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     UN MOULIN TOUT EN OR
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Expéditeur Conversation
Chibani
Envoyé le :  8/11/2019 15:39
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12086
UN MOULIN TOUT EN OR


Un moulin tout en or

Au début il était pareil à son image
Quatre ailes qui tournaient actionnées par les vents
Une roue de granit qui roulait sur la plage
Et un meunier joyeux qui sifflait tout le temps.

C’est qu’il lui en fallait un sacré caractère
Car de grains à moudre, jamais il n’avait eu
Il était dans ce lieu comme un célibataire
A contempler le temps en restant sur son cul.

Personne n’avait su pourquoi il était vide
Et pourquoi il était toujours en mouvement
Comme l’est en bocal le rouge petit ide
Espérant au-dessus l’apport d’un aliment.

Ce fut dans un grimoire écrit par un poète
Que j’ai pu découvrir ce tout petit récit
Il m’est venu alors de lui faire la fête
En prônant son histoire, mais pas en poésie.

****

Un soir, après avoir un peu trop arrosé la Saint-Jean et la naissance de l’été, les membres du conseil municipal d’un village avaient décidé, au cours d’un débat d’ériger un monument à la gloire de l’éphémère.
Pourquoi l’éphémère ? Même les conseillers n’en savaient rien et aucun n’avait osé poser la question pour ne pas passer pour ignare. Certains d’ailleurs avaient compris ‘l’effet maire’ et comme personne n’était capable de lui succéder à la tête de la mairie, puisqu’il était le plus intelligent d’entre eux, tous avaient voté la décision comme un seul homme. La forme du monument importait peu, l’emplacement par contre avait fait débat et ce fut en définitive au centre d’un futur carrefour giratoire qu’il fut décidé que cette œuvre y serait implantée. Le meilleur endroit pour qu’on puisse la voir puisqu’une seule route desservait la commune, voie sans issue car elle était en même temps l’entrée et la sortie du village. Pourtant aucun ne s’était inquiété de la pertinence de ce futur rond-point.

L’artiste qui fut pressenti pour sa réalisation n’avait qu’une renommée régionale parce que la commune n’avait pas assez de ressources pour s’offrir les services d’un sculpteur de haut vol, pas plus d’ailleurs qu’elle n’en avait pour supporter les frais d’une telle entreprise. Il fallait limiter au minimum les frais inhérents à l’érection de cette statue.
Le marbre et le granit furent d’office éliminés tout comme le grès jugé trop friable dans le temps, ce fut donc vers un composite de ciment blanc qu’on définit enfin la matière de base.
Mais du sable blanc, où le trouver ?
A moins de le faire venir de l’étranger, il n’y en avait pas en France et la dépense risquait d’être salée. Comment la commune allait-elle se sortir de cette impasse. Ce fut là que le croquemort, qui était aussi le fossoyeur de la commune, eut une idée de génie.

- M’sieur l’maire, pardon de prendre la parole, mais quand je creuse mes fosses au cimetière, j’ trouve plein de gravillons blancs dans le sol. P’tet ben qu’il y en a aussi dans le lit de la rivière qui coule en bas !
- Pour sûr qu’il y en a, surenchérit le bouif du village… mon gamin ramène plein de cailloux tous ronds pour son lance-pierres et même qu’ils sont particulièrement blancs.
- J‘entends bien ce que vous dites, reprit le maire, mais ça ne nous donne pas pour autant notre sable.
- Ben que si… Y a qu’à demander au meunier de les écraser sous sa meule, vu qu’il n’a rien à moudre, ça peut l’intéresser et avec lui on est sûrs d’avoir du sable aussi fin que de la farine.
- Reste à savoir s’il sera d’accord !

Dès le lendemain, une délégation communale, à laquelle s’était joint le curé de la paroisse, se mit en route pour monter au moulin. Qu’il était beau ce moulin perché sur sa colline. A peine salies par le temps, les pierres de son édifice paraissaient comme neuves et ses ailes revêtues d’une toile grenat rappelaient de loin le vol d’un gracieux papillon.
Comme à son habitude, le meunier était assis sur son banc de pierre attenant à l’édifice, juste à coté de la porte d’entrée, et il regardait les nuages défiler dans le ciel. Quand il aperçut au loin la petite troupe montant péniblement le chemin qui menait jusqu’à lui, il en fut tellement surpris qu’il en cessa de siffloter,

- Bien le bonjour, meunier, lui dit le maire après s’être épongé le front de la sueur due à l’effort de la marche, nous sommes montés jusqu’à vous pour vous demander si vous voudriez bien nous assurer un petit travail.
- Tout dépend de ce que vous voulez que je fasse, lui répondit-il étonné par cette introduction directe. Je n’ai qu’un moulin et je suppose que vous voulez
me confier du grain à moudre. De quels grains s’agit-il ? Du blé, de l’orge, du seigle ou du maïs ?
- Rien de tout cela mon brave, pas plus que d’olives ou de noix. Mais permettez que je me pose à votre coté pour vous exposer notre problème.

S’étant assis, le maire évoqua alors le projet qu’il avait en tête au grand étonnement de notre meunier.
- Moudre des gravillons, voilà qui me surprend beaucoup. Je ne sais si mon moulin pourra le supporter et… jusqu’à quelle épaisseur voulez-vous que je les réduise ?
- Nous avions pensé, enfin si vous le pouvez, à ce que cela en soit semblable à de la farine ou tout au plus l’équivalent d’un ciment.
- Je veux bien faire un essai, livrez-moi un tombereau de ces petits galets et je vous dirai alors si cela est dans les possibilités de mon moulin.
L’affaire étant conclue, après que le curé eut voulu bénir la roue qui allait réduire cette caillasse, il ne serait pas dit qu’il était monté pour rien, toute la petite troupe était redescendue vers le village.

Dès le lendemain matin, un premier tombereau de graviers était déversé à la porte du moulin. Il faut battre le fer pendant qu’il est chaud, s’était dit le maire et de l’entreprendre tout de suite évitait ainsi à notre meunier de revenir sur son accord.
Voilà qui fait bien mon affaire, se dit le malin meunier qui lui avait une autre idée en tête, j’avais justement besoin de gravillons pour mon allée mais pour qu’il ne soit pas dit que j’en ai profité, je vais quand même en mettre quelques-uns sous ma roue à tout hasard. Va sans dire qu’il ne croyait nullement à ce que son installation réponde à la demande du maire.
Deux brouettées firent l’affaire, point trop n’en fallait quand même, et après les avoir étalées sur la plage, il mit son moulin en action. Tout de suite, le bruit effroyable de pierres concassées lui fut insupportable et il s’enfuit à l’extérieur en refermant la porte pour en atténuer la nuisance.
Une petite heure s’était écoulée avant que le bruit ne cesse et ce ne fut qu’à ce moment là que notre meunier se décida à revenir chez lui. Par précaution, car la roue tournait toujours et pouvait projeter des particules de pierre, il entrouvrit petitement la porte permettant au rayon de soleil qui suivait ses pas de le précéder à l’intérieur. Un éblouissement inattendu lui fit plisser les yeux et même l’obligea à faire deux pas en arrière.

Interloqué, notre meunier se posait des questions. Ce ne pouvait être le résultat d’un court-circuit car l’ampoule du plafonnier éclairait toujours le
local et d’autre part, comme pour une lanterne de phare, cet éclat ne fusait qu’au passage de la roue dans le rayon du soleil.

En mettant sa main en visière devant ses yeux, il alla stopper le mécanisme et ce ne fut que lorsqu’il fut entièrement arrêté qu’il put constater que sa roue
de granit était recouverte d’une pellicule dorée alors que sur la plage reposait maintenant une couche blanchâtre aussi fine que peut l’être la plus fine farine.
N’osant le faire tant l’absurde du moment l’interloquait, il alla quand même caresser d’un doigt la roue maintenant inerte et remarqua qu’elle était revêtue d’une fine pellicule dorée qui… à la réflexion… pouvait bien être de l’or ou peut-être aussi du mica.

De la pointe de l’opinel qu’il venait d’ouvrir, couteau qu’il avait toujours sur lui, il entreprit d’en gratter la surface jusqu’à ce qu’une petite boulette, grosse comme une tête d’épingle, fut dans le creux de sa main. A quel matériau avait-il donc affaire et par quel miracle cela s’était-il déposé sur la roue ?
Il savait que les chercheurs d’or utilisaient du mercure dans leurs prospections. Comme il était malgré son inactivité flagrante un homme d’action, d’ici à aller briser son vieux thermomètre il n’y eut qu’un pas qui fut vite franchi. L’amalgame dans un bol eut pour effet de nettoyer la tête d’épingle qui se mit à briller comme neige au soleil.
Il en resta stupéfait. Sa roue, pendant le broyage, s’était enduite d’or car c’était bien de l’or pur qu’il avait sans sa main ! Comme un fou, il se mit à danser sur place, chantant à tue-tête :

Meunier t’es d’or
Ton moulin, ton moulin il t’excite
Meunier t’es d’or
Ton moulin, ton moulin il t’excite
Ton moulin, ton moulin est pépite. (quatro)

Quinze heures venaient de tinter au clocher de l’église quand il frappa du poing à la porte de la mairie.
- Ah, vous tombez bien, nous vous attendions lui dit le maire en guise de bonjour. Alors comme évolue notre petite affaire ?
- Mieux que vous ne pouviez le supposer lui répondit le meunier avec un sourire énigmatique.
- Mais encore…
- Voilà mon premier essai, monsieur le maire, et il répandit sur la table municipale sa première mouture de sable blanc. Est-ce bien cela que vous espériez ?
- Mais c’est magnifique s’extasia le maire en laissant glisser entre ses doigts ce sable blanc auquel il avait tant espéré. Donc on peut compter sur vous pour nous fournir tout ce dont nous avons besoin pour notre Ephémère.
- Et même plus si vous le voulez. Je n’attends que vos gravillons pour m’y mettre sérieusement.
- Demain matin, cela vous convient-il ? Je vais faire venir un camion-benne et une drague. Voulez-vous que je vous adjoigne le cantonnier de la commune pour vous prêter la main ?
- Franchement, non merci, cela ne m’avancerait pas.
- Où doit-on déposer ces gravillons ?
- Comme ce matin, juste devant le moulin, c’était impeccable.
- Et pour vos honoraires ?
- Mais rien du tout, monsieur le maire. Si je peux être utile à participer à cette grande œuvre, je le fais avec plaisir.
- Vraiment !
- Oui, vraiment comme je vous le dis.
- Tope-la meunier. Affaire conclue et cochon qui s’en dédit.
- Ce ne sera certes pas moi dans ce cas, lui répondit notre meunier après lui avoir tapé dans la main.

Le maire se réjouissait d’avoir réussi son affaire à moindre frais.
- Vous avez vu, dit-il à sa secrétaire, qui était aussi… mais cela ne nous regarde pas… vous avez vu notre meunier comme il paraissait heureux de pouvoir enfin travailler. Quand on dit que le travail c’est la santé, je suis bien prêt de le croire.
- Oui, j’ai bien remarqué tout à l’heure cette lueur dans ses yeux, on aurait pu croire à un reflet de pépite.
L’intuition féminine n’est pas toujours acceptée comme étant certaine et pourtant parfois...

Dans les jours qui suivirent, les camions chargés de gravillons faisaient la noria devant le moulin du haut de la colline dont les ailes n’avaient jamais autant tourné et le sable blanc s’entassait maintenant en petites dunes qui ne tardèrent pas à devenir encombrantes dans le village mais le meunier, à qui on avait demandé de ralentir un peu sa production, continuait néanmoins son rythme infernal.
On dut se résoudre à ne plus lui livrer les gravillons et le chemin qui conduisait au moulin repris son allure d’antan. Pourtant on percevait toujours une certaine activité à l’intérieur même si ses ailes avaient enfin cessé leur ronde verticale.

Et puis un jour, ou plutôt un matin, tous ceux qui regardaient ce moulin inactif purent voir que son toit était recouvert d’une pellicule dorée qui luisait au soleil comme une coupole d’église orthodoxe.
On crut au miracle, surtout lorsqu’après analyse on découvrit que c’était de l’or pur dont le toit avait été recouvert mais la surprise fut encore plus grande quand on découvrit l’intérieur du moulin. Tout y était revêtu de la même
pellicule que les visiteurs caressaient en dévotion au même titre que les pèlerins de la cathédrale de Milan caressent le mollet de la statue de Saint Antoine. Certains même, comme ceux-la d ‘ailleurs embrassant ce mollet, embrassaient ici la grande roue.

Le moulin transformé en chapelle miraculeuse devint un objet de culte.
Quant à notre meunier, il avait disparu. Personne n’a su ni comment, ni où, bien que certains prétendirent qu’il était parti vers les Amériques pour y prospecter de l’or.

Au fait, vous ai-je donné le nom de la rivière et du meunier ?

Non !

Il s’appelait Crésus et la rivière était Le Pactole.


Chibani










cyrael
Envoyé le :  8/11/2019 18:06
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83516
Re: UN MOULIN TOUT EN OR

il n'a pas eu besoin de chercher sous terre
un filon d'or

ce cher meunier est riche comme crésus


et sa rivière s'appelle PACTOLE

sourires



un meunier joyeux qui sifflait tout le temps.

C’est qu’il lui en fallait un sacré caractère
Car de grains à moudre, jamais il n’avait eu
Il était dans ce lieu comme un célibataire

j'ai aimé le poème et le texte, beau récit

vive l'inspiration de la plume de CHIBANI

bravo



j'aime bien la fin,

On crut au miracle, surtout lorsqu’après analyse on découvrit que c’était de l’or pur dont le toit avait été recouvert mais la surprise fut encore plus grande quand on découvrit l’intérieur du moulin. Tout y était revêtu de la même
pellicule que les visiteurs caressaient en dévotion au même titre que les pèlerins de la cathédrale de Milan caressent le mollet de la statue de Saint Antoine. Certains même, comme ceux-la d ‘ailleurs embrassant ce mollet, embrassaient ici la grande roue.

Le moulin transformé en chapelle miraculeuse devint un objet de culte.

mystérieuse disparation du meunier, nul ne sait ou il est passé !



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Chibani
Envoyé le :  9/3/2020 18:13
Membre banni
Inscrit le: 9/12/2009
De: Val d'Oise
Envois: 12086
Re: UN MOULIN TOUT EN OR



Merci Maryjo

J'ai plein d'histoires sur les moulins... j'avais prévu d'en faire un recueil mais, comme pour mes poèmes, je repousse de mois en mois ce qui finit par faire d'année en années.


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