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Lettre Ă Alfred de Musset [Lettre fictive] Lettre Ă Alfred de Musset
A Paris, le 4 février 1835
Cher ami,
Permettez-moi de vous appeler ainsi, vous que j’admire tant. Vous ne me connaissez guère, nous nous sommes seulement croisés quelques fois chez un ami commun, le prince de Luyne. Je n’ai jamais eu l’occasion de m’entretenir avec vous. Permettez-moi, cette fois-ci, de réparer cette erreur.
Je suis allé au théâtre hier soir et j’ai assisté à la représentation de cette pièce étrange dont vous êtes l’auteur, Lorenzaccio. Quelle émotion, quel choc ! Ce drame auquel le spectateur assiste, cette lente déchéance du héros éponyme de l’œuvre, Lorenzo, hélas ! j’ai compris à quel point c’étaient les vôtres. Je ne peux qu’être épouvanté par la description si précise que vous avez faite de ce malheureux jeune homme : « un petit corps maigre, un lendemain d’orgie ambulant ».
Vous le savez, vous avez une réputation peu flatteuse, on vous accuse d’être alcoolique, débauché. Votre génie ne vous met malheureusement pas à l’abri des faiblesses humaines. Vous en êtes conscient, je le sais à présent, votre personnage de Lorenzaccio est un portrait fidèle de cette désespérance qui est la vôtre, de ce renoncement auquel vous vous livrez. Oui, Lorenzo mourra, mais de grâce, ne l’imitez pas ! Réagissez contre ces démons qui sont les siens et qui sont les vôtres !
Je vous en prie, essayez de lutter contre ces terribles tentations de l’alcool et des plaisirs funestes. Votre entourage ne vous aide pas. Vous êtes très proche de la baronne Dudevant, qui se fait follement appeler George Sand. Quel rôle joue-t-elle ? A-t-elle oublié le devoir de décence qui s’impose à une personne de son rang et de son sexe ? Quel exemple donne-t-elle à la jeunesse, fumant le cigare et portant pantalon ! Je vous le dis, le tabac comme l’alcool sont des drogues terribles qui vous asservissent et ne peuvent que vous détruire !
Il est temps encore, redressez la barre, prenez un autre cap, les Lettres françaises ont besoin d’une plume aussi talentueuse que la vôtre, ne manquez pas à votre pays, à vos amis, dont j’espère humblement faire partie, menez une vie plus saine, au grand air !
Je vous remercie d’avoir pris le temps de me lire et vous salue avec la plus chaleureuse amitié.
Vicomte Jean de Langisse
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