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     La poupĂ©e retrouvĂ©e
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Expéditeur Conversation
ruedespoemes
Envoyé le :  5/4/2018 9:07
Plume de satin
Inscrit le: 23/3/2018
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Envois: 18
La poupée retrouvée

C’est au cours de mon déménagement que je l’ai retrouvée. Elle était enfouie au fond d’une malle, qui n’avait pas été ouverte depuis très longtemps. Si longtemps que je ne me rappelais même plus qu’elle était là. Quand je la vis mon premier sentiment a été la surprise de la retrouver presque intacte, comme quand ma mère me l’avait offerte. Puis la surprise a fait place à l’émotion. Tant de souvenirs me revenaient en mémoire avec cette poupée resurgissant de mon enfance.
Comment s’appelait-elle déjà ? Je fronçai les sourcils, comment l’avais-je donc appelée ? Je fouillai dans ma mémoire, impossible de m’en rappeler, c’est vrai que cela faisait si longtemps. Au moins soixante ans. Quel âge pouvais-je avoir à l’époque? Là aussi ma mémoire me jouait des tours. Je m’assis sur la malle, la poupée dans mes mains, je la regardai intensément et c’est elle qui me donna les réponses. Quelqu’un avait cousu sous la robe une étiquette et sur celle-ci je pus non sans mal lire : Claudine 1938. L’écriture était un peu effacée par le temps, mais ma mémoire revenait. C’était l’année de mes trois ans que ma mère m’avait acheté cette poupée. Du fond du temps, dans un coin de ma mémoire resurgissait un épisode de mon enfance. 1938, j’allais avoir trois ans, c’est drôle on dit toujours que l’on ne se souvient pas de sa petite enfance, et c’était vrai jusqu’à aujourd’hui. Mais Claudine avait fait resurgir en moi un passé bien lointain. Cette année-là, je venais d’avoir la coqueluche, et je me rappelle même ce que ma mère m’avait dit :
— Une mauvaise coqueluche.
J’avais des quintes de toux qui m’épuisaient. Le docteur avait décidé de me soigner par des piqûres. A cet instant, dans le grenier avec Claudine dans les bras, je revis nettement l’homme qui venait me les faire. Il arrivait à bicyclette, impossible de me rappeler la couleur de ce vélo. Il me semblait déjà âgé. Il était toujours habillé des mêmes vêtements, du noir mélangé avec du marron et une chemise blanche. Il tenait à la main une petite sacoche marron de forme ronde. C’est dans cette sacoche que se trouvaient la seringue et l’aiguille. Une chose me surprit, impossible de me rappeler à quel endroit il me piquait.
Maman, ayant jugé que j’avais été bien sage, me laissant soigner sans rechigner, décida de m’acheter une poupée. Maman, je la revois encore, grande, mince, brune, avec des yeux bleus magnifiques. Elle avait une voix si douce et si chantante. J’aimais quand elle me chantait des chansons ou me racontait des histoires le soir pour m’endormir. Elle était toujours bien habillée, portant des robes à fleurs ou des blouses. Maman était très élégante. En ce temps-là, les femmes ne travaillaient pas comme maintenant. Seul mon père travaillait, dans une usine qui fabriquait des chemises. L’usine ne se trouvant pas très loin d’où nous habitions, mon père rentrait manger le midi. Il n’avait qu’une heure, mais cela lui laissait tout le temps de manger et de me faire un câlin. Pauvre papa, il ne savait pas encore qu’il ne lui restait qu’une année à vivre. La guerre arrivait avec son lot de peines et de souffrances. La vie allait changer pour nous.
Dès la mobilisation, mon père partit. L’air joyeux derrière ses grandes moustaches. Il avait toujours un regard rieur.
Je me souviens maintenant de ce qui se disait entre mes parents pendant le repas du soir. Que la guerre ne durerait pas, que cette fois ce ne serait pas comme en 14, et que les Allemands on allait vite fait les ramener chez eux. Papa était confiant, maman, certainement un peu moins, mais elle n’en laissait rien paraître.
Il ne fallut pas longtemps pour se rendre à l’évidence, la guerre serait longue et ferait beaucoup de morts et de blessés. Et puis, c’est curieux, à cet instant, assise dans le calme de ce grenier, ma mémoire qui me semblait intacte paraît s’estomper. Je ne me rappelle plus de rien. Ce que je sais, c’est qu’un jour, maman s’est mise à pleurer. Elle pleurait sans arrêt, et ce ne fut que plus tard que j’appris que mon papa était mort à la guerre. Maman était courageuse, elle se fit embaucher dans l’usine où mon père avait travaillé. Maintenant avec les hommes qui étaient partis à la guerre, beaucoup de femmes les avaient remplacés dans les usines. Je ne peux en dire plus car je n’ai pratiquement plus de souvenirs de cette époque. Ce qui me revient, ce sont les bombardements, les descentes à la cave, toujours dans l’urgence, dès que l’on entendait les hurlements des sirènes. Tous les locataires de l’immeuble se retrouvaient dans la cave. Les femmes parlaient entre elles. Quelques hommes d’un certain âge se retrouvaient parmi nous. Je retrouvais mes copains et copines, et je n’oubliais jamais Claudine. C’était ma confidente, celle à qui je pouvais tout dire. Avec mes petites amies nous jouions à la maman, mais je ne prêtais jamais Claudine, pour moi elle était trop importante pour que je la confie à quelqu’un d’autre.
Les Allemands étaient entrés dans notre ville, ça je m’en souviens. Ils parlaient une drôle de langue, comme disait maman, une langue dure. On aurait cru qu’ils criaient toujours, ils me faisaient peur. Quand nous les croisions dans la rue, je serrais très fort la main de maman.
Le temps semblait s’être arrêté. La lumière du jour qui entrait dans le grenier par le petit vasistas s’était estompée, la nuit commençait à tomber. Il fallait que je me sorte de cette douce torpeur qui m’avait envahie et que je laisse mes souvenirs d’enfance pour revenir à la vie. Il fallait que je m’occupe de mon déménagement dont la date approchait de plus en plus. Je redescendais donc du grenier, ayant pris soin de descendre Claudine avec moi. Maintenant que je l’avais retrouvée, il n’était plus question qu’elle reste au grenier dans cette malle.
J’en profitai pour la laver un peu. Je lui quittai ses vêtements que je me mis à laver. Là, toute nue devant moi, toute propre, elle semblait avoir retrouvé sa jeunesse. Après l’avoir bien essuyée, j’allai la déposer sur mon lit, puis je me préparai à dîner. Ensuite, comme tous les mardis soir, je passai un coup de téléphone à ma fille. Ma fille me passa Marie, ma petite fille adorée. Marie avait maintenant quatorze ans et ne venait plus beaucoup me voir, mais quand elle venait avec ses parents ou bien seule trois ou quatre jours, nous étions très proches l’une de l’autre. Elle me parlait de son école, de ses copines et bien entendu de ses premiers flirts. A chaque fois qu’elle venait me voir, elle me disait le prénom de son nouveau petit copain. Cela nous amusait et nous faisait rire.
Je lui parlais un peu, la mettant en garde, elle était si jeune et si spontanée. Les journées où Marie était là, la joie régnait dans la maison.
J’allai faire ma toilette et entrai dans ma chambre. Claudine était là, bien sage, elle me regardait et moi ce soir-là, j’avais envie de lui parler. Il y avait si longtemps que je ne parlais plus à quelqu’un dans cette maison. Je demandai à Claudine si elle se rappelait ma première communion. Ce jour-là fut un des plus beaux de ma vie, mais il fut triste aussi parce que ce jour-là, je m’étais fâchée avec maman. J’avais décidé que Claudine m’accompagnerait faire ma communion. Bien sûr maman s’y opposa et je dus céder, ce fut la seule fausse note de cette merveilleuse journée.
Marie est venue me voir avec sa mère, c’était trois jours avant mon déménagement. Fouineuse comme elle est, ma fille entra dans ma chambre et tomba sur Claudine, tout habillée et bien coiffée, assise dans le milieu de mon lit. Elle ne put s’empêcher de faire des réflexions du genre :
— Tiens, tu as retrouvé cette horreur, je croyais que tu t’en étais séparée depuis longtemps.
Ma fille n’avait dû voir Claudine qu’une seule fois dans sa vie, je m’en souviens maintenant. C’était quand elle était toute petite, elle avait voulu que je lui donne et moi j’avais refusé, malgré les pleurs et les cris qui s’en étaient suivis. Je n’avais pas cédé, peut-être par égoïsme. C’était ma poupée et elle n’était qu’à moi.
— Tu n’as plus l’âge de jouer à la poupée maman, me dit-elle d’une voix moqueuse.
Je lui répondis que je ne jouais pas. Je gardais cette poupée parce qu’elle me rappelait des souvenirs et, qu’après tout, c’était à moi et que j’étais bien libre de faire ce dont j’avais envie. Comme le ton montait, ma fille changea de sujet de discussion, ne voulant pas que l’on se dispute inutilement. Marie ne put s’empêcher, elle aussi, d’être désagréable pour une fois.
— Mamie, pourquoi ne m’as-tu jamais donné cette poupée quand j’étais petite, tu m’as fait tant de cadeaux, pourquoi pas Claudine ?
Je lui répondis d’une voix sèche que je ne pensais plus à Claudine et que je l’avais retrouvée par hasard il y avait peu de temps. L’incident en resta là. Le soir quand elles furent parties, je pensais en moi-même qu’elles avaient raison. Je n’avais plus l’âge de jouer à la poupée et j’aurais très bien pu m’en séparer, mais le problème était là : avais-je vraiment envie de m’en séparer ? Je me couchai en prenant soin de déposer Claudine sur la table de nuit près de moi. J’éteignis la lumière et m’endormis très vite. Depuis que Claudine était revenue dans ma vie, le sommeil qui depuis des années semblait me fuir, était revenu comme par miracle et maintenant, il suffisait que je me couche la tête tournée vers Claudine pour que je trouve le sommeil aussitôt.
Avais-je rêvé cette nuit, mais Claudine m’avait parlé. Au matin, quand je me suis réveillée, je me rappelais très bien ce qu’elle m’avait dit. Si tu dis cela à quelqu’un pensais-je en moi-même, on va te traiter de folle. Mais, plus j’y pensais, et plus je me disais que ou mon imagination me jouait des tours ou bien que la vérité était là, Claudine avait parlé. Quand même avec le temps qui passait, avec la matinée qui avançait, je n’étais plus très sure de moi. Je ne parvenais plus à me rappeler exactement de ce qu’elle avait pu me dire.
Allais-je finir par me débarrasser d’elle une bonne fois pour toute ? Je voyais Claudine finir au fond d’une poubelle ou bien dans ma vieille malle et pourtant la sagesse aurait été là. Mais à mon âge, pouvait-on être encore sage ? Je préférais en vérité finir ma vie avec Claudine, qu’elle parle, qu’elle ne parle pas, quelle importance... Bien qu’au fond de moi je préfère qu’elle me parle, cela me ferait toujours quelqu’un avec qui je pourrai bavarder.





adn
Envoyé le :  5/4/2018 21:42
Plume de diamant
Inscrit le: 24/6/2007
De: Landes
Envois: 17432
Re: La poupée retrouvée
Une poupée retrouvée et tous les souvenirs qui vont avec ! Bien sûr il y a un age pour tout ! Mais quel mal y a-t-il à se contenter de converser avec cette poupée pour vaincre a solitude !?

Adn


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cyrael
Envoyé le :  11/4/2018 11:24
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83079
Re: La poupée retrouvée


une poupée,

c'est elle votre confidente pour vos nuits
d'insomnie

bel Ă©crit


Je n’avais plus l’âge de jouer à la poupée et j’aurais très bien pu m’en séparer, mais le problème était là : avais-je vraiment envie de m’en séparer ? Je me couchai en prenant soin de déposer Claudine sur la table de nuit près de moi. J’éteignis la lumière et m’endormis très vite. Depuis que Claudine était revenue dans ma vie,


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EVE LYNE Nadine poète d'OASIS mon amie, merci pour tout

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