Le militant vint au bar un soir
Vint vomir ses déboires
Vint refouler son désespoir
Pour un soir
Il but jusqu'Ã ne plus voir
Ne rien sentir, ne plus concevoir
Ne plus être sûr, ne plus savoir
Ne plus penser, ne plus croire
Ne plus vouloir, ne plus pouvoir
Boire!
Dans cette brumeuse atmosphère
Les ivrognes burent et chantèrent
Les prostituées s'esclaffèrent et dansèrent
Emporté par le vin et la bière
De manière ostentatoire et grossière
Un soulard embrassa une catin ivre
La catin ivre embrassa l’homme ivre
Ils s'embrassèrent
S'embrassèrent langoureusement
S'embrassèrent amoureusement
Comme de vieux amants
Les autres les laissèrent faire
Les regardèrent sans rien dire
Puis ils les applaudirent
Applaudirent très fort
Et rirent
Rirent bruyamment
Rirent indécemment
Ils sifflèrent et encouragèrent
Dirent des expressions vulgaires
Obscènes, sales, ordurières
Et s'en réjouirent
Ils gloussèrent
Se tordirent de rire
Se délectèrent, s'épanouirent
Arrogants, répugnants, délétères
Le militant se mit en colère
Et toisa les hommes d''un air sévère
Ces machos pour qui la femme n'est qu'une femelle
Lascive, appétissante, concupiscente et sensuelle
Faite pour assouvir leurs désirs sexuels
Quelles ignobles et abominables bêtes!
Le militant devint un poète
Et s'emporta telle la tempête
Au beau milieu du bar
Le militant entama son réquisitoire
En injuriant son auditoire
Il traita ces ivrognes de détraqués sexuels
De frustrés, de monstres abominables et cruels
Et leur gâcha la fête!
Il clama l'émancipation de la femme
Ses droits et son égalité avec l'homme
Et somma les ivrognes de respecter ces femmes
De les vénérer, de les aduler et de les idolâtrer
Et de ne point les exploiter
Comme de vulgaires objets de désir
Que l'on peut facilement acquérir
En donnant l'argent nécessaire!
Les ivrognes se mirent en colère
Et s'indignèrent
Ripostèrent en chœur
Vomissant leur rancœur
Ils lui dirent que les femmes du bar
N'étaient ni leurs épouses ni leurs mères
Ni leurs filles ni leurs sœurs
Qu'elles ne faisaient que leur devoir
Leur métier étant de séduire
D'allumer et de satisfaire
Les désirs de la chair
Des hommes pleins de bière
D'ailleurs
Elles le faisaient sans plaisir
Uniquement pour fuir
Les crocs de la misère!
Ils lui expliquèrent clairement
Que le bar n'était pas un lieu de révolution
De militantisme, de sédition ou de rébellion
Mais celui des loisirs, des plaisirs et des divertissements
Et s'il était réellement un fervent militant
Il devrait aller clamer ses revendications
En manifestant en sit-in devant le Parlement!
Et pour clore cet incident
Ils le firent sortir du bar
Le jetèrent sur le trottoir
Et retournèrent à leur ivresse
A leurs jouissances
A leurs réjouissances
A leur danse, à leur allégresse
En compagnie de leurs maîtresses!
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Agadir, le 22 / 1 / 2014
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Ma vie n'est plus une barque dans une mer enragée
Et je ne suis plus le naufragé!
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Mostafa, point fat, seul, las, si doux, rêvant de sa mie!!!