La maison d'autrefois...
Le lourd portail de fer dont la couleur s'écaille
A gémit gauchement d'un long cri qui s'éraille,
Et gosier grimaçant, lentement s'est ouvert
Laissant voir les ronciers de son jardin désert
Un buisson d'églantier parmi les herbes folles
Languissamment perlait en frais parfums sucrés,
Le vent tout affolé faisait pleurer les saules
Qui jadis enchantaient l'ombre de nos étés
Tel un oiseau surpris d'être enfin libéré
Soudain silencieux, le temps s'est arrêté
Quand, fièrement parut la maison singulière
Dont les yeux ébréchés clignaient sous la poussière
M'approchant, lentement, de sa face souffrante
Dans le brouillard diffus d'un sanglot retenu,
Alors j'ai salué , d'une main hésitante,
Cette étrange bâtisse où nous avions vécu
J'ai caressé son flanc rugueux et décrépi
Cherchant du bout des doigts à calmer son ennui .
Dessous ce coeur de pierre , il m'a semblé surprendre
Un discret battement, léger comme la cendre
Léger oui si léger qu'il fallait pour l'entendre
Bien retenir son souffle, en cage le suspendre ...
C'était l'antique horloge au tic tac familier
Qui dérouillait pour moi son pesant balancier !
Une odeur de jasmin alors m'a pénétrée
Et j'ai revu tes yeux , rieurs comme autrefois,
Entendu de nouveau ta si petite voix
Plus chaude qu' un soleil attisant la marée
Puis , des bruits de couverts, d'eau gouttant dans l'évier,
Cavalcades de pas, joyeuses chevauchées ...
À l'heure du coucher Ô belles envolées
De moineaux s'emplumant à grands coups d'oreiller !
D'autres bruits encore , la vie qui s'époumone
La maison qui rayonne et s'éponge le front
Échevelant au vent ses rideaux de cretonne
Le bonheur bousculant les meubles du salon !
Tant de candeur , d'amour, de douceurs, de rires
Tant de rêves jolis, de secrets, de délires
Que les ans ont chassés en balayant le sol
Laissant notre printemps mourir à l'entresol !
Toi, vampire cruel des souvenirs sacrés
Ô temps qui plante au cou le croc noir des regrets !
Si je n'ai pu tourner la clef dans la serrure
C'est que je redoutais ton amère morsure !
Des heures j'ai guetté tendant ainsi l'oreille
Entassant du passé les fagots de bois vert
Ô retenir l'instant comme un présent offert
En capturer la fleur et le fruit en corbeille !
Puis les murs se sont tus, la porte à jamais close
A laissé ma pensée exsangue sur le seuil .
Alors, le cœur serré, contre la marche en deuil,
J'ai posé en partant le bouton d'une rose
Sans un seul aurevoir je me suis éloignée
Mais, en me retournant , derrière la croisée
Un instant, j'ai pu voir un curieux minois,
Ce visage d'enfant, c'était le mien ...je crois !
-Décembre 2015-