brirob a écrit :
Nouvelle 4

Pas de quoi en faire un plat


Vaste débat qui aime les chapelles rebelles à la modernité. La terre, à votre avis, est elle encore ronde ?

Une preuve de plus que l’obscurantisme reprend ses droits sur une terre qui ne tourne plus rond. En doutiez-vous encore ? En voici la preuve, si cela était encore nécessaire.

La terre est plate, vous le savez depuis que les spationautes en font le tour en une heure trente. Vous avez pu le constater de visu sur votre écran télé. Tout ceci est leurre, mais il ne faut jamais le prétendre à l’heure de vérité bien sûr. Ces aventuriers du ciel ont menti. La terre est plate : c’est ce que je déclare publiquement aujourd’hui devant le jury chargé de vérifier la véracité de mes allégations.

Roulements de tambour….troubadours, à la parade des platitudes, autre attitude, descendez de votre altitude et oubliez vos turpitudes.

J’imagine le désarroi des savants chargés d’explorer la terre de là haut, à une altitude vertigineuse. Que dire des interrogations des équipages entraînés pendant des années pour effectuer dans l’au-delà une mission de quelques jours ?

Ma mouchkila ; pas de problème : c’est dans le cerveau que la terre est devenue plate, galette des rois de l’absurde. Les idées aplaties, écrasées ; l’homme ne peut plus prendre de hauteur, il est collé à la glèbe adhésive et glissante, voire gluante de l’ignorance latente de l’homme et de sa paresse à imaginer. Il est incapable de s’élever, tétanisé par ce qu’il voit, il ne sait plus rêver, prisonnier de ses sens premiers, là où les sens crient leur vérité.

Le ciel prend sa revanche, seul le perceptible, le sensible est là. Adieu les envolées lyriques et les rêves fous des frères Wright qui voulaient que l’homme perdît du poids pour quitter ce qui lui était le plus précieux : ce vache de plancher qu’il a tant de mal à oublier.

Laissez la tourner, cette terre que nous martyrisons tant. Cela fait des millénaires qu’elle nous entraîne dans ses paraboles, hyperboles équilatères bien réglées qui atterrent, ajustées et ordonnées. Imaginez cette boule transformée en pâte à tarte plate et écrasée : plus de saisons donc, plus de pluies ; ô temps suspends ton vol. Cosmonaute suspends ton envol, laisse nous savourer le plus plat de nos jours.

Une question cependant m’interpelle à juste titre, à condition qu’un titre puisse être juste : la terre je veux dire, celle que nous pétrissons- aurait donc une fin physique. Nous allons pouvoir aller au bord du gouffre et c’est certainement ce vers quoi nous allons pour nous noyer dans le néant vaste et noir, dans la tombe sombre et profonde, en route vers notre fin définitive ; pas de résurrection comme le laisse présager la rotation de la terre : l’infini du vide humain s’ouvre devant nos pieds « plats »

Platitude du discours quand tu nous tiens….et nous étreins.

Ce serait évidemment pratique pour se débarrasser de l’humanité vieillotte et radoteuse, voire ennuyeuse et pleurote, champignon des larmes. Plus besoin de cimetières ni de retraites dispendieuses, en route vers le grand trou noir et l’oubli de l’histoire ; la solution finale est à portée de pied, pied de nez à la mémoire. La concentration, fiche le camp, l’extermination à notre portée voilà le slogan en vérité. Mais attention, nous allons être accusés de déviationnisme animiste déterministe ou anarchiste.

Seule remarque, ce n’est pas moi qui affirme que la terre est devenue galette des rois déchus, mais des apprentis sorciers libérés de cinquante siècles de progrès qui semblent avoir tout oublié comme Charles X devant ses mauvais sujets qui ne voulaient pas admettre son trou….de mémoire..

Je crains toutefois que ma prose n’arrive trop tard et ne tombe à plat. Défaite à plate couture annoncée par les prophètes de nos universités….coraniques.

Que vive la nouvelle génération des gourous goulus d’archaïsme et d’anarchisme !

Nouveaux roulements de tambour. A mort le troubadour…pirouette ultime de l’artiste chassé par les pierres ; il ne faut jamais dire la vérité sinon tu seras lapidé par ces nouveaux sorciers qui veulent dissimuler leur vacuité.

5/02/07 revu le 3/1/2011

675 motsPas de quoi en faire un plat