Plume de soie Inscrit le: 5/3/2012 De: ARLES Envois: 88 |
J'ai 100 ans..... Mon Amour chéri La maladie d'Alzheimer me guette alors je préfère coucher sur le papier mes quelques réflexions du jour avant que d'en oublier l'essentiel. Je fête 100 années dont la moitié tout juste dans ton ombre, oserai-je dire. Cela n'a rien de péjoratif, il est de ces femmes qui ne s'épasnouissent que dans l'ombre de quelqu'un, telles les épouses de président ou de roi.... J'ai vécu les 50 premières années de mon existence dans l'attente des 50 autres puisque tu es apparu dans ma vie, l'année de mon 50ième anniversaire, fallait-il y voir un présage ? Je ne reviendrai pas sur la vie sereine que tu m'as offerte, une vie pleine..... de vie, de rires, de fantaisie et de passion. J'étais ton tsunami, tu as été la vague qui m'a portée jusqu'aux rivages de l'espoir quand le monde ma paraissait veule et perfide. Tu as également été un des grands regrets de ma vie, regret, tu l'as compris de ne pas avoir pû t'offrir des enfants, NOS enfants, même si les tiens sont dans mon coeur et si mon investissement auprès d'eux a été total, j'aurais voulu t'offrir un enfant, cela n'a pas pû être.... V...... ce nom chantant comme l'accent de mon grand père dans le bruit des cigales qui bercèrent mon enfance marseillaise, V...... gage de sérieux et de rigueur dans ta ville, dans un monde qui en manque sacrément, et aussi un nom que je me plais à répéter tout bas et que j'aurais été si fière de porter tout au long des ces années. J'avais envie, en ce jour de mon centième anniversaire, de t'écrire donc, pour que tu sois au courant, même si je sais que selon toute logique et où que tu sois, tu me vois, tu soupires de mes maladresses, tu souris de mes idioties et aussi que tu trembles pour moi dans la crainte qui était toujours la tienne, que quelqu'un me fasse du mal. Cela ne m'était jamais arrivé que quelqu'un ait peur pour moi, j'ai toujours assumé mes bétises et même celles des autres et t'entendre me dire que tu te faisais du souci pour moi.... après, me dépassait quelque peu. Peu à peu, j'ai appris à me laisser aller auprès de toiet à considérer que moi aussi, j'étais digne d'intrêt. Je sais que tu es près de moi lorsque je prends un livre, parfois une phrase me fait lever les yeux qui se perdent dans le plafond ou dans le ciel lorsque je suis dans le jardin, lorsque je déambule dans cette ville merveilleuse qui est devenue la mienne, où aussi, incompréhensible que cela puisse paraitre, je te cherche, toi et la connaissance de l' "après". Plus les pages de ma vie se tournent et moins je trouve, comme dans ces cauchemars où chaque pas en avant nous fait reculer d'autant. Je marche le long des quais de ce Rhône que tu aimes tant comme si son doux flot pouvait te ramener vers moi. Je m'arrête ici et là , dans ces quartiers dotn tu m'as appris jusqu'à l'histoire, autant de noms inconnus qui me sont devenus familiers. Te sousviens-tu ? Nous parlions des heures, main dans la main, je m'inquiètais de ton pas, tu serrais très fort ma main. J'ai arpenté les mêmes rues que celles que nous prenions ensemble, scruté les mêmes édifices et, puisque les pierres demeurent, chacune de celles où nous avons posé nos mains et nos regards contient à jamais une part de notre histoire. Tu étais mon ami, mon amant, mon père et plus encore puisque nous nous étions choisis, rien n'aura jamais pû nous séparer. Il ne s'est pas écoulé un seul jour sans que tu m'accompagnes dans chacun de mes gestes, de mes mots, de mon quotidien dans cette demeure où ton ombre bienveillante veille sur ma vie, où tous les murs transpirent ta présence et où je suis comme dans le cocon de notre amour. Je suis une vieille dame, mon coeur, et l'heure de mon départ approche, mais grà ce à toi, j'ai le coeur rempli d'une étincelle de lumière qui le rend très léger. J'ai aimé ! Y a-t-il tant de gens qui peuvent partir riches d'une condition aussi inestimable ? Mon Amour, je sais que devant l'immense toile de ce ciel aussi bleu que tes yeux merveilleux que tu contemples chaque jour désormais, où que je sois, tu veilles sur moi. Je ne sais si tout ce que nous avons vécu avait un sens, ni si la vérité existe, mais si tu trouves ce petit mot, tu sauras que j'ai tenu ma promesse, celle de t'aimer jusqu'à la fin de mes jours et de chérir le souvenir de ce que nous fûmes, jusqu'au bout. Encore quelques mots et tu éditeras cette lettre, la glisseras dans une feuille en plastique, puis dans ton grand classeur rouge que tu refermeras d'un soupir et tu souriras, mon Amour, comme moi en t'écrivant ces derniers mots. moi aussi, je souris, mon Coeur, avec toi auprès de moi, cela fait 50 ans que je n'ai jamais cessé de sourire...
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