers cette région féminine si bonne à explorer. Parfois il manquait, sans charité, éclater de rire à la vue des énormes fesses à la déambulation pachydermique, parfois elles étaient si menues qu'il avait envie de les enfouir dans ses grosses paluches et les serrer bien fort pour ne pas les laisser s'enfuir. Mais il se gardait bien de regarder plus haut, il eut fallu relever la tête et affronter un regard méprisant.
Parmi les passants qui ne donnaient jamais, il y avait ceux qui ralentissaient à sa vue, faisaient mine de ne pas trouver de pièce dans leur poches et s'éloignaient rapidement, comme s'ils craignaient qu'il leur courre après. Ceux qui pour ne pas le voir, changeaient de trottoir. Il y avait ceux qui donnaient tous les jours, mais oui, mais une toute petite pièce, comme si ce cadeau suffisait pour la journée ; ceux qui donnaient les jours de fête, de grand froid ; ceux qui ne disaient rien, ceux qui disaient bonjour, ou bonne journée. Rares étaient ceux qui attendaient une réponse, encore plus rares ceux qui engageaient la conversation.
Deux petites bottines rouges aux talons aiguille s'étaient arrêtées et pointaient sous ses yeux.
Bonjour, c'est toi Armand ?

Sa voix était douce, oui depuis longtemps il n'avait entendu de voix aussi douce, douce comme une caresse du doigt de la mère sur la joue du nouveau né, comme la brise légère qui fait sur l'eau risée.
Armand n'en croyait pas ses yeux : dans le miroir des bottines magiques se reflétait son visage parfaitement rasé, rajeuni de dix ans.
Euh, oui, Armand. Mais comment le savez-vous ? Et vous c'est qui ?

Elle avait éclaté de rire :

Tu m'as donc oubliée ? Sylvie, Sylvie.
Sylvie, non, je ne me souviens pas.
Allons, lève-toi, je t'emmène.

Et il l'a suivit, comme il y a dix ans il avait suivi dans la rue une jeune fille aux bottines rouges et aux talons aiguille. Elle avait le mollet mince et ferme et sa jupe flottait au vent léger de ce printemps où tout pouvait arriver à ceux qui avaient l'âge et l'envie de s'aimer. Dans sa chambre monté, il avait enlevé ses bottines et lentement caressé ses petits pieds menus qui frémissaient de plaisir. Emportés par les sens qu'ils ne surent contrôler leurs deux corps dénudés dans une folle étreinte s'étaient pénétrés. Mais un mois plus tard, Sylvie avait dû avorter. Ils s'étaient séparés, et Armand avait lentement dérivé.
Armand se réveilla et se frotta la barbe.Au loin disparaissaient deux bottines rouges. Ah, ces foutus rêves, se dit-il. Deux pièces dorées, mon Dieu, quelle merveille !
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