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Expéditeur Conversation
Benadel
Envoyé le :  15/4/2016 17:26
Plume d'or
Inscrit le: 26/3/2016
De:
Envois: 1384
Tout peut arriver
Tsunami, pourquoi l’as-tu emporté ?


Je connaissais Louis depuis l’école. Sans être particulièrement brillant, il tirait toujours son épingle du jeu. Quand nous jouions à colin-maillard et qu’il n’arrivait pas à mettre la main sur un copain, le coquin trouvait toutes sortes de subterfuges pour se trouver une porte de sortie. Il simulait soit une indisposition, soit un besoin impérieux. Mais il arrivait aussi qu’il lançait à ses camarades de jeu : « j’arrête de jouer, cet amusement ne m’intéresse plus ». Lorsque le maître interrogeait Louis sur une matière qu’il ne connaissait pas trop, son espièglerie le sauvait la plupart du temps ; cet enfant avait l’art de noyer le poisson en déviant sur un sujet qu’il connaissait sur le bout des doigts. L’enseignant avait beau le rappeler à l’ordre, la verve oratoire du gamin finissait par avoir raison de sa sévérité.


Louis, ton aisance n’a pas réussi à te sortir des griffes de Dame Nature. L’éloquence de tes paroles raisonne encore dans mes oreilles. La lame de fond de ta disparition a submergé ma suffisance. Elle a ébranlé mon existence. J’ai abandonné ma carrière politique. Dans mes discours, je recherchais avant tout à égaler ta volubilité ; ce que je racontais m’était bien indifférent. Mais à présent que tu n’es plus, à quoi bon chercher à te ressembler ? Alors je me suis engagé dans une association caritative. J’espère que mes actes seront gage de sincérité.


Lorsque j’eus terminé l’école primaire, je faisais des pieds et des mains pour entrer dans le même collège que Louis. Je ne voulais pas me séparer de celui qui était devenu au fil des années un vrai frère pour moi. Louis cherchait aussi ma compagnie car je le valorisais. Il y avait une forte complicité entre nous. Nous attirions les filles, chacun à notre manière. Louis, au physique plutôt ingrat, charmait ses copines par son sens de l’humour. Quant à moi, garçon plutôt bien fait de ma personne, je n’avais pas non plus de peine à aborder le sexe opposé. Nous nous présentions nos amourettes en nous faisant des clins d’œil. Notre grand plaisir, c’était de nous rencontrer dans un café et de discourir sur nos affaires. Nous ne nous privions pas d’épicer nos exploits de quelques gaudrioles.


Mer, tu as abîmé mon complice ; il gît dans les abysses d’un être, orphelin de sa connivence. Louis, mon âme solitaire remue ciel et terre pour trouver un camarade avec qui je puisse partager ton souvenir. Pourquoi l’imprévisible s’était-il jeté sur toi ? Je suis devenu un hibou qui rabâche sa douleur dans l’obscurité. Depuis que tu es parti, je fuis la foule. Toutes ces victimes qui t’ont accompagné dans ta dernière demeure, tous ces cadavres que l’eau a rendus méconnaissables prennent trop de place dans mon esprit. Je suis devenu proche des enveloppes hideuses cachant des âmes vertueuses. Elles me rapprochent des créatures sacrifiées sur l’autel de l‘injustice.


Louis et moi avions passé avec succès les examens de maturité. Nous entrâmes à l’université. Je m’inscrivis à la faculté des lettres. Quant à Louis, il entreprit tout naturellement des études de droit. Côté cœur, nous avions trouvé chaussure à notre pied mais nous attendions d’avoir passé la licence avant de nous mettre la corde au cou. Nous continuions à nous rencontrer régulièrement. Nos discussions frivoles avaient cédé leur place à une relation empreinte d’amitié et de sérieux. La vie estudiantine est émaillée d’ennuis pécuniaires, d’angoisses de l’échec ; la vie amoureuse est faite d’anicroches. Mais la cordiale relation réchauffait les froideurs de l’existence.


Louis, si j’avais été présent lorsque la camarde t’a enlevé, aurais-je joué avec ma vie pour te sauver ? Si j’avais dû choisir entre toi et un autre, mon choix se serait indubitablement porté sur ta personne, mais aurais-je supporté d’avoir ainsi influencé la mort, d’avoir usurpé le pouvoir de Dieu ? Ces questions sans réponse s’invitent dans ma tête à n’importe quel moment. Depuis ce cataclysme, je porte un regard condescendant sur les petites histoires mesquines des hommes mais je fulmine lorsque des irresponsables, esclaves de leurs ambitions personnelles, provoquent la désolation. Le fléau ronge nos certitudes.


Notre sympathie réciproque rayonnait sur les amantes que nous épousâmes dès l’obtention de nos diplômes. Les deux mariages furent célébrés le même jour, dans la même église, l’un après l’autre ; les mariés étaient conviés au même repas de noces. La camaraderie n’était nullement affectée par la vie conjugale que nous menions chacun de notre côté. Au contraire, toutes les occasions étaient bonnes pour nous réunir. Chaque anniversaire, chaque heureux événement servait de prétexte à des agapes. Les joyeusetés, les rires, les paroles sincères renforçaient notre attachement à la famille que nous constituions.


Terre, ton tremblement a bringuebalé la chaîne que nous formions. Les plaintes des proches de Louis m’ont transpercé jusqu’aux moelles. J’ai été abasourdi par le vacarme qui s’est élevé d’un torrent de larmes. Mon corps en sueur, leur âme en pleurs ont noyé mes plaisirs. Les rendez-vous avec la femme de Louis, Laure, ne sont plus si agréables. Mon épouse et moi-même sommes empruntés face à la tristesse de la veuve. Pour elle, nous sommes à présent des gens essentiellement différents, les circonstances nous ayant privilégiés. Cependant, nous entretenons, contre vents et marées, des relations suivies avec Laure. Une petite plaisanterie, une attention, un geste amical maintiennent hors de l’eau une amitié à bout de souffle ; je suis certain qu’un zéphyr viendra la ranimer le moment venu.


C’était le jour de la Saint-Sylvestre. Nous accueillions la nouvelle année autour d’une table. Louis leva son verre et lança à la cantonade :

– L’année prochaine, je me paie des vacances en Asie… en célibataire.


Un « ah » plein de sous-entendus provoqua l’hilarité générale.


– Ce n’est pas ce que vous croyez, nous avons décidé avec Laure de passer les vacances séparément. Nous avons besoin de nous retrouver. J’ai choisi l’Asie, elle, l’Amérique. La distance nous rapprochera encore plus à notre retour. La joie des retrouvailles pimentera notre bonheur, dit-il d’un ton passionné.


Louis, l’onde océanique a submergé vos amours. Pourtant les paroles que tu as prononcées subsisteront à jamais. Du creux de la vague, tes mots s’élèvent et parcourent la distance qui vous sépare dans la nuit éternelle ; ils soudent aussi nos cœurs.


Par un beau soleil printanier, nous longions le Rhône, tous les trois. Brusquement, Laure s’arrêta, ses yeux s’humectèrent, elle nous donna l’accolade et susurra à nos oreilles : « vous êtes mes amis, merci pour tout ». Depuis ce jour, nous sommes devenus un trio inséparable. Nous cherchons, encore plus que par le passé, à être ensemble. L’amitié est sortie grandie de cette épreuve et s’est muée en affection. Tout peut arriver.



Ougounnine
Envoyé le :  17/4/2016 12:49
Plume d'or
Inscrit le: 11/6/2009
De: Maroc
Envois: 563
Re: Tout peut arriver
Beau et triste texte très bien mené et plein d'émotions et de sincérité. Bravo.


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Pouvoir, c'est vouloir

Benadel
Envoyé le :  17/4/2016 15:17
Plume d'or
Inscrit le: 26/3/2016
De:
Envois: 1384
Re: Tout peut arriver
Merci Ougounmine.
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