Comme je fus contraint, je le suis de nouveau…
D’abord longtemps réduit à ce plaisant silence
Que pouvait consentir l’indifférent caveau
A ce que doit la vie Ă la mort de licence.
Ermite malgré moi je vécus dans les vers
Apaisant ma gangrène à la source d’un verbe
Qui sut faire fatals de douloureux revers
Et muter en amour une rancœur acerbe.
Mais voilà qu’aujourd’hui quatre coups de tocsin
Ecarquillent les yeux cernés de l’aventure
Dans la jungle en folie et le relent malsain
Qu’exhale le « roi nu » en morbide posture.
J’ai ainsi renoncé à des bonheurs montés
Sur le bon dos du temps des intimes Ă©preuves
Soutenus par des vers joliment tourmentés
Comme aiment Ă chanter les ruisseaux et les fleuves.
Comme je fus contraint, je le suis de nouveau
Solitude cédant à la sollicitude
Le rebelle sait-il ce que poète vaut
Au cœur de sa tribu et dans la multitude ?
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Et ma tribu qui crie Ă en perdre la voix :
« Au voleur!» Par-delà l’urne des impostures
Républicain écrin pour de totales lois…
Royales de facto… Léonines boutures…
Et ma tribu qui gueule et pleure sous un ciel
Si bas Ă gondoler les Ă©chines esclaves
Qui bradent leur honneur pour un infâme miel
Tiré du sang ancien de la terre et des braves.
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A quoi cela sert-il d’aller tambour battant
Ou encore en vainqueur suivant la martingale
Lorsque l’impotent roi, toujours omnipotent
Exige du sang frais pour calmer sa fringale ?
Le peuple a ce pâteux qui fausse son désir
N’ayant droit de Cité et rêve de Commune
Et le levain censé quelque peu l’épaissir
Ne gonfle que les os blanchis de l’infortune.
Mais détenant pour sûr ce pouvoir absolu
De faire violence Ă son ataraxie
La loi du nombre sert le puissant dissolu
Puis comme le serpent constricteur l’asphyxie.
C’est cette vérité qui entretient l’espoir
Et qui me fait chanter l’aurore enchanteresse…
Que dure ce que peut lumière dans le noir
Et que dure le songe en l’ultime détresse !
Si le peuple est atteint de grave mutité
Et s’il ferme les yeux sous les fortes lumières
Il n’en aime pas moins les mots en liberté
Qui font beaucoup rêver jusqu’au fond des chaumières.
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Et ma tribu huant la médiocrité
Qui ternit les couleurs de l’auguste bannière
Et le sombre dessein de faire charité
D’une res publica voulue bananière.
Et ma tribu qui gueule et pleure ses petits
Qui ne trouvent un sens à donner à leur sève
Et qui s’en vont noyer leurs rêves décatis
Pour périr avec eux… Alignés sur la grève.
A.Alloun.
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Prière ne pas remonter mes anciens textes, merci
Le tagastin: quand on vit d'amour et de vers, il faut assumer ses coliques!