La Nouvelle Mission de Piotr Mosca
 
   La pluie tombait de façon ininterrompue sur la capitale, en ce matin d’octobre. Piotr Mosca, un jeune homme très blond, athlétique, était assis dans la cuisine d’un petit deux-pièces. Il entendait la chanson mélancolique de l’automne qui frappait aux carreaux. Il soupira. Son moral n’était pas au beau fixe. Ses indemnités de chômage arrivaient à terme, il n’avait plus grand-chose pour boucler le mois et, par-dessus le marché, sa compagne venait de le quitter. Mais il ne pouvait pas se permettre de pleurer sur son sort. Une seule question devait occuper son esprit : comment payer son loyer le mois prochain ? Il se replongea dans la rubrique « Offres d’emploi » du quotidien qu’il avait trouvé sous sa porte, bizarrement, ce matin. Un voisin aimable, sans doute, lui avait rendu ce service. Pourtant, il ne connaissait pas grand-monde dans l’immeuble. Il était en fait très isolé.

   Une petite annonce déjà encadrée en rouge attira son attention : « Garage pour voitures de luxe cherche gardien de nuit, rémunération intéressante. Bonne présentation indispensable, anglais parlé ». Piotr était fou des belles voitures, il ne pouvait pas rêver mieux que de passer ses nuits à côté de ces splendeurs. Evidemment, ses diplômes ne lui serviraient à rien pour cet emploi, à part celui d’anglais, mais après tout, il n’en était plus là. Cela faisait trop longtemps qu’il était au chômage, n’arrivant pas à trouver un emploi correspondant à sa qualification. Par ailleurs, c’est vrai, la fonction était assez bien payée.

   Il se mit en contact immédiatement avec l’entreprise. Le poste n’était pas encore pourvu. Cette nouvelle le rendit follement heureux : il pourrait peut-être s’acquitter de son loyer plus facilement dorénavant. Il prit rendez-vous pour un entretien d’embauche le jour même. Il allait devoir patienter jusqu’au soir. Il était terriblement nerveux. Le travail était bien modeste mais il en avait absolument besoin. La journée passa lentement, Piotr regardait sa montre toutes les cinq minutes. Le moment venu, il fit un effort de toilette particulier et se rendit à son rendez-vous en prenant le métro jusqu’aux beaux quartiers de la capitale.


A suivre...

Le garage était situé à côté de l’Opéra. Il descendit jusqu’au troisième sous-sol. C’était là, dans le parking souterrain, qu’on lui avait dit de se rendre. En sortant de l’ascenseur, Piotr fut frappé par le nombre de belles voitures qui étaient garées là : des Ferrari, des Porsche et même une Rolls-Royce brillaient sous les néons. Un homme bedonnant, très brun, vint vers lui, en lui tendant la main. C’était le directeur des ressources humaines qui l’accueillait ainsi, avec une belle amabilité.

Tout se passa au mieux pour Piotr. Le gros homme était charmant, le test de langue étrangère facile. L’ex-chômeur fut embauché au salaire indiqué sur l’annonce. Son nouveau patron lui demanda comme une faveur de rester dès ce soir pour garder le parking : son prédécesseur était parti brutalement, il fallait quelqu’un pour veiller sur ces bijoux roulants, accueillir leurs propriétaires, encaisser le montant désiré pour le temps passé sur place et délivrer une facture. Tout cela n’était pas difficile. Piotr accepta sans difficulté de travailler dès cette nuit. Son patron avait d’ailleurs tout prévu : des sandwiches et une thermos de café étaient posés sur la table de la cabine.

L’homme bedonnant quitta les lieux rapidement et le nouveau gardien de nuit s’installa pour durer, le sourire aux lèvres. Piotr était content d’avoir décroché ce job. Ce n’était pas un travail salissant ni fatigant. Demain, il apporterait son portable et des magazines pour lui tenir compagnie jusqu’au matin. En attendant, il s’occuperait comme il pouvait. Il décida tout d’abord d’explorer son nouveau domaine.

Le jeune homme fit le tour complet du vaste parking qui s’étendait sur deux niveaux. Il ne nota aucun problème particulier. Les véhicules de luxe attendaient patiemment leur propriétaire. Les locaux étaient propres, pas de déchet quelconque, aucun voleur de voiture dissimulé dans l’ombre. Il l’aurait vite empoigné par le cou et jeté dehors. Piotr regagna la cabine de l’employé du parking, s’assit à la table et bailla à s’en décrocher la mâchoire. Par chance, le siège était assez confortable. A neuf heures, le garçon fit honneur au repas léger qui l’attendait. Curieusement, ce soir-là, personne ne vint chercher un véhicule. Piotr était complètement seul. Cela ne le gênait pas, il aimait la tranquillité.

La nuit de veille commença, dans le silence le plus total. A minuit, le jeune homme se leva et fit à nouveau le tour des lieux pour se dégourdir les jambes. De retour dans la cabine, pour s’occuper, il décida d’explorer de fond en comble le local de gardiennage. Il ouvrit l’armoire du vestiaire, fouilla dans les tiroirs. Tout était impeccablement propre et semblait avoir été nettoyé récemment. Pas un grain de poussière ne traînait sur les étagères. C’était un peu étonnant pour un garage, mais quelle importance, après tout.

L’horloge fixée au mur, placée en face de lui, le gênait un peu. Il n’aimait pas voir les heures passer aussi lentement. Il décida de la déplacer. En la soulevant, Piotr eut la surprise de voir une feuille de papier pliée en quatre tomber par terre. Il se baissa, la ramassa et, les yeux écarquillés de surprise, lut le mot suivant : « Sauvez-vous, vous êtes la proie, non le chasseur. Tout est prévu ». Les lettres avaient été tracées maladroitement avec quelque chose de rouge qui semblait bien être du sang séché. Le message paraissait assez récent. Il n’était pas signé.


A suivre...

Le jeune homme était stupéfait. Qu’est-ce que cela pouvait signifier ? S’il était une proie, cela voulait dire que cet espace souterrain était un terrain de chasse clôturé. Il alla vérifier que la voie était libre en cas de besoin. Avec terreur, il constata successivement que la porte blindée qui menait à l’escalier ne s’ouvrait pas, que l’ouverture de l’ascenseur était bloquée et que l’interphone restait muet. Pourtant, il était sûr que ces dispositifs fonctionnaient parfaitement tout à l’heure, il l’avait vérifié lors de sa dernière ronde. Il était à présent enfermé, sans aucun contact avec le monde extérieur. Il regagna le poste de l’employé, affolé.
   
C’est à ce moment-là que le garçon entendit une sorte de cliquetis, cela venait de l’ascenseur et se rapprochait. Le jeune homme sortit en hâte du local du gardien. A sa droite, tout un groupe d’hommes habillés en treillis militaire, une bonne dizaine, armés jusqu’aux dents, traînant un doberman muselé, se dirigeait vers lui, sans un mot. Qui étaient ces individus ? Ils avaient pu descendre au sous-sol, pénétrer dans les lieux sans problème. Soudain, le chef de meute hurla dans sa direction : « Le voilà ! Allons-y ! ». Ils se mirent tous alors à courir vers Piotr, en brandissant ce qui semblait être d’étranges arbalètes.
 
Terrifié, celui qui pensait jusqu’à présent n’être que simple veilleur de nuit se rua vers le fond du parking pour échapper à ses poursuivants. Ces derniers n’avaient pas l’air de lui vouloir du bien. Un carreau le frôla à quelques centimètres. Les chasseurs avaient commencé leur traque. Le jeune homme progressait en zigzaguant, essayant de distancer la bande surexcitée. Plus loin, des hommes armés d’arcs et de machettes gardaient la passerelle d’accès pour les véhicules. Impossible de forcer le passage. Piotr s’enfuit à l’autre bout du sous-sol. Il sentit soudain une vive brûlure dans l’épaule gauche, un projectile s’était fiché dans celle-ci. Il était blessé. Que faire ? Il se jeta sous une voiture, essayant de se dissimuler au mieux.

A suivre...

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Ravie de lire la suite des aventures de Piotr.

Et alors...

  Recroquevillé dans le noir, sous une automobile de luxe, le jeune homme sourit amèrement. Il était piégé dans un jeu cruel organisé par des oisifs fortunés. Attiré par une petite annonce alléchante, il se trouvait emprisonné comme dans une toile d’araignée. Piotr soupira, pensant que son patronyme, Mosca, ‘mouche’ en italien, se révélait être une terrible prédestination.

   Il entendit le chien aboyer, on devait lui avoir retiré sa muselière. Il réalisait qu’il luttait pour sa vie. Les chasseurs étaient parvenus jusqu’à lui en empruntant l’ascenseur. Celui-ci devait donc fonctionner à nouveau. Il fallait essayer de le rejoindre, tenter sa chance une dernière fois.

   Le garçon se dirigea vers l’ascenseur à l’abri des regards, protégés par les grosses berlines. Il n’y eut bientôt plus qu’une vingtaine de mètres entre lui et la porte de l’élévateur. Mais il devait se déplacer à découvert. C’était le moment de se souvenir qu’il avait été champion universitaire de course à pied. Il bondit vers la liberté. Il entendit des aboiements furieux, une course précipitée : le chien se ruait vers lui à toute vitesse. Des carreaux d’arbalète volaient sans discontinuer. Des cris de rage retentirent à ses oreilles, juste au moment où il se glissa dans l’ascenseur, tirant la porte derrière lui. Était-il sauvé ?

A suivre...

Piotr appuya vivement sur le bouton du rez-de-chaussée. Rien ne se produisit. Le chien aboyait furieusement derrière la porte de l’ascenseur. Il essaya à nouveau de déclencher le mécanisme. Tout était bloqué. Les chasseurs devaient l’avoir coincé en le quittant. Le jeune homme n’eut pas le temps de penser à quoi que ce soit d’autre. La porte s’ouvrit brutalement, des mains le saisirent, puis le traînèrent sur le sol au milieu d’un groupe compact. La curée commença.

FIN


FIN ALTERNATIVE :  
   
Piotr appuya vivement sur le bouton du rez-de-chaussée. La lourde machine se mit en branle immédiatement. Quand elle s’arrêta, le garçon bondit hors de la cabine, puis courut vers la sortie. Celle-ci n’était heureusement pas gardée. En revanche, il perçut un grondement qui se rapprochait. Un véhicule des chasseurs sans doute, qui tentait de le rattraper en passant par la rampe d’accès. A bout de souffle, Piotr réussit à rejoindre la rue, se perdant immédiatement dans la foule. C’était le point final de son aventure souterraine, qu’il n’oublierait jamais.

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Je préfère la fin heureuse.