Eveillée, je dormais, bercée par le doux chant
Des roses éléphants , qui sous un palmier nu
Secouaient le feuillage en voletant gaiement
Tandis que le soleil, beau vieillard chevelu
Dépeignait ses rayons un à un sous le vent
Le jour rasé de près tanguait sous son faux col
Et se mirait dans l'eau gazeuse de mon verre
Quelques miettes de nous dansaient la carmagnole
Sous le bonnet phrygien d'un matin à refaire...
Et je dormais toujours...de mes yeux grands ouverts !
Reculant, j'avançais en tâtons de babouches
Pour prendre un bon bol d'air au frais courant des heures
Tricotais la gambette en trompette de mouche,
Des échappées d'haleine, à m'essouffler le cœur
Devant toi j'exhalais mes bulles de vapeur !
Etait-ce la Toussaint ou bien la Chandeleur ?
Un pivert martèle le tronc de ma mémoire
Trépane mon cerveau de son rostre perceur
Veut que soit repriser le gilet de l'histoire
Mais j'ai perdu coton...aiguille, démêloir !
Oui ...j'étais devant toi, et tu me précédais
Ton ombre dessinait mille chinoiseries
Sur le papier dépeint en fond de penderie
Tu glissais sur le cintre où pend ma rêverie
Tu sautais à pieds joints dans mes souliers vernis !
Petit lutin lunaire avec toute une armée
De joyeux compagnons, jouant à tictaquer
Sur le cadran du temps. J'aime te voir danser,
J'aime écouter le chant des roses éléphants
Qui secouent le feuillage en voletant gaiement !
Pour étancher la soif de ce triste fêtard
J'ai vidé un tonneau sur sa face de troll
Il s'est mis à pleurer en cordes de guitare
En touches de pianos, en rondos mirasols*
Un beau capharnaüm, magasin de bazar...
Poche vide sous l'oeil, je me frottais les cils
Pas un sou de bon sens à donner à mes vers,
Pas le moindre rebond de rime au pied agile !
Juste ce doux mouton à la panse grossière
Qui broute sous mon lit quelques brins de poussière !
Voilà , c'est une histoire à s'endormir debout
De celle qu'on écrit quand les nuits sont à bout ,
Que muse dévêtue a pris un coup de froid
Je la sors du placard, juste pour cette fois...
Mais, j'étais à deux doigts de lui tordre le cou !
(* Fleurs de tournesol)