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Expéditeur Conversation
LdeVinci
Envoyé le :  2/11/2018 23:20
Plume de satin
Inscrit le: 19/3/2008
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Envois: 43
De la censure
De la censure.


Joseph Goebbels qui exerça l’estimable fonction de ministre à l’Education du Peuple et à la Propagande, fut un censeur réputé de la radio et de l’art, mais surtout de la presse écrite. Il fut loin cependant d’être l’inventeur de cette respectable mission, et eut de glorieux prédécesseurs.

Il y avait dans la période républicaine de la Rome antique, deux Censeurs élus pour cinq ans et choisis parmi les anciens consuls. Ces hauts magistrats sanctionnaient les infractions aux valeurs morales et à la vertu chez tous les citoyens, y compris chez les sénateurs qu’ils pouvaient même déposer si leur moralité n’était pas irréprochable. A la période impériale, c’est l’empereur lui-même qui préféra se charger en personne de cette noble fonction, mettant ainsi fin aux valeurs de la République. L’expression est volontiers utilisée aujourd’hui, alors qu’elle a perdu de sa signification initiale, et qu’elle n’est plus qu’un vain mot.

Les moines copistes qui au moyen-âge se livraient à la transcription de papyrus ou de parchemins de textes de l’antiquité grecque et romaine, ne se privaient pas de grattage s’ils les trouvaient trop éloignés de leurs idées. C’est ainsi que jugeant sans doute que les écrits d’Epicure n’étaient pas très catholiques, même les bénédictins les passèrent à la trappe, leur support fut transformé en palimpseste, et un texte plus orthodoxe fut écrit par-dessus.

Socrate fut sans doute celui qui causa le plus de tracas à ses censeurs, car il poussait le vice jusqu’à ne rien écrire du tout, mais en revanche il ne se privait pas de philosopher, que ce fût avec Périclès et son hétaire Aspasie, ou avec de simples citoyens dans les rues d’Athènes, et il était donc impossible à maîtriser. Comme il était illégal de le bâillonner, on choisit une voie démocratique, et il fut condamné à mort, au prétexte d’impiété et de corruption de la jeunesse.
« La censure acquitte les corbeaux mais condamne les colombes » écrira Juvénal dans ses Satires.

Cependant la censure a la main lourde, mais la jambe courte, et va toujours moins loin qu’elle ne l’aurait souhaité. En effet il se trouva un Lucrèce pour diffuser les pensées d’Epicure, et un Platon pour promouvoir celles de Socrate, si bien que l’admirable travail des censeurs fut malheureusement réduit à néant.

La presse d’aujourd’hui est seulement détenue par quelques-uns, et comme elle est de surcroît subventionnée, il est difficile d’imaginer qu’elle va mordre la main qui les nourrit. Les magnats ne ressentent cependant pas le besoin de tout surveiller d’un œil attentif, et n’épluchent pas les articles publiés dans leurs journaux, à la recherche du moindre écart du politiquement correct. Ils préfèrent s’en remettre intelligemment à l’autocensure que les auteurs s’imposent, avec une rigueur d’autant plus sévère, qu’ils se targuent de bénéficier d’une totale liberté de parole.
Les oligarques contrôlent une presse parfois en déficit, mais cela importe peu si c’est le prix à payer pour décider du vainqueur de l’élection, car le but n’est pas de faire un vulgaire bénéfice financier, mais celui plus noble de désigner les rois. Ils affichent ainsi leur plein accord avec Alexis de Tocqueville : « Je ne crains pas le suffrage universel : les gens voteront comme on leur dira ».

A côté de l’armada qui se plie à la doxa, il en est qui ignorent la langue de bois et qui ruent dans les brancards. Ils disent ou écrivent ce qu’ils pensent, s’imaginant avec naïveté, qu’ils bénéficient de la liberté d’expression. C’est sans compter sur Delphine qui a la haute main sur France Télévision, et impose sa conception étriquée de l’information en évinçant sans remords : Éric, Michel et Frédéric pour ne citer qu’eux. Elle les écarte des plateaux de ce qu’elle croit être sa télévision privée, et considère le service public comme un centre de sélection de la bien-pensance pour complaire à son ami Emmanuel.
Voyons Delphine, essaie de réfléchir un peu, tu ne vois donc pas que ta censure va à l’encontre du but que tu recherches, puisqu’elle augmente encore la notoriété de ces auteurs, et que leurs pensées sont d’autant plus suivies que tu veux les priver de parole.

Autrefois les lecteurs pour être mis au courant des dernières nouvelles, se précipitaient sur la presse écrite, depuis l’Ami du peuple de Marat jusqu’à France Soir de Lazareff. Mais aujourd’hui le numérique et les chaînes d’information en continu, délivrent l’information en temps réel, alors que les journaux classiques ne peuvent faire mieux que relater les évènements de la veille. Aussi, soucieux de ne pas être pris de vitesse, ils se mettent eux aussi à publier sur écran. Les articles sur papier qui ont perdu le monopole d’une information immédiate mais brute de décoffrage, conservent en revanche celui de la réflexion et de l’analyse approfondie de l’actualité.

La généralisation d’internet offrait l’espoir d’une liberté d’expression du peuple. Car les lecteurs peuvent donner désormais leurs avis sur les articles des médias, qui sont diffusés dès lors qu’ils abondent dans le sens du texte. Mais il arrive que certains soient en désaccord avec l’auteur, et émettent des critiques. Heureusement des censeurs, qui s’intitulent hypocritement modérateurs, veillent au grain, et ne publient pas les opinions qui s’écartent de la ligne qu’ils ont tracée. Il arrive même qu’il ne se trouve personne pour approuver l’opinion du journaliste, tous les intervenants y étant hostiles, et en pareil cas aucun avis des lecteurs n’est retenu. On prend soin alors de spécifier :
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Ainsi au nom du politiquement correct, on ne peut pas tout dire. Mais si l’on peut censurer la parole, nul moyen de censurer la pensée qui reste libre. Ne pouvant se manifester en public, elle le fera en privé, entre amis aux dîners en ville, ou au comptoir à l’heure de l’apéritif, mais elle poursuivra sa route. L’opinion se divise donc en deux groupes : l’un, officiel et développé au grand jour, qui reflète l’oligarchie mais pas la réalité, et l’autre, interdit et donc souterrain, qui traduit la pensée profonde. Chaque clan sait très bien ce que pense l’autre, ils vivent côte à côte mais ne pouvant débattre ils se livrent à un combat d’autant plus rugueux qu’il est occulte. Mieux vaudrait l’honnêteté intellectuelle d’une franche confrontation, où la parole serait aussi libre que la pensée.

L’opéra lui-même n’échappe pas à la censure.
Carmen, le célèbre chef-d’œuvre de Georges Bizet, qui est un de ceux les plus joués au monde, se termine par la mort de Carmen, tuée par Don José. Mais l’œuvre fut écrite au XIXème siècle, à une époque où le politiquement correct n’était hélas pas encore né. Aussi pour remédier à l’obscurantisme qui régnait à cette période, le metteur en scène Leo, jugeant inacceptable la violence faite aux femmes, résolut de modifier la fin de l’opéra, et lors de sa représentation à Florence, c’est Carmen qui tue Don José.
Leo avait à cœur de se mettre en conformité avec la fréquence plus grande des crimes perpétrés par les hommes, en tout cas pour ce qui est du tout-venant. Car les femmes par souci d’égalité, et afin de ne pas être en reste, se rattrapent en partie, en se rendant coupables de 70% des infanticides, commis d’ailleurs le plus souvent par les mères elles-mêmes. Mais comme ce sont elles qui donnent la vie, rien n’est plus naturel qu’elles bénéficient d’une plus grande légitimité à la retirer.

La censure frappe à tous les étages : cinéma, presse, littérature, et politique évidemment. Peu de genres y échappent, et même les chanteurs connurent le couperet : Brel, Ferrat, Ferré, Lamarque, Prévert, Renaud, Sardou, ou Vian. Seuls les rappeurs peuvent passer au travers des mailles du filet, bien qu’ils incitent au meurtre des enfants et des adultes, mais comme il ne s’agit que de blancs, ils bénéficient d’une grande mansuétude.
Le champion hors-catégorie des auteurs-compositeurs reste de loin Georges, qui fut de beaucoup le plus interdit de diffusion, et ce n’était que justice car c’était aussi le plus talentueux.
Hélas cet admirable travail de sape des censeurs ne porta ses fruits que le temps d’une saison, puisque toutes ses chansons sont aujourd’hui autorisées et appréciées du public. Seule manque à l’appel la dernière strophe du Gorille, que l’auteur eut la prudence d’autocensurer, car elle concernait un magistrat violé par le quadrumane. Comme elle est restée toujours inconnue du plus grand nombre, je me fais une joie de la livrer à tous ceux qui savent par cœur les poésies de Georges, pour qu’ils complètent Le Gorille, qu’ils se délectaient à chanter en s’accompagnant à la guitare. La voici donc :

Nous terminerons cette histoire
Par un conseil aux chats fourrés
Redoutant l'attaque notoire
Qu'un d'eux subit dans les fourrés.
Quand un singe fauteur d'opprobre
Hante les rues de leur quartier
Ils n'ont qu'Ă  retirer leur robe
Ou mieux, à changer de métier.

Comme sabrer a postériori une œuvre déjà écrite, n’est qu’un coup d’épée dans l’eau, il fallut remédier à cette grave lacune, et censurer non pas après la publication, mais avant. Les Américains toujours en avance, passèrent à la vitesse supérieure et inventèrent les admirables sensitive readers.
S’étant avisés qu’une œuvre littéraire pouvait contenir des termes susceptibles de heurter la sensibilité de certains, ils décidèrent de soumettre le livre à des lecteurs sensibles, avant même sa livraison à l’éditeur. Des officines virent alors le jour, où des spécialistes au tarif syndical de 250 dollars minimum par ouvrage, prennent soin de débusquer avec leur œil de lynx, le moindre mot qui pourrait choquer. A titre d’exemple, un auteur de romans policiers ayant eu le malheur à propos d’un chien amputé d’une patte, d’écrire estropié, vit le qualificatif coupable supprimé à juste titre, car il aurait pu peiner un lecteur lui-même handicapé.
La morale doit être férocement irréprochable, et aucun auteur ne saurait être autorisé à chatouiller l’épiderme de quiconque, surtout s’il fait partie d’une minorité. Dès lors le besoin se fit vite sentir d’avoir recours à des spécialistes, fins connaisseurs de la sensibilité particulière des hispaniques, des noirs, des obèses, des maigrichons, ou même des Martiens, on ne sait jamais.
J’ignore si les romans à l’eau de rose ou les livres des saints sont seuls autorisés, mais j’en doute.
Cette intéressante évolution n’est pas encore parvenue en France, mais il ne faut pas perdre espoir, cela finira bien par arriver. Inutile de dire que le présent ouvrage ne saurait passer sous de telles fourches caudines, et qu’aucun mot n’échapperait au pilori. Sauf peut-être la tête de chapitre : Préface, bien que les greffés du visage puissent à juste titre s’en offusquer.


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