En cette journée du 11 Novembre je me permets de poster un poème écrit par Syvain Royé né à Nantes et fauché par un obus à Douaumont le 24 mai 1916 ,
il avait 26 ans
Ce poème est extrait du livre de l'haulocoste recueil de poésie
Claude
blog :
http://pacificlaude.blog4ever.comPrière des tranchées
Les blés sont déjà hauts, dans les sillons de France,
L'été les a dorés, l'été les a mûris.
La moisson sera-t-elle aussi belle qu'on pense ?
Est-ce assez de grandeur, d'héroïsme et de cris ?
Seigneur, nous n'avons pas dans l'abandon des larmes
Oublié votre gloire et trahi votre nom.
Nous n'avons pas douté du retour de vos armes.
Le jour va-t-il sonner des résurrections ?
Notre espoir s'élevait quand nous étions à terre.
Nous n'étions que son ombre et nous étions sans voix.
Seul il tendait vers Vous la foi de nos prières,
Mais nous voici levés, Seigneur, tous à la fois.
Les blés jaunes sont hauts entre les forêts vertes.
La France attend debout le prix de ses douleurs.
Aux moissons de demain les granges sont ouvertes.
Le Jour va-t-il sonner des guérisons, Seigneur ?
Seigneur, le fruit est lourd qui fait ployer la branche.
L'odeur du verger clos promet des jours heureux.
Sous l'opulent fardeau l'arbre geint et se penche,
Et la récolte est proche, et le désir nombreux.
Tant de sang abreuva le champ de la Patrie.
Tant de sang accordé pour un immense éveil,
Que chaque fruit de l'arbre en sa pulpe mûrie
Mêle un goût d'héroïsme à son goût de soleil.
Jadis nous n'avions rien que nos paisibles roses.
Le jardin regrettait de n'être qu'un jardin.
Mais le voici grandi sous les métamorphoses,
Tragique de porter l'orgueil de nos destins.
Le fruit est lourd, Seigneur, l'après-midi sommeille.
Nous n'avons épargné ni l'effort ni l'espoir.
Souffrez que le fruit tombe au creux de nos corbeilles
Et que nous rentrions, joyeux, avant le soir.
Le soir tombe, semblable au dessus des deux lignes
Semblable de tendresse et de rédemption.
Encore un jour passé que nous abandonnons
Pour mieux aimer demain dont l'espoir nous fait signe
Le soir tombe, Seigneur. Sous sa feinte douceur
Que cache-t-il, tendant la trame de son ombre ?
Quel invisible doigt parmi nos rangs dénombre
Ceux dont le dernier jour sera ce jour qui meurt ?
Quels d'entre nous verront le prochain crépuscule ?
Quels verront la Victoire et l'ultime combat ?
Notre désir grandit, s'exalte, se débat,
Et, douloureux se tend vers le but qui recule.
Sans la flamme, Seigneur, les flambeaux ne sont rien.
Nous sommes les flambeaux et vous êtes la flamme.
Pour l'orgueil de nos cœurs, pour la foi de nos âmes,
Seigneur, accordez nous notre espoir quotidien.
...Seigneur, vous n'avez pas exaucé nos prières.
Voici les ciels de brume et d'immobilité !
Chaque jour alourdit le poids de nos misères
Et nous doutons parfois, Seigneur, de la clarté.
Où sont les fruits promis, les moissons et les roses ?
L'hiver a poignardé la gloire du jardin.
Aux espoirs abolis les granges se sont closes
Et le vol des corbeaux insulte à nos destins.
...Pitié mon Dieu, pitié pour tous ceux qui fléchissent,
Pour tous ceux qui n'ont plus la foi qu'il faut avoir.
Plus pur est dans le cœur l'état du sacrifice
Quand il ne s'est nourri qu'aux flambeaux du devoir.
D'autres heures naîtront, plus belles et meilleures.
La Victoire luira sur le dernier combat.
Seigneur, faites que ceux qui connaîtront ces heures
Se souviennent de ceux qui ne reviendront pas.
Sylvain ROYE