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     Le Mort Bavard [Nouvelle fantastique]
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Expéditeur Conversation
celineb
Envoyé le :  25/9/2017 11:22
Plume de platine
Inscrit le: 8/4/2017
De: Hauts-de-France
Envois: 4456
Le Mort Bavard [Nouvelle fantastique]
Le Mort Bavard

    Il pleuvait très fort, ce soir-là, sur la lande bretonne. Emma progressait péniblement, abritée sous un vaste parapluie. Elle avait hâte de rentrer chez elle, dans son foyer chaleureux, entourée de ses parents bien-aimés. La vie était assez pénible en pension, l’internat lui pesait terriblement. C’est la raison pour laquelle elle voyait revenir le week-end avec joie. Cette fois-ci, elle avait dû prendre le bus pour rejoindre la maison de ses parents sur la crête. La voiture familiale était immobilisée par une panne. Sa mère lui avait téléphoné au lycée cette après-midi, l’informant de la mauvaise nouvelle : si elle voulait passer la fin de semaine avec eux, il lui faudrait utiliser les transports en commun. Ses parents ne pourraient aller la chercher. Comble de malchance, la pluie tombait à verse.

   La jeune fille se hâtait sous le déluge. Elle traînait avec elle son bagage d’interne, contenant ses affaires et le linge de la semaine, un gros sac qui pesait son poids. La maison familiale était située en dehors du village, le bus ne montait pas si haut. Elle dut traverser la petite ville en pestant contre les transports en commun. Elle sortit enfin du village et longea le cimetière. Elle avait hâte d’être à l’abri, bien au chaud. L’eau commençait à traverser ses vêtements. La pluie redoubla. A ce moment, elle sentit le sol se dérober sous ses pieds. Un glissement de terrain ! Cela arrivait fréquemment dans la région. Les pluies ininterrompues qui ravageaient le sol breton en cette saison n’y étaient pas étrangères.

   Au bout de quelques secondes, cela cessa. La pluie continuait, imperturbable. Emma regarda autour d’elle. Le sol était remué, comme déplacé. La croix qui surmontait le portail d’accès au cimetière était tombée. Elle poursuivit sa route, il fallait continuer, coûte que coûte. Elle allait dépasser le cimetière quand un curieux spectacle attira son attention : quatre corbeaux étaient perchés sur un cercueil et semblaient en grande conversation. Comment cet objet macabre était-il sorti de terre ? Probablement le petit glissement de terrain, qui avait mis au jour certaines tombes, en éventrant d’autres.

   Elle entra dans le vieux cimetière et chassa les oiseaux noirs du rebord du cercueil avec de grands gestes, après avoir posé ses affaires sur une pierre tombale. Il fallait éviter à tout prix que les oiseaux s’en prennent aux morts. Elle allait recouvrir la tombe avec des branchages pour protéger le pauvre corps quand elle entendit une voix pressante :
- Mademoiselle ! Mademoiselle ! Ne faites pas ça !

   Cela semblait venir du cercueil. Remplie d'angoisse, Emma osa néanmoins s'approcher du rebord. Elle vit un visage furieux qui fronçait des sourcils.
- Mais, Monsieur, c'était pour aider, j'essayais de vous aider à reposer en paix.

   L'absurdité de ses propos la frappa soudain mais avant qu'elle y ait pu réfléchir davantage, la voix reprit :
- C'est gentil, merci, Mademoiselle, mais franchement, ce n'est pas la bonne méthode. Il faut déplacer les planches de façon à obturer convenablement le cercueil. Sinon, les corbeaux auront vite fait de déranger le tout.
- Désolée, Monsieur... Mais, vous êtes vivant, que faites-vous allongé dans cette dernière demeure ?
- Je ne suis pas vivant, jeune fille, je suis mort, sinon je ne serais pas au cimetière, c'est logique, n'est-ce pas ?
- En effet, fit Emma avec une petite voix.

   La jeune fille était perplexe, déstabilisée par cette assurance. La pluie avait cessé, à présent, et le beau soleil d'octobre illuminait les coteaux. Le mort bavard reprit :
- Si mes traits sont relativement conservés, c'est que j'ai subi jadis un procédé de conservation des cadavres très efficace, la plastination. Je vous le recommande. Pour plus tard, naturellement, reprit la voix avec un petit rire. Mais je suis mort et bien mort !
- Euh, monsieur, cette conversation me met vraiment très mal à l'aise, tout cela est trop morbide.
- Allons, allons, jeune fille, ne vous frappez pas et exprimez-vous convenablement : cette scène est macabre et non morbide. Surveillez votre vocabulaire.

   Emma était bouleversée par cet échange surréaliste : une conversation quasi mondaine avec un mort, et au bord d'une tombe, qui plus est. Elle se demandait si elle ne rêvait pas. Curieusement, elle n'avait même plus peur.
- Mais vous vous ne pouvez pas rester dans ce cercueil puisque vous êtes conscient, c'est affreux ! Vous êtes enfermé à vie !

   Le mort rit franchement.
- Ou plutôt à mort, n'est-ce pas ? Ne voyez pas les choses aussi négativement. Le temps passe vite, je me récite des poèmes et je me souviens de mon jeune temps. J'étais un sacré gaillard ! Tout cela est bien amusant.

   Le vent s'était levé. Il commençait à souffler et Emma se refroidissait. Le mort s'en aperçut et dit :
- Voyons, jeune fille, vous frissonnez, il est temps de rentrer chez vous, vous arrangez prestement les planches et ça ira. Le gardien du cimetière ne tardera plus à venir, il résoudra tous les problèmes, c'est un brave homme.
- Vous êtes sûr que vous voulez rester seul ?
- Mais oui, ne vous en faites pas, j'ai l'habitude. Allez, refermez ma tombe, je ne vous dis pas "A bientôt", hé hé !

   Le mort riait tout seul. Emma repoussa les planches sur le cercueil et s'éloigna précipitamment de la tombe refermée. Dans sa hâte, elle heurta le gardien qui arrivait sans se presser, en traînant les pieds.
- Excusez-moi, Monsieur ! Je ne vous avais pas vu. Il faut que je vous dise : il y a un mort, là-bas, un vieil original, il parle !
- Ah oui ! Le vieux Mathieu ! Chaque fois qu'il y a un glissement de terrain, il est à moitié déterré, il en profite pour pérorer avec les visiteurs. Ne vous en faites pas, Mademoiselle, j'ai les choses en main.

   L'homme lui tourna le dos et poursuivit sa route. Emma quitta le cimetière vivement. Le soir tombait, elle avait juste le temps de rejoindre la maison familiale avant la nuit, ses parents devaient s'inquiéter. Elle se disait qu'elle avait cru entendre un mort discuter mais que tout cela n'était que le fruit de son imagination fertile. C'était impossible, n'est-ce pas ? Cela dépassait l'entendement, alors il ne fallait plus y penser. Ce qu'elle fit, de façon fort efficace.

FIN
anonyme
Envoyé le :  26/9/2017 14:57
Re: Le Mort Bavard [Nouvelle fantastique]
Même pas peur !

Une histoire originale et bien menée.
Elle m'a fait un peu penser à cette BD :

https://www.babelio.com/livres/Rufledt-Alisik-tome-1--Automne/534357

celineb
Envoyé le :  9/10/2017 13:59
Plume de platine
Inscrit le: 8/4/2017
De: Hauts-de-France
Envois: 4456
Re: Le Mort Bavard [Nouvelle fantastique]
Merci merci !


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