Quand j'étais un petit enfant
Mon père était fort et puissant
Robuste, solide et géant
Il était l'homme le plus fort du monde
Il me soulevait comme une feuille
Et me jetait en l'air en riant
Il m'enlaçait fort
Il m'embrassait très fort
Il m'aimait très très fort
Sa moustache me piquait
Je résistais comme un grand
Je voulais tant être un homme
Et ressembler à mon père!
Il m'a appris à être fier
Mon père était gai et débonnaire
Juste et sévère
Dur et indulgent
Intransigeant et clément
Souriant et bon vivant
Il croyait fermement
Que celui qui aime bien
Châtie bien!
Il répétait sans fin
L'adage marocain
"Le bâton est venu du paradis
Celui qui le reçoit s'assagit!"
Alors, pour m'éduquer
Moi, son fils ainé
Son devoir était de me rosser
Quelles belles raclées j'ai reçues!
Il m'a appris le respect
Quand mon père était en colère
C'était le tremblement de terre
Quand il parlait
Les murs tremblaient
Quand il riait
Il provoquait des raz de marée
Il avait bon appétit
Il aimait chanter et danser
Il était très hospitalier
Il conviait souvent des hommes à manger
En entrant avec ses invités, il toussait
Permettant à ma mère de se cacher
Ses invités dévoraient le succulent tajine au poulet
Se lavaient et rotaient
Sirotaient de bons verres de thé
Riaient et discutaient
Se levaient et partaient
Et moi qui les servais
Je me contentais des restes
Hospitalité marocaine oblige!
Il m'a appris à savoir donner
Mon père était un homme imprévisible
Quand il rentrait
Il apportait le soleil
Les courants d'air
Le plein air
Les bonnes surprises et le rire
De bonnes choses à offrir
Des bonbons, des fruits, du chocolat
En nous regardant nous gaver
Il était amplement satisfait
Et riait aux éclats!
Il m'a appris à partager
Mon père était un homme bon
Honnête, bon musulman
Croyant et pratiquant
Vivant paisiblement
Humblement, modestement
Son péché mignon:
Le grand écran
En me faisant aimer le cinéma
Il m'a appris à aimer la vie!
Il aimait raconter sa vie
Il racontait fièrement
Ses aventures, son enfance
Ses douleurs, ses souffrances
Ses voyages, ses peines
La misère, la famine
L'armée française
La guerre d'Indochine
Il en parlait avec nostalgie
Comme tous les anciens combattants
Évoquant le bon vieux temps!
Je buvais ses mots avec respect
Je l'adulais et le vénérais
Car il a souffert
Il a milité, il s'est battu
Pour son droit à la vie!
Il m'a appris à respecter la vie!
Il avait un seul rêve
Simple et accessible:
Fonder une famille
Avoir des enfants
Les aimer tendrement
Les éduquer convenablement
Les protéger farouchement
Faire d'eux de bons citoyens
Pour demain
Et en être fier
Comme l'aigle
Apprenant à ses oisillons
A voler!
Il m'a appris à aimer
Mon père était un homme exceptionnel
Trop pressé de rejoindre l'empire éternel
Il est parti modestement
Comme il avait vécu
Je n'avais pas eu le temps
De lui dire merci
Son départ m'a tellement blessé
Que la cicatrice ne s'est jamais effacée
Repose en paix, cher père
Désormais, tu vis dans mon cœur!
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!
merci et douce fin de journée Mostafa 
