Plume d'or Inscrit le: 19/6/2016 De: Envois: 1915 |
LES PAUVRES Les pauvres,
Une ombre éthérée, furtive au pas feutré Rase les murs noircis par le temps, il fait noir Un coche passe au grand galop, le sol gelé Craque sous le poids, il roule, vers le manoir.
Dans le galetas, la mère et ses trois enfants Prêt de l’âtre fumant, attendent le retour Du père. Enfin, il est là , l’humble manant Qui doit enlever ses oripeaux, les doigts gourds.
Harassé, il s’écroule sur le banc, mangeant Dans l’écuelle, un bien modeste brouet De lard et de fèves, et au soleil couchant Il va sans dire un mot, rejoindre la chambrée.
Il dort le vieux, assommé par un mauvais vin Sur un coin de la table, cheveux en bataille Chenu par le temps, le visage purpurin Egrotant, replet, par des années de ripaille.
Elle, blanchie sous le harnois, près de son fourneau A préparer le repas du midi, du soir Ses mains sont usées, à écaler les cerneaux De noix, on lit dans son regard le désarroi.
Et lui, le fils, ce grand benêt, à l’air idiot Qui rigole comme un bossu, il est heureux Ce simplet, quand il voit passer les étourneaux Avec son rire narquois, il a l’air affreux.
L'ouvrier,
Travailleur de ton état, tu es bon manuel Fier d’aller œuvrer et accomplir ta tâche En retour, toucher un salaire mensuel Et la prime, là , tu te lisses la moustache.
Tu aimes ta femme et surtout tes trois enfants Ils sont tout pour toi, tu ne comptes pas tes heures Bosser pour un patron, ce n’est pas triomphant Mais au moins tu as un boulot, t’es pas chômeur.
Tu pars tôt le matin, ton pas est lourd, pressé Faut pas de retard, sinon tu es à l’amende Payé au rendement, tu ne peux baisser La cadence, il faut respecter les commandes.
Le soir, tu quittes d’un pas las et fatigué Ton atelier, tout le jour, tu as sué A fabriquer des pièces, ce n’est pas gai Ton boulot, mais au fond, tu es habitué.
Avant de rentrer chez toi, tu vois les copains Au café du coin, à boire ton coup, heureux A taper le carton, tu n’es pas un rupin Pour tes amis, tu es un pote chaleureux !
Retour à la maison, tu t’assis près du feu A réchauffer tes mains, attendant le repas Ton épouse a préparé un bon pot-au-feu Et tes gamins te disent bonne nuit Papa !
L'usine,
Cheminées crevant l'épaisse voûte des nuages gris Les murs de brique ont sur la peau, la couleur noire De la misère, des mains fébriles tracent graffitis Et slogans syndicaux, telles des voleuses chaque soir.
L'usine avale la multitude des travailleurs Dans son ventre, le bruit des machines tonne dans la nuit La cadence infernale sue et transpire l'odeur Des heures de fatigue et les plaintes meurent sous la pluie.
Elle ouvre sa gueule béante au jour qui s'est levé Evacuant son urine d'hommes sur les pavés Ils retournent la tête basse, les épaules enfoncées Dans leur détresse s'égaillant dans leur triste cité.
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