Crime sur fond d'alcool.
Crime sur fond d'alcool.
Plongée dans un livre fascinant, je fus soudain détournée de ma lecture par un aboiement persistant qui m’interpella par sa densité et son insistance.
Me levant avec hâte, j’ouvris la fenêtre de ma chambre sur une nuit sans lune, frissonnante. sous la morsure de l’air vif, vrillée par un pressentiment. J’enfilai une veste à la hâte tout en scrutant la route qui montait vers l’église et d’où, semblait-il, venait ce tapage.
Pourquoi ce chien hurlait il ? Un bourg calme, un havre de paix où il ne se passait pas grand chose habituellement. Je jetai un bref coup d’œil au miroir pour rectifier une mèche, m'apprêtant à sortir puis me ravisai, décidée à appeler mon voisin afin qu’il m’accompagne dans une démarche que je jugeai hasardeuse, gagnée par l’inquiétude, à l’idée de sortir seule dans le brouillard, si épais que je ne distinguai rien, ni maison, ni arbres. Pas une âme qui vive.
Accompagnée de mon voisin, je me dirigeai vers l’endroit d’où provenaient les aboiements, une petite maison à deux étages, modeste mais coquette, avec sa vigne vierge et ses roses trémières qui ornaient la façade. De la lumière filtrait à travers les persiennes fermées. Le chien continuait à hurler, attaché à sa niche et ses jappements frénétiques contribuèrent à briser un silence devenu très pesant.
Nous connaissions peu les habitants de cette demeure, qui semblaient vivre en autarcie. J’apercevais quelquefois, lors de mes longues promenades, un petit bout de femme dans la cour, une femme aux longs cheveux bruns, apparemment effrayée par sa propre existence en tout cas avec la volonté de passer inaperçue. Son mari, lui, était invisible.
Nous frappâmes à la porte, mais aucun mouvement ni son ne parvinrent à nos oreilles. Nous essayâmes d’ouvrir la porte, qui, oh! surprise, n’était pas fermée à clé. Sur la table des bouteilles de vin vides sauf une, à moitié pleine et des jeux de cartes A en juger par la vaisselle cassée au sol, un miroir, une bouteille et même un collier en perles de couleur bleue.
Je contournai la table et butai sur un corps allongé par terre qui me fit pousser un cri de frayeur qui attira mon voisin. Comme moi, il constata qu’un homme était mort, tué par une arme à feu, au vu du trou dans sa tempe d’où s’échappait un filet de sang. Probablement le propriétaire des lieux.
Je songeai à un crime sordide sur fond d’alcool. J’en étais là de mes réflexions, lorsqu’il me sembla entendre des pleurs provenant de l’étage. Pendant que mon voisin appelait les gendarmes et le maire, je montai les escaliers pour arriver dans une chambre qu’éclairait une lampe de chevet.
Et je la vis ! recroquevillée sur elle-même, ses longs cheveux cachant son visage. Elle ne bougeait pas, hébétée, et tressaillit lorsque je lui tapota l’épaule.
Levant vers moi un visage dévasté, je lus l’horreur dans son regard quand elle me tendit le fusil qu’elle tenait fermement dans ses bras, signant ainsi son geste fatal. Je ne savais que dire, oscillant entre l’envie de la prendre dans mes bras par compassion et celle, de l’encourager à parler pour soulager sa conscience en expliquant son geste.
Quand les pneus d’un véhicule crissèrent sur le gravier, je sus que c’était les gendarmes. Je lui pris la main pour l’aider à descendre les escaliers. Elle tenait à peine debout, si frêle et visiblement ivre. Le corps gisait toujours à terre et lorsqu’elle le vit, elle se mit à crier, un cri de bête blessée, un cri inhumain. Elle se précipita sur lui pour le couvrir de son corps. Un des gendarmes l’empoigna fermement, la dirigeant vers le véhicule de gendarmerie pour un interrogatoire, qui sûrement lèverait un secret sur une vie décousue, aux relents d’alcool.
Je sus bien plus tard, lorsque les langues se délièrent, qu’elle avait été emmenée au Bordiot, la prison de Bourges, d’où elle a fini par s’envoler en se jetant par la fenêtre, rongée par un cancer. Des personnes qui avaient approché le couple, dirent que c’était deux pauvres moineaux tombés du nid, sans mode d’emploi pour suivre un droit chemin .
Et chacun d’aller disperser aux quatre vents des soi-disant vérités qui n’engageaient que leur propre conscience.
Une histoire banale et sordide, sur fond d’alcool. Il aurait suffi, peut–être ? de leur tendre la main, peut-être …. Mais encore faut-il qu’ils en aient eu envie. Ce qui est sûr,c'est que c’est le genre d’histoire qui vous met mal à l’aise et qui hante un moment votre esprit.
Histoire vraie, un fait divers survenu dans le Sancerrois (Haut-Berry).
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La vie est belle il faut savoir l'apprécier.