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     EN ATTENDANT LE BERGER…
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Expéditeur Conversation
Eclair
Envoyé le :  21/10/2012 12:35
Plume d'or
Inscrit le: 20/8/2011
De:
Envois: 1959
EN ATTENDANT LE BERGER…
EN ATTENDANT LE BERGER…

(Hommage à toutes les femmes et à mes sœurs qui ont rêvé, autrefois, d’aller à l’école et d’être cultivées).

Vers le milieu des années soixante-dix, en un hiver rude, mais plutôt pluvieux, un jour, notre berger nous a quittés. Mon père, qui était un grand propriétaire terrien, élevait d’immenses troupeaux d’ovins et de caprins, pour lesquels il recrutait un berger, payé en nature (logé, nourri, habillé et quelques têtes de bétail lui étaient données chaque année). Il labourait aussi des dizaines d’hectares, de façon traditionnelle. C’était un élevage et une culture de céréales extensifs, à la merci et aux caprices de la nature. Il employait, quand mes deux sœurs, mon frère et moi étions petits, des métayers (obtenant le quart de la récolte) pour cette activité de toue l’année, employant charrues et dromadaires. Mais, quand nous sommes devenus un peu drus, il nous initiait nous-mêmes à ces travaux, en s’appliquant à nous transmettre toute son expérience dans ce domaine. Fils unique de son père, toutes les tâches lui avaient pesé, pour longtemps, à lui seul sur le dos. Alors, il sentait venir le temps de faire une halte de guerrier ; il faisait un peu le patron, et nous étions les apprentis.

A cette époque, rares étaient les petites filles qui avaient la chance d’aller à l’école, d’autant plus que les miennes avaient toujours du pain sur la planche, comme c’était le cas dans les grandes maisons à la campagne : travaux ménagers, à l’intérieur, et surtout beaucoup d’activités champêtres et pastorales à l’extérieur. Par contre, mon frère et moi, qui avions le privilège d’y aller, nous passions, nous aussi, les vacances d’hiver, de printemps et d’été à labourer et moissonner le blé ou à garder les agneaux et les chevreaux, à la période de leur sevrage. Nous étions comme des soldats réservistes ; en cas de besoin, on faisait appel à nous, même pour couper le fourrage et ramasser le foin !

Mais, pour notre grand malheur, un jour, le berger prétexta d’aller, pour une journée, voir ses parents, alors qu’en réalité, il déserta bel et bien la ferme. Ce fut ainsi une calamité pour ma sœur aînée et moi, écolier âgé de neuf ou dix ans ! Le soir, quand je rentrais, à pieds, bien entendu, de l’école, distanciée de quatre kilomètres, je déposais mon « cartable » (tissu cousu à l’aiguille et mis sur l’épaule) et allais la rejoindre pour l’aider à faire paître les nombreuses chèvres et les brebis dans le maigre pâturage dans la vallée. Mais, nous ne perdions pas l’espoir de trouver un autre berger pour nous soulager.

Le lendemain, c’était un dimanche, jour que ma sœur et mes parents attendirent impatiemment. En voilà la raison : j’allai faire office de petit berger, en remplaçant le pasteur parti, et je dus réussir brillamment ma mission. En tout cas, il m’était interdit de décevoir ! Toutefois, pour moi, garder le troupeau m’était une corvée ! C’est pourquoi ce matin-là, les averses glaciales et le vent mordant furent, pour moi, de bons alibis pour faire grasse matinée et rester au chaud.

Mais à peine le jour illumina-t-il le ciel gris, que la pluie cessa de tomber. Le soleil faible et timide paraissait presque effacé derrière des toisons de nuages épais, mais le vent sciait encore les joues et les nez. Ce fut donc grand temps pour faire sortir le cheptel. Tous les yeux me lorgnèrent incessamment, tantôt encourageants, tantôt doucereux, et même menaçants. Pour me dérober, encore une fois, à besogne, je crus trouver un prétexte : je cherchai mon petit sac d’école, dont je sortis mon livre de lecture illustré en noir et blanc et un vieux cahier de brouillon où je gribouillai quelques lignes, en tachant de montrer intérêt et application. Ce fut un manège inhabituel qui suscita étonnement et suspicion, car jamais le dimanche, d’habitude, je ne révisais mes leçons.

Mon père, campagnard autodidacte, avisé et autoritaire, n’était aucunement dupe pour que je pusse passer mon espièglerie à ses dépens. Après avoir fait une première gorgée de thé noir chaud, bien concentré, il me demanda d’un air si calme et sur un ton glacialement ironique, sans se tourner pour me regarder :
« Depuis quand, Enfant, tu t’occupes, le dimanche, de tes leçons ? Et qu’est-ce que tu fais ? Tu recopies un texte au brouillon !! Tu en as trouvé, en ce matin spécialement, le bon moment ? »
Je fus cuit par l’échec de mon petit cinéma et par ma déconvenue, au point de rester muet comme une carpe. Puis, il m’enjoignit cet ordre :
« Range-moi ça tout de suite et va sortir les bêtes ! Elles ont tellement faim qu’elles ne cessent de bêler à me casser la tête ! »

Aussitôt, je pris le bâton du berger et j’emmenai les animaux, ventres creux, à la steppe sur les hauteurs où poussait le sparte dont ils arrachaient les longues feuilles intérieures bien tendres. Ce matin-là, je vis dans les yeux de ma sœur un véritable éclat de joie. Ce fut, au moins, pour elle, bergère remplaçante, un jour de halte exaltante.

(Mes deux grandes sœurs qui n’ont jamais mis les pieds à l’école ont enterré le cordon ombilical de leurs nouveaux nés dans la cours des écoles et des universités. Elles étaient sûres qu’ils seraient, plus tard, au haut rang de la gloire du savoir (croyance à puissance incantatoire) pour assouvir, à elles, leur soif de s’instruire.

-La première : 4 filles : (médecin spécialiste exerçant à Paris – professeur de physiques – licenciée en biologie – étudiante / 2 garçons : technicien supérieur en paramédical – technicien supérieur en informatique.)
-La seconde : 2 filles : (diplôme en gestion – maîtrise en SVT / 2 garçons : diplôme en technologie – étudiant.)
-Mon grand frère et moi, grâce aux sacrifices de celles-ci : (professeurs principaux, mais en plus, laboureurs, moissonneurs, cueilleurs, éleveurs et bergers (SOURIRE)).

25 Avril 2011

cyrael
Envoyé le :  22/10/2012 12:15
Mascotte d'Oasis
Inscrit le: 30/10/2005
De: ****
Envois: 83504
Re: EN ATTENDANT LE BERGER…


amitiés ECLAIR
merci pour ces extraits
précieux, qui vont m'aider à faire
la préface de votre recueil

j'ai pris plaisir Ă  consulter les Ă©crits

croyez en mon amitié respectueuse

cyrael


----------------

Honore
Envoyé le :  28/10/2012 9:52
Modérateur
Inscrit le: 16/10/2006
De: Perpignan
Envois: 39531
Re: EN ATTENDANT LE BERGER…
Magnifique hommage que j'ai lu avec beaucoup de respect.
HONORE
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