Oasis des artistes: Poésie en ligne, Concours de poèmes en ligne - 6528 membres !
S'inscrire
Connexion
Pseudo : 

Mot de passe : 


Mot de passe perdu ?
Inscrivez-vous !
Petites annonces
Qui est en ligne
95 utilisateur(s) en ligne (dont 87 sur Poèmes en ligne)

Membre(s): 2
Invité(s): 93

Ancolie, Sphyria, plus...
Choisissez
scan0045.jpg
HĂ©bergez vos images
zupimages
Droits d'auteur


Copyright



Index des forums de Oasis des artistes: Le plus beau site de poésie du web / Poésie, littérature, créations artistiques...
   Prose (seuls les textes personnels sont admis)
     RĂ©miniscences
Enregistrez-vous pour poster

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant | Bas
Expéditeur Conversation
Ghost
Envoyé le :  7/11/2016 18:08
Plume d'or
Inscrit le: 26/4/2013
De:
Envois: 654
RĂ©miniscences

Au coin d’une rue qui n’est pas la sienne, elle s’en va déposer des mots. Un coin sombre où les lumières ne pénètrent pas. Où elles ne viennent troubler le pesant silence de ses nuits longues et éprouvantes mais aussi de ses jours à la clarté feinte, qui ne le sont en fait que d’appellation. Oh oui, elle le sait bien, elle l’a tant dit et répété, les mots sont pour elle bien stériles, bien peu éloquents. Mais que faire quand on n’a d’autre alternative pour tenter d’extirper des profondeurs de ses entrailles, ne serait-ce qu’un semblant de ces maux qui se veulent, à tout prix, mots, qui épuisent jusqu’à la moindre des parcelles qui constituent cette contrée qu’est tout notre être.

Elle fait ce soir une halte, au creux de cette discrète encoignure qui lui sied bien. Car comme se le veut sa nature pusillanime, elle aime se cacher, même si elle dit rêver, au fond, de liberté au grand air. Mais qu’est ce que la liberté au fait ? Elle n’en a plus aucune idée… N’en a-t-elle jamais eu ?

Sa mémoire pâlit et s’estompe peu à peu, emportant dans son évanouissement les seuls et uniques moments qui aient compté, qui aient un jour donné un sens à son existence. La seule vérité dont ne peut douter son esprit confus et désemparé.

Le parfum des œillets s’évapore, se fond et se perd dans les acres senteurs qui se dégagent de son miroir. Et elle n’arrive plus à le saisir, le humer encore une dernière fois, comme pour accrocher le temps au velouté des pétales rougeâtres qui l’ont vue déployer les pétales douceâtres de son innocence. Les murs de la maison se voilent à ses yeux et elle est prise dans cet implacable et incessant tournis qui décoiffe sa raison ; Les murs fissurés d’antan ainsi que le sol rugueux qui a écorché tant de fois ses petits genoux sans les blesser ! Ses toiles dont elle était si fière ne sont plus qu’un vague souvenir ; Elle se remémore ces feuillets en carton qu’elle aimait récupérer sur des boîtes de savon vides, et ces restes de crayons qu’elle ramassait lorsque son frère et sa sœur aînés faisaient le ménage dans leurs cartables. Des petits bouts dont certains n’avaient même plus le bois qui protège la mine. Et cette cachette sous cet évier en béton que sa mère aux multiples talents, avait elle-même construit ... Puis…Tout se voile…

Elle ne se rappelle plus la disposition des arbres fruitiers dans le jardin. Elle aimait tant y grimper ou s’y balancer avec l’ange aux yeux azur… Il y avait les figues, les coings, les nèfles, les raisins… Ces fruits laissent à présent un arrière-goût bien amer dans sa bouche, amer comme le sont ses jours que sa mère peine à regarder filer dans une déraison presqu’exhaustive ! Un arrière-goût qui se sera sournoisement substitué à la douceur sucrée, jadis, pour elle, familière. Son jardin lui manque cruellement. À présent, elle n’a plus de jardin. Et elle ne sait même plus le dessiner, comme il lui apprenait si bienveillamment à le faire, lui l’artiste au talent inimitable. Et elle ne sait plus compter les jours, les fleurs, les oiseaux ou les insectes, comme il excellait à le lui apprendre, lui, le petit homme au génie inouï.

Elle ensevelit peu à peu, sous une amnésie non romancée, les visages et les noms. Les soirées d’hiver, au creux de son petit lit moite et inconfortable qu’elle a, un jour, à l’orée de l’innocence perdue, ingratement dédaigné. Puis les journées d’été, quand la maison grouillait de ce monde confus qui se pâme aujourd’hui dans l’oubli des jours qui furent, un temps, siens.

Elle ne reconnait plus les yeux de son père. Ils sont si tristes et mélancoliques depuis si longtemps déjà. Depuis qu’il a appris à pleurer sans pour autant verser des larmes, pense-t-elle. Lui, dont la robustesse et l’énergie faisaient systématiquement penser qu’il était inusable. Ses larges épaules vigoureuses ont pourtant fini par fléchir sous le poids des années et des affres qui s’y rattachent. Et le creux de sa poitrine fragilisée ne se veut plus, craint-elle, de faire office de refuge. Et elle ne sait plus à présent où se cacher quand elle a peur. Et elle a souvent peur.

Les yeux de sa mère ne la voient plus, bien que son cœur demeure cet immense océan où baigne encore sa progéniture. Elle voudrait lui donner les siens, qu’elle puisse admirer ses propres prouesses qu’elle a continué à accomplir, même avec les yeux fermés. Elle le voudrait, elle, la fille, pour qu’elle ne puisse plus voir son piètre ouvrage, fruit de son labeur laborieux !, qu’elle cesse de tenter d’éteindre davantage la flamme qui éclaire et entretient la mémoire des beaux jours. Celle-là qui n’a besoin, pour luire, de l’éclat du jour, mais bien de celui du cœur.

Elle voudrait raviver ses petits rêves aux couleurs du printemps, elle qui aimait tant l’automne ! Elle en avait tant. Elle aspirait à la verdoyante prairie des merveilles, quand du haut de ses petits ans fragiles, elle vouait un amour inconditionné aux couleurs tristes des feuilles qui se fanent et des arbres qui se dénudent. Cette étrange sérénité qui la caractérisait, telle parfois qu’elle faisait d’elle une enfant à la sagesse presqu’inquiétante, mais aussi cette mélancolie incompréhensible qui semblait souvent l’envahir, présageaient en fait, d’un avenir, pour elle, triste et douloureux.

De légers clapotements interrompent soudain ses réflexions et l’arrachent à ses rêvasseries. Elle se retourne pour voir et écouter la pluie tapoter à sa vitre. Un des rares moments d’allégresse qui lui subsistent de son enfance. Les yeux rivés au loin et faisant fi de tout ce qui l’entoure, ne percevant plus que les fins filets de cette bruine d’automne, elle suspend là ses pensées et cesse, pour un moment, d’exister à travers tout ce qui est matériel, pour basculer dans une dimension quasi-intemporelle.

cyrael
Envoyé le :  23/12/2016 7:23
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83220
Re: RĂ©miniscences
j ai lu, j'ai le coeur Ă  l'envers

bcp de tristesse dans cette prose

Cette étrange sérénité qui la caractérisait, telle parfois qu’elle faisait d’elle une enfant à la sagesse presqu’inquiétante, mais aussi cette mélancolie incompréhensible qui semblait souvent l’envahir, présageaient en fait, d’un avenir, pour elle, triste et douloureux.

douce pensée

bisous


----------------
EVELYNE NADINE maryjo 2O11

Par conversation | Les + récents en premier Sujet précédent | Sujet suivant |

Enregistrez-vous pour poster