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     Les odeurs de ma cousine
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Expéditeur Conversation
Mostafa
Envoyé le :  12/11/2015 22:38
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 2/5/2008
De: AGADIR.MAROC
Envois: 14894
Les odeurs de ma cousine
Cousine, douce et belle cousine, chaste et nubile ; cousine, fille légitime de la montagne fière et de sa terre légendaire ; cousine ô ma cousine, je t’en supplie, fais fi de ta pudeur paysanne et de ta timidité campagnarde et enlace-moi ! Serre-moi fort, très fort dans tes bras maigres et frêles ! Prends-moi dans tes bras et laisse-moi te humer, donne-moi le loisir de te sentir, fais-moi plaisir et laisse-moi te flairer comme ton chien, partout, de la tête aux pieds. Comme cela me fait du bien !...
Laisse-moi sentir tes odeurs naturelles, tes effluves sensuels, tes parfums capiteux ! Laisse-moi fermer les yeux et revenir à mes souvenirs ; fermer les yeux et revoir les splendeurs estivales de mon enfance : Je me revois, du haut de mes douze ans, vêtu d’un simple Tee shirt et d’un short, chaussé de Sandales artisanales, coiffé d’un chapeau de paille, appelé « Taraza » par les gens du Sud, mon bâton de berger à la main, en guise d’arme de défense contre tout danger éventuel (chien sauvage, scorpion, serpent ou autre bestiole de la montagne), me voilà prêt à l’aventure et à la conquête, à la surprise et à la découverte, à l’étonnement et à l’émerveillement : Derrière chaque arbre, dans chaque buisson, sous chaque pierre, derrière chaque rocher, se cachait un secret, un mystère fabuleux. Imbu de ma vanité citadine, je croyais naïvement que la montagne fière allait docilement se confesser, me raconter ses histoires merveilleuses, me confier ses secrets et m’ouvrir les portes de ses trésors. Je me trompais complètement, je me leurrais savamment. Mon Dieu, comme la montagne était grandiose, gigantesque et majestueuse et comme j’étais petit, prétentieux et insignifiant ! Tout m’émerveillait, tout m’aveuglait, tout m’éclaboussait, tout me fascinait, tout m’excitait. Chaque réveil était une merveille ; la vie éclatait et explosait partout. Les gens, les bêtes, les insectes, les plantes, l’eau, l’air, le vent, la terre ; Tous bénissaient le Tout Puissant, le remerciant à leur façon, pour cette nouvelle journée de vie dans la paix et la sérénité, la sécurité et la prospérité…
A peine levé, les odeurs matinales me requinquaient et me prodiguaient entrain, force, zèle et tonus. Accompagner ma belle cousine et ses voisines puiser de l’eau fraîche de la source de la rivière étrangement appelée « La Source de l’Ogresse » comme dans un conte de fées, était pour moi un plaisir matinal exceptionnel. Je revois encore ma cousine Fadma sur le chemin de la source, sa cruche sur le dos, modestement vêtue de son habit traditionnel des filles du sud. Sa frange berbère lui donnait un air mignon, ses yeux noisette lui donnaient un regard tueur, ses lèvres charnues lui donnaient un sourire exotique, ses joues roses étaient des fruits juteux, sa démarche naturelle lui donnait une élégance raffinée et exquise, sa voix venue d’ailleurs, son accent chantant lui donnaient l’aspect d’une amazone… Seul parmi ces jouvencelles chastes et nubiles, je me prenais pour le coq du village et ne pouvais résister à l’envie tenace de leur faire la cour, les taquinant et leur chuchotant des mots doux et langoureux. Je faisais appel à tous mes dons de séducteur. Ma maladresse, mon ignorance et ma nullité dans cette spécialité, les faisaient rire et se moquer ouvertement du petit citadin effronté qui se prenait pour Don Juan. Elles riaient. Leur rire éveillait les pierres, les arbres et la rivière. Les oiseaux chantaient plus fort, le soleil brillait plus fort, le vent soufflait plus fort, mon cœur battait plus fort. Mon Dieu, qu’elles sont jolies les filles de mon pays !

Cousine, douce et tendre cousine, cousine ô ma cousine, serre-moi et exhale ta fragrance ! Laisse-moi sentir l’odeur de mon identité ! Je veux sentir l’odeur des miens ; tous ces êtres si chers qui ne sont plus parmi nous, trop pressés de partir ! Comme je voudrais reconnaître l’odeur de mon père, l’odeur de ma grand-mère, de mes oncles, de mes tantes, de tous mes ancêtres qui sont nés, qui ont vécu et qui sont morts et enterrés dans cette terre digne et fière, dure et austère, rebelle et réfractaire… ça y est ; je vois… Je vois grand-mère me tendre le bol de soupe brûlante du petit matin. Je me vois souffler fortement, essayant vainement de la refroidir, impatient de la manger avant de passer aux autres délices et succulences du matin. Je sens l’odeur du pain chaud, l’arôme du café, l’odeur enivrante de l’huile d’argan et me vient la nostalgie mélancolique de ces matins d’antan quand j’étais cet enfant venu passer l’été dans le bled de ses origines paysannes. Comme c’était bon ! Comme j’ai envie de pleurer !

Cousine, belle cousine, chaste et mobile, cousine ô ma cousine, serre-moi fort ! J’ai froid. Accroche-toi à moi et ne me relâche pas ! Éveille mes émois ! Je sens en toi l’odeur du berger, l’odeur des moutons sortant le matin, partant au pâturage, guidé par le chien. J’adore l’odeur de l’étable, de la bouse de vaches, du foin… Ai-je raté ma vocation ? Suis-je venu au monde pour être fermier ?... J’aimais accompagner mon oncle et son troupeau à l’arganeraie pour une longue journée paisible de pâturage. J’adorais jouer au petit berger : Je jouais avec le chien, je chevauchais l’ânesse, je faisais la course avec les chevreaux, je chassais les écureuils et les oiseaux, je sautillais avec les sauterelles, je chantais avec les cigales, je coassais avec les grenouilles, je me prélassais dans l’ombre rafraîchissante d’un arganier et il m’arrivait même de roupiller. La terre était mon lit, le tronc de l’arbre mon oreiller. Le vent me caressait le front. Les moutons broutaient en paix ; cette paix divine nous couvrait et nous protégeait. A l’horizon, aucun danger. Ce n’était pas ce jour-là qu’un chacal affamé oserait attaquer nos brebis ! S’il avait eu l’audace de le faire, notre chien, constamment aux aguets, ne l’aurait sûrement pas laissé faire, le chassant vaillamment, accomplissant son devoir de chien de berger… Accompagner mon oncle au pâturage était un jour de fête, de quête et de conquête !

Cousine, merveilleuse et sublime cousine, cousine ô ma cousine, prends-moi dans tes bras ! J’ai tellement besoin du parfum de ton corps et de l’odeur de ta sueur. Laisse-moi m’enivrer de mes souvenirs : Petit Tarzan, je grimpais aux arbres fruitiers, attiré par le fruit le plus haut, le plus juteux. Je me gavais de fruits appétissants, assis sur une branche de l’arbre comme un petit sauvage ! Il m’arrivait de faire des chutes spectaculaires et douloureuses. Pas question de me plaindre ou de montrer le moindre signe de souffrance ; Tarzan ne tombe pas des arbres, voyons ! …
Rassasié de fruits bios, direction la rivière ! Pour supporter la fournaise caniculaire estivale, rien ne valait une bonne baignade dans l’eau fraîche de la rivière. Mon endroit favori était une piscine naturelle assez profonde pour la baignade. Mes cousins, mon frère et moi, nous plongions, nous nagions, nous pataugions, nous nous éclaboussions, nous folâtrions toute l’après-midi comme des fous. Nous oubliions tout. Le temps n’existait plus. Nous avions tout. Nous n’avions besoin de rien. Mon Dieu, comme je me sentais bien !…
Quand les villageoises venaient laver leur linge au bord de la rivière, plus question de baignade ! Désormais, la rivière leur appartenait. Je devenais un spectateur admiratif. Ma partie préférée du spectacle était après le lavage et le rinçage. Les femmes mettaient à sécher leur linge sur les rochers. En attendant qu’il sèche, elles ne s’ennuyaient point : elles chantaient. Leur chant me touchait profondément. Je ne comprenais pas les paroles en Amazigh mais c’était si troublant, si nostalgique, si mélancolique, si pathétique, si magnifique ! Il leur arrivait aussi de jouer dans l’eau ; Elles s’éclaboussaient, les unes trempant les autres en riant et en criant. Elles enlevaient leurs fichus et leurs cheveux noirs ébène ondulaient, fouettant l’espace et le temps. Leurs habits trempés leur collaient à la peau et exhibaient les formes et les contours de leurs corps. Ce spectacle capiteux et sensuel éveillait en moi tous les désirs du mâle en rut et j’admirais leur beauté et leur volupté, m’évertuant vainement à cacher mon émotion et la chaleur qui me faisait rougir comme les braises du désir qui me brûlaient de l’intérieur. Elles s’en doutaient, elles le remarquaient et riaient, espiègles et coquines ! Elles me savaient inoffensif, moi le petit citadin anodin … Elles riaient sans gêne et sans honte aucune. Leur rire féminin faisait éclore les fleurs, luire le soleil, frémir les caroubiers et rire les saules pleureurs…
Leur linge enfin asséché, elles le rangeaient dans des baluchons qu’elles mettaient sur leurs têtes et disaient au revoir à la rivière qui semblait ravie et enchantée de leur visite. Elles partaient en chantant et en poussant des youyous stridents, me laissant seul, dans un état d’ébriété vertigineuse. Je restais là, assis sur les galets de la rivière, le regard hagard, absent, égaré, ensorcelé. Je ne savais plus où j’étais, d’où j’étais venu, où j’allais. Je ne savais même plus qui j’étais. Mon Dieu, qu’elles sont belles les femmes de mon pays !

Cousine, douce et tendre cousine, cousine ô ma cousine, enlace tendrement ton cousin et aie la clémence et la patience de le laisser te humer fortement. Laisse-le inspirer goulûment ton haleine et faire un retour en arrière pour se souvenir… oui, je me rappelle. Je me rappelle les senteurs de la nature, je me rappelle les formes et les couleurs, je me rappelle toutes ses splendeurs et je pleure… comment pourrais-je oublier toutes ces odeurs ; celles du thym, du henné et du basilic ; celles des figues juteuses et des lauriers roses ; celles de la menthe et de l’absinthe… Comment pourrais-je oublier ces senteurs ; celles de la lavande et du jasmin, du citron et de l’orange ; celles des roses et de toutes les fleurs sauvages ; celle des pâturages et des villages ; celles des plantes et des bêtes ; celles des choses et des êtres ; les odeurs de la vie dans toute sa splendeur !

Cousine, tendre et douce cousine, chaste et nubile, cousine ô ma cousine, étreins-moi longuement et laisse-moi me soûler de tes odeurs ; celles de la montagne fière !
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Agadir, le 10/11/2015


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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rĂŞvant de sa mie!!!

Ougounnine
Envoyé le :  17/11/2015 15:18
Plume d'or
Inscrit le: 11/6/2009
De: Maroc
Envois: 563
Re: Les odeurs de ma cousine
Une prose poétique, enchanteresse, musicale, coloriée, pleine de senteurs et de belles odeurs. Il nous rappelle une enfance heureuse, angélique, faite de fraîcheur, d'innocence et de spontanéité.
Un moment de profonde lecture d'une rare beauté !
Merci et bravo l'artiste !


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Pouvoir, c'est vouloir

Honore
Envoyé le :  24/11/2015 15:55
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: Les odeurs de ma cousine
J'ai été subjugué par la chaude candeur de ces aveux dans un décor que vient sublimer la nature .
HONORE
cyrael
Envoyé le :  2/12/2015 17:56
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83516
Re: Les odeurs de ma cousine

j ai aimé vous lire


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Rosaly
Envoyé le :  23/12/2015 0:54
Plume de platine
Inscrit le: 15/1/2015
De:
Envois: 2331
Re: Les odeurs de ma cousine
Un texte magistralement écrit, un plaisir intense à vous lire...quel talent et quelle sensibilité!



Difficile de vous exprimer à quel point j'ai aimé cette prose si imagée , odorante et colorée.
Merci pour ces beaux souvenirs d'enfance évoqués d'une manière originale et infiniment poétique!!!

Amicalement,
Rosaly
adn
Envoyé le :  1/1/2016 12:22
Plume de diamant
Inscrit le: 24/6/2007
De: Landes
Envois: 17432
Re: Les odeurs de ma cousine
Ah mon ami, que de souvenirs de vacances d'été remontent en moi, à la lecture de ton merveilleux texte. Car, moi aussi, je me retrouvais à la campagne, pour un mois, avec une vingtaine de cousins et cousines ! Et c'était le bonheur.
Bonne et heureuse année mon cher Mostapha.
Adn


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Mostafa
Envoyé le :  9/2/2016 12:51
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 2/5/2008
De: AGADIR.MAROC
Envois: 14894
Re: Les odeurs de ma cousine
Ougounnine Honore cyrael Rosaly adn

Merci, mille mercis, mes chers amis, d'avoir eu la patience de lire ce texte si long!
Merci, mille mercis pour vos beaux commentaires!
Amitiés sincères!


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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rĂŞvant de sa mie!!!

tramontane
Envoyé le :  2/3/2016 19:58
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 3/8/2009
De:
Envois: 10183
Re: Les odeurs de ma cousine
cher Mostafa..me voilĂ  revenue vers vous tous ..timidement .encore vĂŞtue deqq chagrin.
J'ai picoré un peu partout..et comme j'ai écrit un petit conte(Oh! un petit texte !) ,,j'ai farfouillé dans le coin..- Je suis plutôt poème
Et bien sûr comme au temps jadis..Tu m'as époustoufflé !!
Il y a tout dans ces lignes...de la tendresse, de la beauté..les merveilleuses mirettes de l'enfance..De l'AMOUR !!
ce futur jeune homme qui s'évéille.la beauté de la femme et de la nature
Bravo Mostafa..tu détiens la clef des mots..Amicalement Josette.
Mostafa
Envoyé le :  6/5/2016 20:11
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 2/5/2008
De: AGADIR.MAROC
Envois: 14894
Re: Les odeurs de ma cousine
Citation :

tramontane a Ă©crit :
cher Mostafa..me voilĂ  revenue vers vous tous ..timidement .encore vĂŞtue deqq chagrin.
J'ai picoré un peu partout..et comme j'ai écrit un petit conte(Oh! un petit texte !) ,,j'ai farfouillé dans le coin..- Je suis plutôt poème
Et bien sûr comme au temps jadis..Tu m'as époustoufflé !!
Il y a tout dans ces lignes...de la tendresse, de la beauté..les merveilleuses mirettes de l'enfance..De l'AMOUR !!
ce futur jeune homme qui s'évéille.la beauté de la femme et de la nature
Bravo Mostafa..tu détiens la clef des mots..Amicalement Josette.


Je suis ravi de te voir de retour!

Je suis heureux que tu aies aimé ce texte!

Je suis impatient de lire tes poèmes!

Amitiés sincères!


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