Monsieur
J’ai une histoire à vous raconter
Ne soyez pas pressé
Et écoutez-moi bien
Jusqu’à la fin :
« Moineau / Le paysan
A un champ et sept enfants
Ils vivent dans une petite maison
Il ne pleut plus depuis longtemps
Moineau / Le paysan creuse la terre stérile
Avec ses doigts endoloris et frêles
Le sang coule et arrose le sol
Le chergui souffle sur son front
L’air est lourd et menaçant
Mais il attend
Il meurt à chaque pas
Entre la maison et le champ
Il meurt à chaque regard
Vers le ciel sans délivrance
Il meurt à chaque cauchemar
Il meurt à chaque soupir
Il meurt
Quand son attente devient sans espoir
Il vend son champ et sa maison
Au renard / Le féodal
Met ses enfants sur ses ailes
Et s’envole
Vers la ville / Jungle
Il travaille à l’usine
Du Lion / Le patron
Il travaille sans arrêt
Il n’a plus le temps de souffler
Les machines doivent tourner
Sur la route de son taudis
Il frôle la mort à chaque ruelle
Des serpents venimeux émergent des égouts
Et essayent de l’étrangler
Des ogres sortent des cheminées
Et veulent le déchiqueter
Des sorcières maquillées jaillissent de l’obscurité
Lui montrent leur corps nu
Le montrent du doigt en ricanant
Et se moquent de lui
Des monstres le guettent à chaque impasse
Et veulent le dévorer
Ils lui font peur
Il vole
La ville / Jungle est une prison
Il vole
Le danger est omniprésent
Il vole
Il a mal
Mal aux ailes mal à la poitrine
Mal au ventre mal à la vie
La nuit
Son corps meurt sur la natte
L’atmosphère est âpre
Sueur fumée asphyxie
Il transpire
Il tousse
Il étouffe
Le matin
Il se réveille avant le soleil
Trompe ses tripes
Avec du thé froid et du pain noir
Et revient à l’abattoir
Pour donner au Lion / Le patron
Un autre morceau de son corps
Une autre goutte de son sang
Un jour
Il tombe
Un sac de ciment sur le dos
Vieux, anéanti, épuisé
Malade, fini, vidé
Le voyant ainsi
Lion / le patron le chasse :
Son corps / Machine s’est arrêté
De produire de fonctionner
Il le chasse
Après cinq ans de prosternation
Cinq ans d’indignation
Cinq ans d’exploitation
Cinq ans de dénuement
Cinq ans que Moineau / Le paysan
Transporte des sacs de ciment
Qui font l’or du lion / Le patron
Cinq ans qu’il lape son sang
Liquide pourpre et succulent
Cinq ans
Aujourd’hui il le chasse
Et dit à ses chiens :
Ses fils voleront pour survivre
Il y a des prisons pour tout le monde
Ses filles se prostitueront pour subsister
Il y a des lupanars pour tout le monde
Cet enfer ne gêne guère Lion / Le patron
Alors
Moineau / Le paysan ouvrier se réveille
De son sommeil ancestral
Efface sa cécité
Et prend sa décision légale :
Ne plus plier l’échine
Devant Lion / Le patron !
Ce dernier crie à ses loups :
Jetez-le dehors
Il ne sert plus à rien
Et apportez-en un autre
Avec des biceps encore neufs
Des yeux peureux
Et du sang nouveau
Et n’en parlons plus
Affaire classée !
Moineau / Le paysan ouvrier veut protester
Mais Lion / Le patron devient plus méchant
Montre son regard omnipotent
Et rugit à ses charognards :
Arrêtez-le !
C’est un anarchiste
Un sadique
Un communiste
Un danger public..
Arrêtez-le !
Homme classé !
La nuit
Ses frères regardent son agonie
Qui émerge du gouffre de la ville
Ils écoutent
Le déchirement de ses muscles
Le jaillissement de son sang
L’écrasement de ses os
L’étouffement de ses cris
L’anéantissement de ses yeux
A l’aube
Les bourreaux terminent leur ouvrage
Se lavent les mains
Apaisent leur rage
Et rentrent chez eux
Pour le repos mérité
Ils ont la conscience tranquille
Ce n’est qu’un moineau de moins
Cela ne dérangera point le monde
Le ciel restera toujours bleu
Le soleil ne s’arrêtera pas de briller
Et la terre continuera de tourner
Mais
Moineau / le paysan ouvrier n’est pas fini
Il deviendra coquelicot
Il donnera la vie aux épis
Il embrassera le soleil
Et tous les moineaux du monde
S’uniront
Pour changer le monde ! »
Voilà monsieur
Mon histoire n’est pas finie
Je n’ai plus le temps de la terminer
J’ai vu Moineau / Le paysan passer par lÃ
Il a tourné à gauche
Il a enfin trouvé notre itinéraire
Je dois le suivre
Il a tourné à gauche
Venez avec nous monsieur
Tournez à gauche monsieur
A G A U C H E !
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!