Plume d'argent   Inscrit le: 14/11/2011 De: Envois: 357 |
Nouvelle 5 Savetier ou financier
Chapitre 1
Décors
Le Phénix de ces bois s'ennuyait dans une petite ville de province; mais tel était son Lot, il gouvernait par défaut. Il rêvait de plus haut.
Il magnifia sa petite ville, créa moult crèches et moult brèches dans les finances de sa bonne cité, style médiéval, nouveau Perceval sans cheval.
Partout régnaient les fleurs multicolores, partout régnait la joie de vivre; pas un citoyen n'oubliait de louanger le seigneur du lieu: ce Phénix ressuscité par certains culs de bénitier.
Bref, tout le monde y vivait heureux, se nourrissait des fraises dont ils étaient producteurs, la vie continuait, fleuve lent et tranquille dans la vallée bénie des Dieux.
Phénix vivait à l'aise. Il se présenta aux élections cantonales, puis départementales, puis nationales. A chaque fois il fut l'élu du peuple; il monta à Paris, dangereuse ineptie, je vous le confie, mais lui croyait en ce vieil adage, nul n'est roi dans son pays....
Chapitre 2
A nous deux Paris
Un certain jour de Mai, au moment du muguet, notre Phénix fut appelé à Paris par la grâce du roi nouvellement élu par le bon peuple de France; tout le monde parlait d'un roi hollandais dont l'emblème était tout naturellement l'orange et non point la rose comme tout à chacun le prétendait au cours des micros trottoirs à l'eau de rose.
Phénix se sentit des ailes; il arriva en la capitale, accompagné de fracassantes cymbales.
Jours de liesse et pétards pour accompagner le début d'une nouvelle ère, celle où l'on rase gratis et où l'on passe le plus clair de son temps à critiquer et à geindre sans arrêt.
Phénix fut nommé grand argentier du pays. A lui fut confié la gestion du budget de notre grande nation écrasée de dettes et de soucis, immense puits.
Rayonnant, notre héros se tenait sur le devant de la scène, cahier à la main, il retranchait ou ajoutait un petit rien à celui qui quémandait, l'un un projet pharaonique, l'autre quelque menue somme pour investir dans une invention. Phénix n'y allait pas de main morte: demandez, on vous exaucera, telle était la devise du délégué du roi.
Mais son avenir ne tenait qu'à un cheveu car il regarnissait les crânes dénudés et soumis aux affres de notre climat tempéré. Bref Phénix continuait ses lucratives activités au pays des demeurés; ceux qui croient que l'on peut rester éternellement jeune, beau, fringant et clair du cerveau.
Chapitre 3
Tel l'intendant Fouquet, il menait grand train: hôtel particulier, limousine capitonnée, chauffeur attitré ; il devint roi de la jet set.
Tout lui était bon: un jour à Moscou, l'autre à Berlin où il vendait ses cheveux à tout crin.
Notre homme continuait à s'enrichir mais point ne faut en rire à en mourir. L'ambition corrompt plus que l'acide. Il ne savait plus que faire de ses millions, il les transféra en Suisse, puis à Saint Gapour: bref, je ne sais plus exactement où mais vous qui suivez l'affaire avec anxiété, certainement vous le savez.
Chapitre 4
La méchante fée du logis
Un beau jour, madame décida donc de divorcer; elle ne supportait sans doute plus les frasques de son digne époux et introduisit une demande de divorce auprès des autorités compétentes selon les bruits courant de par le pays: Phénix était trop ostentatoire, considérait les finances publiques comme étant de sa propre propriété. Bref il se conduisait comme un roi, comme Kadhafi, Ben Ali ou encore le Mou Barak. Il fallait qu'il planquât les deniers durement gagnés dont il regorgeait.
Bref, il voulut se mettre à l'abri de tout souci.
Fatiguée, éreintée, sa moitié demanda le divorce; l'affaire ainsi se corse, expression consacrée.
Monsieur était réticent car alors il devait partager le gâteau et ce dernier était important. Phénix ne céda en rien du terrain. Son épouse non plus, guerre rabelaisienne pour un couple qui jadis se maria par amour, éternel discours, éternel retour.
Un journaliste mit alors la main sur des documents confidentiels qu'il communiqua à un public toujours amateur vorace de récits people.
Coup de tonnerre sur Oklahoma, Monsieur nia, le journaliste persista: éclats et fracas au pays des coups bas.
Monsieur dût, avec honte admettre qu'il possédait un compte en Suisse et sans doute un autre à Saint Gapour, capitale des comptes cachés.
Le mal était fait. Monsieur continua à nier jusqu'au moment où il dut admettre ses erreurs et ses coups fourrés.
Chapitre 5
Déchéance
Phénix ne put s'envoler, englué dans des combines peu catholiques aurait dit un chrétien peu pratiquant le Vatican.
Monsieur dut donner sa démission: du jour au lendemain, il fut démis de ses fonctions; il dut rentrer à la maison, dans son pavillon déserté par sa moitié qui s'était envolée avec le porte-monnaie débordant évidemment d'espèces sonnantes et trébuchantes gagnées à la force du poignet.
On ne sut jamais ce qu'il advint de Phénix ; on parla de tentative de suicide. Vous en doutez, moi aussi je ne vous le cache pas, c'est ce que je suppose.
Certains mentionnèrent un savetier qu'ils avaient retrouvé quelque part dans une grotte de Corrèze.... rien n'est cependant exactement certifié... allez donc savoir ce qui s'est réellement passé: je vous récompenserai en mentionnant votre nom dans ce document qui devra rester sous scellés, si vous pouvez le renseigner.
Le seul indice que les autorités découvrirent fut ce qui suit, dans un cimetière, sur une tombe anonyme, jamais fleurie; je vous le communique; bonne lecture; et si celà peut éclairer votre lanterne en ces temps obscurs. Les découvreurs nommèrent ce texte: Savetier ou financier; vous vous étonnez ?
Tant mieux car ce cas douteux restera ténébreux pour maints manants porteurs de ragots et médisant à qui mieux mieux.
Tant pis pour les curieux, pour ceux qui veulent tout savoir même ce qui restera à jamais enfoui dans les mémoires : secret d'histoire, loi de l'omerta.....
Finita la musica.
Savetier ou financier
Phénix vivait sur un grand pied
Son ambition démesurée l'emportait
Vers les sommets de la cupidité;
Il devint du royaume grand argentier.
Notre Phénix enrubanné n'était pas rassasié;
D'argent, il craignait toujours de manquer,
Il poursuivit ses activités de savetier
Pour lui étaient trop serrés les souliers;
On le surnomma le Zapatero français.
Il grimpa jusqu'au faîte de l'arbre fruitier,
De là -haut, il n'avait rien à redouter.
Il resplendissait devant son peuple extasié,
Eblouissait l'univers agenouillé à ses pieds.
Mal lui en prit, un jour la branche menue
Ne put supporter le poids de ses vertus
Elle se rompit, éclata, par la pluie meurtrie;
Phénix chût, de ses contempteurs à la merci.
Zapatero (esp) = cordonnier
10/4/13
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