La poésie n'est pas que de miel et de sucre
Que de jours filés d'or et de bons sentiments
Elle doit butiner dans le fiel et le stupre
Pour connaître un durable retentissement
Sa muse la conduit dans l'idéalité
On l'entend s'exprimer dans le rêve, elle excelle
Mais ne peut se couper d'une réalité
Où elle va glaner d'essentielles tesselles
Elle est couleur, senteur, floraison, luxuriance
Elle fait rayonner des faisceaux fabuleux
Et pour prendre du corps, au dos de sa brillance
Elle doit fréquenter des endroits nébuleux
On la voit dans la rue se frotter au banal
Fouiller le quotidien, goûter à la grisaille
Cueillir dans le ruisseau des brins des fleurs du mal
Tutoyer l'oppression, la fange, la racaille
Elle se clochardise à la vache enragée
Passe de la brimade au rejet, à l'obstacle
Puis elle réagit, vitupère, engagée
Chante gorge avinée et se donne en spectacle
Elle est le flamboiement sous les feux d'une aurore
Elle est enchantement dans le plein jour d'été
L'infamie, l'abjection aux chants de Maldoror
Le caniveau, la honte et la calamité
Elle parle de haine, elle parle d'amour
Aux accents de la vie, elle accorde ses tons
Elle est l'intensité, la tendresse et l'humour
Elle est dans la ramure, elle est dans le béton...