FAUT ESSAYER
Parler de toi ou non, Johnny … voilà la question que je me pose depuis quelques semaines.
J’ai été soufflée par les pompeuses funérailles nationales et si chrétiennes que l’on t’a accordées.
Mais bien sûr c’était mérité.
Je n’ai pas été étonnée par les motards ni par les musiciens amis qui jouaient et chantaient pendant la messe.
Ton départ à Saint Barth m’a semblé tout à fait justifié malgré les critiques des fans: il vaut mieux éviter un interminable défilé de pleureuses et de déprimés sur ta tombe.
Un peu étonnée quand même par l’aigle qui se serait manifesté lors de ta mise en terre.
Et puis le calme plat … sous la douleur quelques copines m’ont expliqué qu’elles supportaient très difficilement ton départ au paradis des rockeurs.
Jusque-là tout est normal et moi aussi je suis perdue mais ta voix est toujours là sur les disques, les cassettes, les cds et tes photos et posters sont toujours accrochés à mes murs et pratiquement rien n’a bougé d’un centimètre.
Alors voilà que je sursaute sous le choc: le testament sacré de notre idole est contesté et le tintamarre augmente sans cesse. J’apprends qu’il y a eu plusieurs testaments ce qui déjà rassure un peu mais l’avidité et l’intérêt plutôt matériels de ceux qui contestent et de ceux qui se taisent m’effrayent malgré tout. Où sont les larmes, la tendresse, la passion ?
Et puis on me dit qu’il s’agit aussi de droits moraux, d’un héritage artistique, de la part d’amour que certains n’auraient pas reçu …
On ose même s’en référer à Léon Smet ton père qui t’a ignoré par négligence et appât du plaisir et désordre de vie.
Je suis déboussolée. Je repense à mes idéaux et mes passions, à tout ce que tu m’as apporté dans la vie. Grâce à toi j’ai perdu ma peur de l’avion et au contraire pris goût aux voyages et à la découverte du monde et des autres, j’ai accumulé les amis (en même temps que des livres, photos et documents), j’ai osé monter sur scène et crier dans un micro : « Je n’ai besoin de personne » – « Lutte contre la haine des imbéciles » - « Qu’est-ce qu’elle a ma gueule » ….
Et moi aussi j’ai pensé que j’avais été reniée par des parents maladroits et/ou absents – pas de mère dans mon enfance il faut le faire.
J’ai donc aussi crié « Fille de personne » et « Je suis née dans la rue ».Tes chansons et tes hurlements m’ont libérée de bien des douleurs et maintenant je pense à la suite.
J’ai choisi les chansons que l’on pourrait passer lorsque moi aussi j’y passerai. Il y en a deux de toi « Aimer vivre » et « Essayer », une de Cabrel « Tout le monde y pense », une de Françoise Hardy « Mon amie la rose ». Mais oui j’ai bien compris qu’on est si peu de choses.
La chanson la plus importante pour moi, par les paroles bien sûr, mais aussi par le son de ta voix qui se répercute un soir au Parc des Princes à la fin des années 90. Après avoir entendu de telles paroles plus personne ne peut hésiter sur ce qu’il nous reste à faire sur cette terre:
« Quand vos parents vous quitterons
Ils vous diront: faut essayer
Tous les grands mots amour et paix et liberté essayez-les
A votre tour de réussir tout ce que nous avons raté
Ce que nous avons gâché, … essayez-les, … faut essayer »
Que pour toujours les échos de ces paroles résonnent dans notre monde qui lamentablement tombe en lambeaux.
Merci Johnny pour les beaux rêves et les grands idéaux et pour les passions ardentes que tu m’as inspirées.
Tiens voilà que je n’ai pas parlé de Johnny, non – je viens de parler à Johnny, mon frère, mon ami, mon maître à penser et à vivre.
© Hélène De Man
Mars 2018
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