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     Les toilettes du tribunal
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Expéditeur Conversation
Ougounnine
Envoyé le :  2/10/2015 9:52
Plume d'or
Inscrit le: 11/6/2009
De: Maroc
Envois: 563
Les toilettes du tribunal
Nouvelle d’Abdelmajid Rafiî – Maroc – 2015
Traduit de l’arabe par Ougounnine

J’allais souvent au tribunal correctionnel de ma ville, soit pour répondre à une convocation en tant que témoin, soit pour assister à une séance concernant un proche, pour m’acquitter d’une amende ou pour toute autre raison. Et j’ai remarqué depuis ma première visite à ce palais de justice – c’était le nom préféré de ce tribunal - que dès mon premier pas dans le hall, une certaine tension me traversait et une certaine appréhension me cernait, puis cette tempête se stabilise dans mon ventre et une petite douleur qui se mue rapidement et je sens un besoin pressant d’aller aux toilettes. Sur le seuil de celles-ci, mon ventre se ramollit et je me soulage avec facilité en remerciant le WC, ses bienfaits, ses services et sa bonté et je repars après, ventre et tête vides. Jusqu’à cet instant je n’ai pas pensé une seconde que j’étais sur le point de faire une étrange découverte qui n’était pas du domaine de la médecine interne ou alternative et que j’étais à deux doigts d’ajouter une pierre utile à l’édifice de la psychologie.

Après la seconde visite, la troisième et la quatrième, j’ai découvert que mon intuition n’a pas menti et j’étais sûr que dès que mes pieds foulaient le sol du tribunal et que je passais le détecteur de métaux, mon corps répondait aux énergies du lieu et mon air communiquait avec celui du tribunal qui envoie un signal à mon ventre qui bouillonne et demande d’être mené vite fait au plus proche lieu d’aisance. J’en ai déduit que j’ai mis le doigt sur la voie de la découverte de la plus rapide guérison et du médicament le plus efficace et le moins cher contre la constipation. Je suis sorti cette fois-ci tranquille, joyeux et ravi de ma découverte et dès le soir, j’ai commencé à diffuser ma découverte. Au début, je l’ai communiquée à mes proches puis à mes amis puis aux voisins et ensuite je l’ai publiée sur mon blog pour qu’elle profite au plus grand nombre des concernés et j’ai averti oralement et par écrit que ce traitement ne convient pas aux cardiaques, ni aux femmes enceintes dont le terme n’est pas encore atteint pour qu’elles ne fassent pas de fausse couche. Alors qu’en ce qui concerne celles qui veulent avorter et celles dont la grossesse a atteint les neuf mois et qu’elles trouvent des difficultés à délivrer, il fera office d’une injection.

Le gardien posté à la porte du tribunal observait la progression du nombre de visiteurs et a cru au début à une recrudescence de la criminalité et du nombre d’altercations et à la rareté des séances de réconciliation. Mais après son interrogatoire - illégal- de certains visiteurs et après les avoir fait parler, mon nom a été cité et ma description faite et il est arrivé à moi avec l’aide de certains constipés et un matin, il m’a arrêté, m’a attiré au WC et m’a dit, à mon grand étonnement : ‘quel est ton avis si nous fermions ces toilettes ?’
J’ai répondu avec sang froid : ‘cela relève des prérogatives des responsables de la maintenance du tribunal et je ne crois pas être d’aucune utilité et si tu as besoin d’aide, il faut faire appel aux forces auxiliaires’. Il m’a répondu sur un ton de menace et de chantage : ‘ha ha ha… tu as un sens de l’humour en deçà de la moyenne, écoute, je vais nous faire l’économie d’une discussion et aller droit au but…je veux la moitié de ce que tu touches en arnaquant les gens.’
Je lui ai répondu cette fois d’un air moqueur: ‘tu es un simple portier ce qui signifie pour moi que tu dois rester près de la porte et ne plus bouger. Et sache que je ne reçois rien de personne pour que je le partage avec toi !’
- Je peux participer au travail si tu changes d’avis
- Et comment cela monsieur le portier ?
- J’indiquerai avec joie à celui qui me le demande où se trouvent les toilettes et lui épargnerai ainsi l’effort de recherche.
- Tu perds ton temps et le mien, je te conseille de prêter attention à ta porte et veiller à ce qu’aucun pétard d’enfant ou morceau de tôle n’échappe à ta vigilance.
J’ai mis un point final à notre échange et je suis parti alors que ses dernières paroles me suivaient : ‘tu le regretteras beaucoup, Abdessamad.’
- Zut ! Il connaît mon nom… Je ne me suis pas inquiété outre mesure, ce n’est pas rare que des inconnus connaissent mon nom. Je suis sorti du tribunal et j’ai traversé la rue au trottoir d’en face et je me suis arrêté pour attendre un taxi afin de rentrer chez moi. J’ai préféré par la suite me tenir hors de la vue du gardien quelques semaines en espérant qu’il m’oublie.

Mais un beau matin, j’ai reçu une convocation de l’arrondissement de police et j’y suis allé espérant qu’il s’agit d’une erreur ou d’un malentendu, et lorsque je me suis présenté devant le commissaire de police j’ai trouvé l’accusation complète en train de bouillir à feu doux : exploitation d’un lieu public à des fins personnelles, commerce illégal sans autorisation écrite des services compétents.
J’ai dit : ‘Je refuse le principe de ces accusations monsieur le commissaire, je n’ai pas de profit ni privé ni public et je ne reçois aucune contrepartie de quiconque’, mais il a continué : ‘une plainte civile a été enregistrée à ton encontre de la part du syndicat des médecins et des pharmaciens professionnels et aussi des ouvriers chargés du nettoyage et des utilisateurs des égouts de la ville’… Je me suis alors rendu compte que ma présence ici n’est pas due au hasard et que le portier est l’instigateur de toute cette affaire.

Le commissaire a terminé en signant le procès verbal de l’accusation après ma signature corroborant mes dires, puis il a ajouté : ‘mon fils, le tribunal n’est pas un pissoir ou un WC pour malades, c’est un palais de justice’. Son éloquence m’a plu et surtout sa théâtralité. Je lui ai rétorqué en défendant la justesse de mon point de vue et lui ai dit donné un exemple : ‘si nous savons par expérience que les cheveux d’un directeur d’école peuvent guérir la poliomyélite est ce qu’on va hésiter à les couper et à soigner’…mais il m’a coupé la parole avant que je ne termine mon explication et a ajouté l’accusation de moquerie et de ridiculisation de la justice à la liste des accusations et mon compte s’en est trouvé alourdi et je me rendis compte que j’étais dans de beaux draps. Avant de quitter le bureau du commissaire, ils ont amené un autre accusé et j’ai découvert après qu’ils aient consigné son procès verbal d’accusation, qu’il faisait face aux mêmes accusations que moi et qu’il était poursuivi par les mêmes syndicats et associations qui m’avaient accusées car il exerçait ses activités à la cour d’appel et qu’ils ont ajouté l’accusation d’escroquerie car il utilisait des méthodes illégales pour faire chanter ses victimes et s’enrichir à leur dépens. Ils nous avaient réunis pour s’assurer s’il y avait ou non intention de constituer une bande.

Chacun a maintenu ses déclarations devant le juge qui a prononcé mon acquittement car la respiration de l’air du tribunal n’était pas un crime ni même un délit, mais je fus tout de même condamné à verser un dirham symbolique. Il a condamné l’autre accusé à la prison ferme.
A partir de ce jour, je me suis fourni en médicaments à la pharmacie chaque fois que je fus constipé, le portier fut promu chef des portiers, la porte du tribunal rattachée à la fonction publique, les toilettes scellées à la cire rouge et des virus ont envahi et ont complètement détruit mon blog. Je suis devenu un bon citoyen sans défauts sauf celui d’aimer boire du thé au café en face du tribunal.


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Pouvoir, c'est vouloir

Honore
Envoyé le :  4/10/2015 10:56
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: Les toilettes du tribunal
Étonnante récit sur les bienfaits des tribunaux .
HONORE
Mostafa
Envoyé le :  6/10/2015 0:18
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 2/5/2008
De: AGADIR.MAROC
Envois: 14894
Re: Les toilettes du tribunal
J'ai beaucoup apprécié le souffle de l'absurde qui émane de ce récit si bien écrit qu'on oublie qu'il est traduit!
Bravo pour cette belle traduction, mon cher!




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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!

Ougounnine
Envoyé le :  9/10/2015 15:49
Plume d'or
Inscrit le: 11/6/2009
De: Maroc
Envois: 563
Re: Les toilettes du tribunal
HONORE Mostafa
Merci d'avoir pris le temps de lire et de commenter cette nouvelle.


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